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Montefcale vient avertir la Reine que Tarente a gagné les États, qui font décidés à le placer demain fur le trône, & à lui donner la main d'Amélie. La Reine s'abandonne à fon défefpoir, & s'écrie:

C'eft peu que lâchement Tarente m'abandonne;
C'eft Amélie enfin qu'avec lui l'on couronne!
Par un double parjure, ausfi vil qu'inhumain,
Il briguoit à la fois & mon trône & sa main!
Il ravit ma dépouille, après m'avoir trompée!
Enfin elle fe promet du moins de faire avor-
ter le projet qu'il a formé contre le Roi de
Hongrie.

Acte IV. Le Roi de Hongrie veut engager Montefcale à lui nommer les auteurs de la mort du feu Roi; mais Montefcale lui réfifte. La Reine auffitôt vient lui apprendre que le Prince de Tarente doit le faire affaffiner cette nuit; & elle l'exhorte à retourner dans fon camp. Tarente, qu'elle a mandé, arrive; il parle encore de la venger par la mort du Roi de Hongrie. Si tel est ton efpoir, lui dit la Reine,

Il y faut renoncer: il ne faut pas s'attendre,
Quand le piége eft connu, qu'on s'y laisse surprendre.
Louis fait tout.

Le Prince DE TARENTE.

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Il fe met à l'abri de ces complots obfcurs;

Il retourne à fon camp.

Moi.

Le Prince DE TARENT E.

Qui donc a pu l'inftruire ?....

LA REINE.

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Ah! barbare! ai-je ici d'autre ennemi que toi? &c.

Après ce morceau de dialogue, vif & animé, elle lui reproche fa trahifon & fon infidélité; & l'on vient avertir que Louis eft dans fon camp, & qu'il fe difpofe à attaquer

le fort.

Acte V. Le Théâtre repréfente un périftile, où les États vont s'affembler. On a livré un affaut meurtrier; & enfin, pour obtenir la paix, on s'eft décidé à fatisfaire le Roi de Hongrie, c'est-à-dire, à lui donner Amélie, & à dépofer la Reine. On s'affemble enfin, la Reine comparoît, fe déclare coupable, ainfi que Tarente, du meurtre du

feu Roi; Louis ordonne qu'on faffe mourir Tarente; & la Reine fe tue.

La marche de cette Tragédie eft affez fage, & ne donne guères lieu qu'à deux obfervations majeures, fur lesquelles nous aurons occafion de revenir. Quant au ftyle, on ne peut reprocher à M. de la Harpe qu'une prolixité trop fréquente; on peut l'accufer d'employer fouvent beaucoup plus de vers qu'il n'en faut pour exprimer fa penfee. Par exemple, Montefcale, après avoir dit que les bienfaits de la Reine de vroient lui répondre de la fidélité du Prince de Tarente, ajoute :

Mais tel qui, dans des jours de bonheur & de paix,
Près du trône affidu, comblé de fes bienfaits,
Dut fa haute fortune à ces talens de plaire,
Au vain orgueil des Rois hommage nécessaire,
Souvent dans les périls, par un lâche retour,
Sert auffi mal l'État qu'il connut bien la Cour,
Et laiffe à la vertu que dans l'ombre on exile,
Le danger de déplaire & l'honneur d'être utile.

Ce ne font pas là de mauvais vers; presque tous font affez bien tournés; mais combien y en a t'il qui ne font pas néceffaires! Voltaire fait dire à la Mothe:

Mes vers font durs, d'accord; mais forts de chofes.

Ceux que nous venons de citer font précifement le contraire. Il n'en eft pas moins vrai qu'il feroit à defirer que tous nos Au

teurs Dramatiques écriviffent avec autant d'harmonie, d'élégance, de correction & de nobleffe. Aux veis que nous avons déjà cités par occalion, nous pourrions ajouter nombre de tirades propres à juftifier cet éloge. Louis, en arrivant, exprime fon trouble au fouvenir du fang de fon frère qui a coulé dans ce palais:

Je crains à chaque pas d'en rencontrer la trace;
J'obferve avec terreur tous les lieux où je passe.
La Nature répète à mon cœur indigné:
Là, peut-être, ton frère eft mort aflaffiné.
Je foule en frémissant cette coupable terre ;
Je me crois entouré des bourreaux de mon frère,
Calmez le trouble affreux qui m'a dû pénétrer;
Ce n'eft qu'auprès de vous que je puis refpirer.
J'y viens chercher la paix, l'amour & l'innocence.

En voici d'autres qui, loin de donner lieu' au reproche de prolixité, ont de la rapidité & du mouvement. Amélie demande au Roi de Hongrie, jufqu'où il veut porter la vengeance; & il lui répond:

Peut-elle aller trop loin? Ah! Madame, jamais
Et le trône & l'hymen n'ont vû plus de forfaits.
Quelle Cour! quelles mœurs! & quel complot intâme!
On affaffine un Roi prefque aux yeux de fa femme!
De fa femme!... Et tandis que l'on portoit les coups,
Tranquille, elle entendoit les cris de fon époux!
Son cadavre trois jours refte fans fépulture;

Et pour comble, en un mot, & d'horreur & d'injure, Les meurtriers fix mois demeurent impunis!

Qui donc les enhardit à ce meurtre inhumain?
Qui les avoit armés? Qui conduifit leur main?
Enfin, qui l'eût ofé fans l'aveu de la Reine?

Déjà pour fon époux on connoiffoit fa haine.
Souveraine en ces murs, quel autre dût venger
L'époux que fous fes yeux on venoit d'égorger?
Qui donc des criminels dût preffer le fupplice?
Qui ne les pourfuit pas, fans doute, eft leur complice.

'Le Prince de Tarente, dans fa grande & belle Scène avec le Roi de Hongrie, s'échappe jufqu'à lui dire que Naples ne veut plus des Hongrois, que l'Italie appelle encore barbares. A ce mot, le Roi de Hongrie fe lève avec indignation:

Qu'entends-je? vous n'ofez

Combattre vos vainqueurs, & vous les méprifez 3
Il vous fied d'infulter à la vertu guerrière,
De vanter de vos mœurs la douceur mensongère,
Vos arts effeminés, votre luxe pervers!
Efclaves corrompus, orgueilleux dans les fers,
Leur fuperbe molleffe eft encore bercée
Du chimérique orgueil d'une grandeur passée.
Et qu'est donc ce pays jadis fi renommé?
Du feu des factions je le vois confumé.
Le Sacerdoce altier lutte contre l'empire ;
Le plus fort eft tyran, le plus foible con pire;

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