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J'offre à des yeux perçans, pour l'homme un double

frein

Qu'il ne peut fecouer fans être un franc coquin. Encore un trait, Le&eur, & tu vois l'enclouûre: Toujours funefte en grand, je plais en petit brin, Delà vient qu'on a pu me vanter en latin.

NOUVELLES LITTERAIRES.

JEANNE DE NAPLES, Tragédie en cinq Actes & en vers, repréfentée par les Comédiens François le 18 Décembre 1781, au Palais des Tuileries; & à Versailles, devant Leurs Majeftés, le 20 du même mois; remife au nouveau Théâtre du Fauxbourg S. Germain, le 19 Mai 1783, par M. de la Harpe, de l'Académie Françoife. A Paris, chez F. J. Baudouin, Imprimeur Libraire, rue de la Harpe, près S. Côme.

CETTE Pièce, représentée il y a plus d'un an, n'a été livrée à l'impreffion qu'à la reprife qu'on vient d'en faire. On rifque moins à prononcer fur une Tragédie qui a fubi cette double épreuve Théâtrale, parce que le tems a mis dans le plus grand jour, & fes beautés & les défauts. Souvent aux premières repréfentations, un Ouvrage Dramatique obtient le plus grand fuccès; il quitte la Scène au

bruit des applaudiffemens d'une nombreuse affemblée; & l'on eft tout furpris, quand il y reparoît une année après, de le voir reçu d'abord avec froideur, & enfuite abandonné. C'eft que fouvent l'enthoufiafme qu'excite une première représentation, fe prolonge jufqu'à celles qui la fuivent; c'est un mouvement allez fortement imprimé aux efprits pour avoir la durée qui fait la mesure d'un fuccès. Mais quand il s'eft écoulé un affez long intervalle depuis cette réuflite, & que la Pièce reparoît au Théâtre, le fecond jugement qui intervient diffère fouvent du premier; on a eu le temps de raifonner les fenfations qu'on avoit reçues d'abord; on s'eft demandé compte de fa première admiration; & fouvent la réflexion brife l'idole que l'illufion ou quelque raifon locale qu'on ne devine pas toujours, avoient placée fur l'autel, Le contraire arrive auflì, mais bien plus ra

rement.

Cette réflexion eft générale ; & je n'en tire aucune conféquence relative à Jeanne de Naples, finon que cette Tragédie ayant fubi ces deux épreuves, la critique peut, fans témérité, prononcer fur fon mérite. Mais fi, par cette raifon, le jugement des Critiques en général devient ici plus facile & moins hafardeux, le rôle que j'ai à remplir n'en est pas moins embarraffant, par la pofition particulière où je me trouve envers M. de la Harpe. J'ai autrefois écrit contre lui une difcuffion littéraire, dont l'objet n'étoit pas de

défendre mon amour-propre, (car je n'ai ré pondu encore à aucune critique) mais de venger la mémoire d'un homme celèbre, l'Auteur de la Métromanie; M. de la Harpe m'a répondu fur un autre ton (car chacun a le fien); & d'après cette double hoftilité, on pourroit craindre de me voir apprécier fon Ouvrage moins en juge qu'en ennemi. J'ai moi-même été fur le point de me récufer; mais je me fuis interrogé enfuite, & j'ai cru pouvoir me répondre de moi-même. Cette vieille querelle n'a laiffé des traces que dans ma mémoire; je ne trouverai d'autre plaisir à blâmer que celui d'être vrai & jufte, & je louerai fans hypocrifie. Il me feroit facile fans doute de me donner un air de générofité; mais je croirois humilier M. de la Harpe par une indulgence qui n'eft faite, ni pour un Membre de l'Académie Françoise, ni pour un Littérateur auffi diftingué; au lieu que la franchife que je mettrai dans mes critiques, répondra de la fincérité de mes éloges. Au refte, je ne rappelle cette anecdote que pour ceux qui l'ignorent, ou qui peuvent l'avoir oubliée; & je la rappelle pour me foumettre d'avance au blâme public, fi, après m'être avoué, par la circonftance, fufpect de partialité, j'avois a foibleffe d'en mériter le reproche.

Faifons connoître maintenant le fujet & la marche de cette Tragédie. Jeanne de Naples, entraînée par fa paffion pour l'indigne Prince de Tarente, a laiffé affaffiner fon mati. Elle

raconte à fa Confidente comment Montefcale, Grand Jufticier de Naples, ayant fait mourir les alfaffins, a fouftrait leurs dépofitions pour ne pas voir accufer la Reine; elle fe plaint de la conduite de Tarente; & Montefcale vient lui annoncer que Louis, Roi de Hongrie, frère du feu Roi, arrivé à la tête d'une armée pour tirer vengeance de fa mort, a fait accepter une trêve, & qu'il vient fiéger aux États aflemblés pour leur demander une juftice entière. Voilà tout ce qui compofe le premier Acte. L'expofi. tion y est faite très-longuement; mais elle fait connoître tous les perfonnages de la Pièce.

La Princeffe Amélie ouvre le second Acte avec Conftance, fa Confidente, qui la félicite fur l'arrivée du Roi de Hongrie, fon amant. Le Roi entre en effet, toujours occupé de fa vengeance. Amélie, en rivale: généreufe, cherche à éloigner les foupçons. qu'il a fur la complicité de la Reine; elle l'exhorte à fe méfier de Tarente; enfin elle lui apprend que ce dernier lui eft fecrètement destiné pour époux par les États. Scène très-vive entre le Roi de Hongrie & Tarente. Le Roi annonce qu'il vient demander aux Etats qu'on dépofe la Reine; mais il déclare aufli fes préterons à la main d'Amélie, ce qui fait que Tarente s'emporte contre lui. C'eft affez, dit le Roi de Hongrie :

Je conçois vos raifons, tout l'art qui les explique
Et met tant d'équité dans votre politique.

Pardonnez fi d'abord je n'ai pu bien juger
Cet art de l'Italie, il m'eft trop étranger;
Mais il faut que l'adreffe à la fin fe trahiffe:
Quelquefois la candeur confondit l'artifice.
Vos confeils menaçans m'avertiffent en vain;
Je puis les réfuter les armes à la main.
Avant de m'y réfoudre, il faut que j'éclairciffe
Un fecret qui fe cache à l'œil de ma juftice.
Je ne vois plus en vous l'organe des États;
Vous avez des deffeins que peut-être ils n'ont pas.
Naple a des intérêts qui ne font pas les vôtres;
Et pour régler les fiens vous en avez trop d'autres.
C'est devant les États qu'il me refte à parler.
On doit m'y recevoir, on va les affembler;
J'y paroîtrai bientôt. Montescale y préfide:
J'en croirai sa vertu, je la prendrai pour guide;
Et c'eft elle qui doit décider avec nous

De Naples, de la Reine, & peut-être de vous. D'après cela, le Prince de Tarente forme un projet bien digne de lui; il se décide à faire affaffiner le Roi de Hongrie.

Acte III. Le Prince de Tarente confie fon projet d'affaffinat à la Reine, qui s'en indigne, & qui cherche à l'en détourner. Mais elle le combat en vain; le Prince s'enfuit en lui difant:

A nos Chefs je cours me réunir. Vous, lorfque vous verrez votre ennemi fans vie, Défavouez la main qui vous aura fervie.

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