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ger; il dit feulement, d'après une tradition populaire, que dans le temps où l'on donnoit l'affaut, le bruit fe répandit que les Bourguignons arboroient leurs étendards fur les murailles; hommes & femmes coururent de ce côté, une d'elles ayant apperçu un Enfeigne Bourguignon inontant fur une échelle avec fon drapeau, le lui demanda feignant de l'en vouloir débarraffer, & l'en recevant par la pointe, elle lui en donna un coup fur la tête du côté oppofe, qut le précipita dans le foffe.

Le Père Femier rapporte enfuite le fait d'une autre manière, d'après un manufcrit compofe par un Bourgeois de Péronne, qui avoit vû le Siège.

L'exploit de Marie Fouré n'a donc d'autres titres d'autenticité, & d'autres droits à la confiance du Public, qu'un bruit populaire & une Proceflion publique qui fe fait tous les ans à Péronne. On n'en trouve aucune trace dans les Mémoires contemporains de du Bellay, ni dans l'Hiftoire de France de Velly, continuée par M. l'Abbé Garnier, ni dans celle de François Premier, par M. Gaillard, &c.

Nous ne croyons pas qu'un Opéra foir bien propre à venger Marie Fouré de l'oubli de tous les Hiftoriens; mais que le fujet de celui-ci foit fabuleux ou vrai, cela fait bien peu de chofe au mérite & au fuccès de l'Ouvrage. Si l'action en eft intéreffante & la mufique agréable, on ne deman

dera pas à l'Auteur les preuves des faits für lefquels il a fondé fa Pièce. En voici la marche.

Les Flamands ont mis le fiège devant Péronne; mais une trêve fufpend les hoftilités. Le premier Acte fe paffe dans un vallon près de la ville. La Compagnie de l'Arc s'y eft #affemblée pour difputer un prix qu'a remporté le jeune Sainquentin, fils d'un des principaux Bourgeois de Péronne, & frère de Marie. On célèbre fon triomphe, & l'on annonce fon mariage avec Hélène. Ils fe retirent Juliette, fœur d'Hélène, arrive, & eft bientôt fuivie de Lubin, fon amant; ils ont raffemblé les garçons & les filles pour la noce de Sainquentin. Une marche villageoife annonce la fête. Les mariés arrivent avec leurs parens; le Maréchal de la Mark; Gouverneur de Péronne, accompagné des principaux Gentilshommes, vient aflifter à la fête, qui eft interrompue par l'avis que les ennemis ont rompu la trêve & s'avancent vers Péronne. Toute la Troupe rentre dans la place. La Scène change, & repréfente une plaine, où le trouve une maffe de pierres qui cache l'ouverture d'un fouterrain par où les affiégeans fe propofent d'arriver jufqu'aux murs de la place, & de forcer une des portes pendant que l'Armée fera une attaque d'un autre côté. Après avoir expofé leur projet, ils entrent dans le fouterrain: là finit le premier Acte.

Le fecond fe paffe dans l'intérieur de la ville.

ville. Une troupe de femmes déplore le malheur dont elles font menacées; Marie leur reproche des plaintes inutiles, & les encourage a partager avec leurs concitoyens les travaux & les dangers du Siège; le Maréchal de la Mark applaudit à cette noble ardeur, Sainquentin vient annoncer que fon fils & lui ont arrêté un ennemi qui s'étoit introduit la nuit dans les murs; cet ennemi cft le Chef de la Troupe qui eft entrée dans le fouterrain; il eft amené fur le théâtre; il répond avec beaucoup d'audace au Maréchal, qui l'interroge fur fes projets, & le fait conduire à la tour, Dans ce moment on entend crier aux armes, & l'on voit fur le rempart Marie tuer un ennemi qui tentoit d'y monter, & lui arracher fon drapeau..Le Maréchal ramène Marie fur la Scène, en louant fon courage, lorfqu'on lui annonce un Soldat François qui lui remet une lettre du Duc de Guifes par laquelle ce Général lui donne avis qu'il arrive au fecours de la lui recommande de fortir avec fa Garnifon au fignal du canon, pour le joindre à lui & tomber fur les affiégeans.jobs

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Le troisième Acte représente fur le côté le dehors des remparts, & au fond la tour où l'Officier prifonnier a été renfermé. On le voit paroître au haut de la tour, égerger un Soldat qui y eft en fentinelle, & fanter enfuite de la tour dans les foffés. Une patrouille de Bourgeois, qui vient de faire le tour des murs, rentre dans la ville par une porte, No 23, 7 Juin 1783.

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d'où l'on voit fortir Sainquentin père, qui vient exprimer, dans un long monologue, fes inquiétudes & les terreurs fur les dangers que courent fon fils & fa fille, qui font fortis avec un détachement pour fe joindre au Duc de Guife. Tout à coup on entend le bruit du canon; les Bourgeois le précipitent en foule fur les remparts; on voit Marie & fon détachement fe retirant en défordre; Sainquentin père fait une fortie pour repouf fer les Flamands & faciliter la rentrée du détachement dans la ville. Alors l'Armée ennemie s'avance devant les murs; l'Officier qui s'eft fauvé met le feu à une mine qui fait fauter la tour; une partie des affiégeans fe porte vers la brêche, d'autres viennent avec des échelles pour efcalader les murs. Pendant que la Garnifon fe défend fur les murailles avec la plus grande vigueur, l'Armée du Duc de Guife s'avance, furprend les adiégeans, & les met bientôt en déroute.

Au quatrième Acte, la Scène repréfente une Place dans l'intérieut de la ville, ou fe réuniffent, par une marche, les troupes victorienfes avec leurs Chefs & les Bourgeois; ils célèbrent leur triomphe par des chants de victoire & par des danfes.

Cet Ouvrage a été reçu à la première repréfentation avec une févérité qui nous interdir un examen trop rigoureux des défauts qu'on pourroit y relever. Il eft aifé de voir que cette action eft peu fufceptible d'intérêt, que les incidens en font trop découfus, que

le ton général manque de variété, & qu'en s'interdifant les reffources d'une intrigue d'amour, l'Auteur s'eft privé de beaucoup de détails & d'effets agréables dont le Théa tre Lyrique ne peut guères fe paffer. Il a donc été obligé d'y fuppléer par des détails peu propres à la Mufique, & par une répétition des mêmes tableaux & des mêmes idées qui y eft tout auffi peu favorable. Le vice le plus effentiel du Poëme eft dans l'incohérence des Scènes mêmes deftinées à produire le plus d'effet, telles que là Scène de jaloufie de Juliette & de Lubin, le Monologue de l'Officier ennemi qui exprime fa haine contre les François; fon Dialogue avec le Maréchal de la Mark; la Pantomime du meurtre de la fentinelle & du faut de la tour dans les foffés; le long Monologue de Sainquentin le père. On pourroit fupprimer tous ces morceaux, & l'action n'en feroit que plus fimple & plus rapide; car il n'eft plus queftion dans le refte de la Pièce de l'amour. de Lubin & de Juliette; le Monologue de l'Officier & fes Couplets fur le caractère des François ne font que ralentir la marche de l'action; l'incident qui le fait tomber entre les mains de Sainquentin n'y produit aucun changement, puifqu'il n'empêche pas fa troupe d'arriver fur les remparts; fa fuite de la tour n'eft pas plus néceffaire, parce que le fiége pouvoit continuer fans lui. Quant au Monologue de Sainquentin, il paroît déplacé. On

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