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fiffe, n'importe par quels moyens, Dolus an virtus, quis in hoffe requirat.

Mais on peut toujours vaincre, & on ne trompe qu'une fois, du moins des gens avifés. Si tu me trompes une fois, dit un proverbe Turc fort fenfé, tant pis pour toi ; fi

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tu me trompes deux fois, tant pis pour » moi. » Quand on fe détermine à tromper, il faut donc, indépendamment de toute morale, avoir bien examiné fi l'intérêt du moment eft affez fort pour qu'on y facrifie fa vie entière, pendant laquelle on fe condamne à infpirer la défiance & à n'être jamais cru. Voilà ce que devroient pefer avec foin ceux qui fe déterminent toujours si facilement à tromper, & qui ne fentent pas qu'on a toujours intérêt de conferver ne bonne réputation.

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« La force feule, dit Machiavel, n'a ja mais fuffi pour s'élever de la médiocrité à » une grande fortune, la mauvaife- foi feule » y eft quelquefois parvenue. »

Cela peut êrre, car il y a des exemples de tout; mais il n'en eft pas moins vrai que -l'effet naturel de la mauvaife- foi eft de décréditer, & de nuire aux fuccès futurs, fi elle ne nuir pas toujours au fuccès préfent.

Xénophon, dans la vie de Cyrus, pourfuit Machiavel, prouve évidemment la » néceffité de recourir à la mauvaise foi.

Xénophon eft un grand nom; mais s'il a eu l'air de prouver cela (carson ne prouve

pas véritablement ce qui n'eft pas ) il a fair un grand tort à la morale fans fervir la politique.

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Xénophon conclut tout fimplement qu'un Prince ne fauroit faire de grandes ❞ chofes fans apprendre l'art de tromper.» Xénophon, en ce cas, a tout fimplement fort mal conclu; il s'eft fait le précepteur imprudent du vice & de la baffeffe.

«L'Hiftorien a toujours foin de remar» quer que jamais Cyrus, fans ce talent » n'auroit pu s'élever à ce haut degré de puiffance. »

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Il a pris là un foin bien inutile, bien funefte, bien indigne d'un Hiftorien & d'un Philofophe, & dont Machiavel n'auroit dû parler que pour en témoigner fon indignation; mais bien loin de s'en indigner, il s'y complait, il y ajoute, il développe cette doctrine, il cherche à l'appuyer par d'autres exemples, & il ne s'apperçoit pas qu'il lui échappe des traits qui la condamnent. « Les » Latins, dit-il, fe portèrent à la guerre, parce qu'ils ouvrirent enfin les yeux fur » la mauvaife-foi des Romains. » Voilà ce qui arrive, on ouvre les yeux fur la mauvaise-foi, & on s'empreffe de la punir.

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La mauvaise-foi eft d'autant moins blâmable, qu'elle eft plus couverte, comme celle des Romains. » C'eft comme fi on difoit que l'empoifonneur le plus eftimable eft celui qui fait le mieux fe cacher.

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Dans le Chapitre intitulé: Des fujets or

dinaires de guerre entre les Potentats, Machiavel s'exprime ainfi :

"Ai-je deffein de faire la guerre à un Prin »ce malgré les nœuds les plus folides for» més dès long-temps entre nous; je trouve » des prétextes, j'invente des couleurs pour » attaquer fon ami plutôt que lui; je fais » que fon ami étant attaqué, il arrivera de » deux choses l'une, ou qu'en prenant fa défenfe, il me fournira l'occafion de le combattre, ou qu'en l'abandonnant avec »lâcheté, il découvrira fa foibleffe & le » peu de cas qu'on doit faire de fon al»liance. L'effet naturel de ces deux combinaifons eft de flétrir fa gloire & de faci liter mes deffeins.»

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Fort bien; voilà donc ce que vous faites quand vous avez un deffein mal honnête, injufte, contraire à vos engagemens & à la foi donnée; mais enfin ce deffein, l'approuvez-vous? le condamnez-vous? Il eft évident que vous l'approuvez & que vous le recommandez.

C'eft avec peine encore que nous voyons un Chapitre porter le titre fuivant:

Un Prince ne peut vivre avec fécurité tant qu'il laiffe le jour à ceux qu'il a dépouillés. Quel mal eft-il arrivé à Charlemagne pour avoir laiffé vivre Didier, Roi des Lombards, dont il avoit envahi les États; & du temps même de Machiavel, quel a été pour François I l'inconvénient d'avoir laiffé la vie à Maximilien Sforce, Duc de Milan ? Nous

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craindrions bien plutôt que cette maxime Machiavellifte ne devînt funefte au Prince ufurpateur ou récupérateur, en mettant le Prince dépouillé dans la néceffité d'ôter la vie au vainqueur pour pouvoir la conferver. En devenant plus redoutable à fon ennemi, on rend cet ennemi même plus redoutable. Au refte, ce que nous avons dit, que Machiavel infpire le defir de difputer contre lui, n'eft vrai que de certains articles, le plus grand nombre eft de ceux où il entraîne & perfuade. Son Ouvrage eft plein de vérités qui importent au genre humain, fes erreurs mêmes font d'un efprit très étendu & très éclairé. C'eft lui qui nous a enfeigné à tirer de l'Hiftoire la plus grande utilité dont elle foit fufceptible, en la faisamt fervir d'exemple & de preuve aux principes politiques qu'il établit jamais on n'a fait de l'Hiftoire un plus bel ufage, jamais on ne l'a mieux appliquée à fa véritable deftination. Machiavel, l'un des plus grands penfeurs qui ayent écrit, a fourni beaucoup d'idées aux Écrivains politiques qui font venus après lui; & Montefquieu même peut, à quelques égards, paffer pour fon Difciple. Chaque Chapitre donne beaucoup à penfer, & il y en a un grand nombre qu'on peut regarder comme d'excellens traités fur des matières délicates & curieufes, ou com; me des démonftrations très- piquantes de propofitions paradoxales qui avoient d'abord étonné. Nous citerons comme dignes d'une

attention particulière, dans le premier Volume, le Chapitre : Combien il importe à la liberté d'autorifer les accufations. Le Chapitre 8: Qu'autant les accufations peuvent être utiles dans une République, autant la calomnie y eft pernicieufe. Le Chapitre to: Qu'autant il eft dû de louanges aux fondateurs d'une République ou d'une Monarchie, autant il eft jufte de blâmer les Auteurs d'un Gouvernement tyrannique. Le Chapitre 17: Qu'un peuple corrompu qui devient libre, ne peut prefque pas réuffir à conferver fa liberté.

Dans le fecond Volume, Livre second; le Chapitre 10: Que l'argent n'eft pas le nerf de la guerre, comme on le croit communément. Le Chapitre 15: Les États foibles font toujours indécis, & la lenteur à fe déterminer eft toujours nuifible. Le Chapitre 16: Combien les Armées modernes font différentes des anciennes. Le Chapitre 17: Quel cas on doit faire de l'Artillerie dans les Armées modernes, & fi l'opinion univerfelle fur ce point eft fondée en raifon. Le Chapitre 18: Qu'il eft prouvé, par l'autorité des Romains & Pexemple des anciens, qu'on doit faire plus de cas de l'Infanterie que de la Cavalerie. Le Chapitre 24: Que les places fortes font en général beaucoup plus nuifibles qu'utiles. Le Capitre 25: Que l'on prend un mauvais parti lorfqu'on veut profiter de la défunion d'une ville pour l'attaquer & s'en rendre maître. Le Chapitre 33: Que les Romains laiffoient leurs

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