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messe de remboursement, intérêt et capital dans l'espace de quinze ans.

C'est ici que la résolution de discuter chaque article du projet à part a été prise par l'assemblée. Le premier article posoit la suppression de la gabelle. MM. Foucault et, Dufraisse du Chey vouloient que cet article devînt le dernier, et qu'on vît comment on remplaceroit la gabelle avant que de penser à la détruire. On peut s'étonner de cette logique : C'est le peuple qui a détruit de fait la gabelle; l'assemblée nationale consacre seulement par la loi cette destruction. De plus, la démolition d'une mazure précède toujours la construction de l'édifice qui le remplace. Chaque article d'un projet de remplacement pour la gabelle portant sur ce que cette gabelle n'existera plus, il est naturel de le dire tout bonnement, plutôt que d'en faire mystère jusqu'à la fin.

Ce premier article a été décrété en ces termes :

ART. 1er. La gabelle, ou la vente exclusive du sel, dans les départemens qui formoient autrefois les provinces de grandes gabelles, de petites gabelles et de gabelles locales; le droit de quart-bouillon dans les départemens de la Marche, de l'Orne et de l'Orne inférieure, et les droits de traite sur les sels destinés à la consommation des départemens, ancien nement connus sous le nom de provinces franches et rédimées, seront supprimés, à compter du 1er avril prochain.

Du lundi 15 mars.

EN consignant dans nos feuilles l'élection des présidens de l'assemblée nationale, nous n'avions d'autre but que de conserver, en faveur des députés appellés à cette place importante, venir d'une distinction qui les honore; de fixer, aux matériaux que nous recueillons pour l'histoire, des espèces d'époques chronologiques, à-peu-près comme les Romains marquoient la date des lois par le nom des consuls sous lesquels elles avoient été sanctionnées. La promotion de M. Rabaud de Saint-Etienne, déclarée dans cette séance, ajoute à cette vue un intérêt nouveau et plus général. Un réformé! un prêtre de cette religion, naguères proscrite et poursuivie par le fer et le feu dans la plupart de nos provinces, appellé, par le vœu des représentans de la nation, à les présider, à devenir leur organe auprès du roi! Quel événement à ajouter à tant d'autres, dont la philosophie regrette que les Louis XIV, les Louvois, les pères Lachaise et Letellier n'ayent pu devenir les témoins! Quand, par un effet de son bon sens et de sa justice, notre bienfaisant monarque rendoit aux non-catholiques ce que les stupides et féroces lois de son

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trisayeul

trisayeul leur avoient enlevé, une existence civile; quand, par égard pour de malheureux préjugés, il bornoit envers eux le grand bienfait de la liberté religieuse au droit de naître, de se marier et de mourir dans une religion différente; quand de prétendus amis de la liberté des peuples apportoient en parlement tant de difficultés à ce commencement de justice; quand ils insultoient à l'auteur d'une religion de paix et de charité, par une fanatique apostrophe à son image; qui s'attendoit, qu'en moins de trois ans, tous les crimes de l'intolérance seroient réparés par l'élévation d'un pasteur réformé à la présidence du corps législatif! Vantez à présent votre puissance, despotes de la terre! voyez combien elle est vaine; en comparaison de la liberté, quand il s'agit d'hu manité, de justice! Ce qu'un monarque chéri osoit à peine tenter en France; ce que le tyran Joseph n'a pu opérer dans les Pays-Bas avec ses ruses, avec sa politique ultramontaine, appuyée de tout l'appareil de la force militaire," se consomme aujourd'hui sous nos yeux, par le seul effet de la raison et des lumières, sur une assemblée populaire.... Ah! sans doute le plus grand crime du despotisme n'est pas l'obstacle qu'il apporte à l'exécution des volontés de l'homme social; c'est son abatardissement qu'il opère; c'est

B

cest cette lâche indifférence qu'il lui inspire pour tout ce qui n'est pas soi; c'est la barrière qu'il oppose au développement de ses facultés intellectuelles ; c'ést le ridicule qu'il seme trop souvent sur tout acte qui, par l'énergie des sentimens qu'il suppose, peut mériter le nom d'acte vertueux.

L'ordre du jour appeloit dans cette séance la lecture et l'approbation définitive du décret sur les droits féodaux, la continuation du travail sur la gabelle, et le rapport du comité des finances sur la proposition du bureau de la ville de Paris. Tant d'objets importans ne pouvoient être épuisés dans une séance. On a commencé par le décret sur les droits. féodaux, sur lequel on pensoit n'avoir qu'ume simple lecture à faire. On y a remarqué une addition faite par le comité pour la suppression de ces offices de mesureurs de sel en Saintonge, qui firent partie du traitement que la libéralité de Louis XIV assigna jadis à un roi fugitif, au lieu des trois couronnes que ses fautes lui avoient fait perdre. On a chargé le comité de revoir l'énonciation des droits féodaux maritimes qui paroissoient avoir besoin d'explication. Ensuite sur la proposition de M. de Foucault, rédigée sur-le-champ par M. Target, on a arrêté de terminer le décret général par l'article sui

vant:

L'assemblée nationale 'rendra incessamment les décrets relatifs au mode et au prix du rachat des droits réservés, sans préjudice néanmoins du paiement qui sera fait des rentes, redevances et autres droits échus et à échoir, jusqu'au moment du rachat.

Nous l'avions déjà observé; il est rare que les rédactions faites dans l'assemblée même ayent le mérite de la clarté. Que veut dire ce mot, sans préjudice? Est-ce qu'en rendant des décrets sur le mode et le prix du rachat des droits réservés, l'assemblée pouvoit faire préjudice au paiement de ces mêmes droits, jusqu'à ce que le rachat fût effectué? Au lieu de ces formules praticiennes, que la seule paresse conserve et qui déparent des lois faites pour le peuple, pourquoi ne pas dire nettement : « Ordonnant néanmoins que toutes rentes, redevances et droits réservés, échus et à échoir, continueront à être exigibles aux époques fixées par les coutumes des lieux, jusqu'au moment du rachat? »

Dans tout autre temps, et sur tout autre objet, de moindres vices de rédaction auroient donné lieu dans l'assemblée à de longues contestations; un intérêt général et pressant ne leur a pas même permis de naître. Le moment de la convocation des assemblées primaires étant très-prochain, on a senti qu'il n'y avoit pas de temps à perdre pour

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