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assurer le salaire des pasteurs et l'entretien du culte; aviser au paiement des dettes auxquelles ces fonds servent d'hypothèque : alors, en connoissant ce qu'il faut garder, on saura ce qu'on peut vendre. Remettre à s'occuper du projet de la commune, jusqu'à ce que toutes ces mesures aient été prises, telle a été la conclusion prise par M. l'agent du clergé.

M. Thouret a ranimé tous les vœux en faveur

du projet de la commune, adopté par adopté par le comité. Calculez, a-t-il dit, la lassitude du malheur, et la rareté effrayante du numéraire : ces deux considérations répondent seules à beaucoup d'objections.-Quelle ressource vous reste-t-il? L'émission des assignats. Imprimez-leur donc toute l'activité que donnent le crédit et la confiance. Or, d'où dépend cette confiance? C'est non-seulement des fonds d'hypothèques, mais de la vente certaine de ces fonds. Il faut donc réaliser ces objets. — Doit-on le faire précipitamment? Non: il en résulteroit un affreux gaspillage. Puis, où sont les acheteurs? Qui voudroit succéder immédiatement au domaine ou au clergé? Il seroit à craindre que cet instant même ne fût l'écueil fatal de toutes les opérations de l'assemblée.— Le projet de la commune a beaucoup d'avantages, et pare à beaucoup d'inconvéniens; il est même

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tel à cet égard, qu'aucun autre plan ne paroît pouvoir le remplacer. Il est aisé de démêler que les raisons qui animent les adversaires de ce projet, sont les mêmes qui doivent vous déterminer à l'accepter. Ce discours fut trop vivement 'applaudi pour que la diatribe piquante de M. le vicomte de Mirabeau contre le projet, fût reçue avec autant de gaité qu'elle en présentoit : on convint aussitôt que la discussion étoit fermée.

M. le président, avant de mettre la question aux voix, annonce qu'il vient de recevoir une lettre des députés extraordinaires du commerce. Cette lettre portoit principalement sur le mode proposé par la municipalité de Paris, pour la distribution des intérêts à allouer aux assignats. Ce mode est peu convenable, en ce qu'il invite à Tagiotage. Il faut favoriser la circulation des assignats dans les provinces; il faut donc leur attribuer un intérêt déterminé, qui ne dépende ni du sort, ni d'aucune disposition ultérieure.

La suite de la discussion s'est dès-lors portée sur la discussion du projet de décret, que jusqu'à ce moment on n'avoit considéré que dans son ensemble; le préambule contenoit une approbation des bases du projet proposé par la municipalité de Paris, qui n'avoient pu encore être discutées: on a supprimé cette phrase; on a de même re

tranché tout ce qui, dans les articles, a paru impliquer cette approbation. La question ainsi simplifiée, on a été aux voix sur les articles. Le premier article, qui avoit essuyé beaucoup de contradictions, n'a pas plutôt été décidé, qu'un trèsgrand nombre de la minorité a quitté la salle. Les opérations n'en sont devenues que plus rapides, les amendemens ont été si-tôt admis ou rejettés, et l'on a rendu le décret suivant :

L'assemblée nationale décrète,

1°. Que les biens domaniaux et ecclésiastiques, dont elle a précédemment ordonné la vente par son décret du 19 décembre dernier, jusqu'à la concurrence de 400 millions, seront incessamment vendus et aliénés à la municipalité de Paris et aux principales municipalités du royaume, auxquelles il pourroit convenir d'en faire l'acquisition.

2°. Qu'il sera nommé à cet effet, par l'assemblée nationale, douze membres pris dans toute l'assemblée, pour aviser contradictoirement avec les membres élus par la municipalité de Paris, au choix et à l'estimation desdits biens, jusqu'à concurrence de 200 millions; et que l'aliénation définitive desdits biens sera faite aux clauses et conditions qui seront définitivement arrêtées; et en outre à la charge par la municipalité de Paris, de transporter au susdit prix de l'estimation, telle portion desdits biens qui pourroit convenir aux autres municipalités, aux mêmes clauses et conditions accordées à celle de la capitale.

3o. Qu'il sera rendu compte préalablement par les commissaires, à l'assemblée nationale, du résultat de leur travail, et de l'estimation des experts, dans le moindre délai possible.

4°. Que, nonobstant le terme de quinze années (portées dans le plan de la municipalité de Paris (1),) les commissaires. de l'assemblée nationale s'occuperont des moyens de rapprocher le plutôt possible les échéances de remboursement de la liquidation générale, et, pour y parvenir plus efficacement, ordonne que, sous l'inspection desdits commissaires, lesdites municipalités seront tenues de mettre, sans retard, lesdits biens en vente, au plus offrant et dernier enchérisseur, dans les délais prescrits, dès le moment qu'il se présentera quelqu'acquéreur qui portera lesdits biens au prix fixé l'estimation des experts. par

S'il nous est permis de joindre ici notre avis, nous dirons qu'en applaudissant aux vues générales du projet décrété, nous craignons que ce ne soit encore là un demi-moyen, une demi-ressource, et que ce projet n'en demande bientôt un autre, comme il est arrivé plusieurs fois, jusqu'à ce qu'enfin on en vienne au grand ressort, au principe vivifiant, à l'instrument nécessaire qu'on eût mis en action à bien moins de frais, si l'on s'en fût avisé à temps: ce sont les assignatsmonnoie. Leur nature et leurs avantages ont été déduits dans les observations qui terminent notre dernier numéro, et dont nous espérons être en état de donner bientôt une suite.

(1) N. B. Ce qui est entre deux parentheses a été supprimé par l'assemblée dans la séance suivante.

Ajoutons qu'il seroit déplorable qu'une assemblée, chargée d'intérêts aussi importans, se laissât souvent aller à tant de précipitation sur les objets qui exigent le plus mûr examen ;

que plus frappée de la crainte des pièges qu'on peut lui tendre, que de la nécessité d'approfondir les principes sur les questions qui se présentent, elle décidoit par des mouvemens de sensibilité ce qui ne devroit l'être que par la raison.

Supposons qu'au lieu d'attaquer le plan de la municipalité de Paris, les députés des ordres privilégiés eussent eu la prudence de rester neutres sur une question dont aucnn d'eux ne paroît d'ailleurs avoir discuté les élémens, qu'auroit fait l'assemblée? Elle auroit suivi l'ordre naturel des questions. Avant de décider qu'il falloit vendre à la municipalité de Paris les biens du domaine et du clergé, elle auroit examiné s'il falloit se presser de les vendre ; - si, avant de vendre, il n'étoit pas mieux de préparer des acheteurs ; — si elle pouvoit compter sur des acheteurs, tant qu'il n'y auroit point de circulation, tant que tous ceux à qui leur position eût d'ailleurs permis d'acheter seroient privés de tout moyen de faire des offres. Cet examen l'eût conduit droit aux assignats-monnoie, comme au seul moyen de rétablir une circulation malheureusement interrom

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