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temps ni sa poitrine: enfin une voix s'élève; on propose de délibérer, sur le projet article par article. Cette idée paroît sans doute neuve et profonde: elle frappe, elle est accueillie, et dans un moment on parvient à décréter le premier article.

Ah! ne pourroit-on pas dire, moins de consommation de jours, plus d'emploi du temps, moins de travail et autant d'ouvrage? Reposezvous le jour du repos ; vous doublerez les heures en économisant sur les paroles.

Il faut donc suivre ces discours peu suivis ; il faut imiter les hirondelles quand elles poursuivent le papillon dans son vol irrégulier et incertain. Cependant nous devons à la patience de nos lecteurs, ainsi qu'à la nôtre, bien des sacrifices. Maintenant que l'ordre des articles sera suivi, tout ce qui a été dit va se redire; les choses alors prendront leur place, et ce sera le moment d'en informer nos lecteurs. En attendant, nous leur ferons part de quelques opinions, de quelques raisonnemens détachés de cette discussion informe et confuse.

M. de la Galissonnière fit valoir le mieux possible les idées présentées la veille par M. l'abbé Maury: il y ajouta celles qui lui étoient propres, et composa du tout un nouveau projet de décret

en six articles, pour remplacer le projet du comité. C'est un composé du projet de la ferme générale, et d'un supplément au produit de la vente nationale du sel, au moyen d'un impôt sur le timbre, sur les croisées et les cheminées des villes.

M. de Beaumetz envisagea la question générale sous ses rapports les plus simples. Par qui sera supporté le remplacement de la gabelle? par quoi la gabelle sera-t-elle remplacée ?

Première réponse. Le remplacement de la gabelle sera supporté par ceux qui payoient la gabelle. Car pourquoi les autres ne la payoientils pas ? C'est qu'ils en payoient déja le remplacement. Vouloir les faire contribuer aujourd'hui à l'affranchissement des provinces non rédimées c'est donc leur imposer une double charge.

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Deuxième réponse. La ligne qui sépare les impositions directes des impositions indirectes, est peut-être bien difficile à tracer. En dernière analyse, l'imposition directe qui paroît être acquittée par la terre qui produit, est acquittée par l'individu qui consomme. L'impôt de la gabelle est vraiment un impôt direct; le sel forcé, le sel de devoir est un impôt direct sur les hommes, un impôt personnel, une manière de capitation; il faut donc le représenter par un impôt de même

nature, une addition provisoire à la capitation, dans les pays de gabelle. Ainsi l'on remplira toutes les indications à-la-fois, et l'on atteindra la fortune des capitalistes, sur qui pèse sur-tout cette imposition.

M. Roederer se plaint qu'on oublie le décret proposé. Il ne s'agit pas encore d'établir l'équilibre général dans les impositions; il s'agit simplement de remplacer, pour cette année, la gabelle qui ne se perçoit plus. Point de gabelle mitigée ; c'est toujours la gabelle: point d'impôt sur le timbre; il ne pourroit s'établir avec succès que dans toutes les provinces. Les seules provinces à gabelles doivent supporter ce remplacement; elles ne supporteront que les deux tiers de ce qu'elles payoient en imposition sur le sel; elles seront donc soulagées d'un tiers, tandis que les provinces rédimées ne recevront aucun soulagement. Mais les terres n'en seront pas moins écrasées : c'est une erreur. Le projet, sur 40 millions qui font la totalité du remplacement, n'en place que la moindre partie sur les terres, le reste suivra la proportion des contributions personnelles, et sera ajouté aux octrois des villes.

M. Chapellier a insisté sur ces deux choses: il a demandé que les provinces de grandes gabelles supportassent seules le remplacement. La Bre

tagne, a-t-il dit, paye tous les impôts qu'elle peut payer. Il proscrit absolument dans le projet tout ce qui ramène, sous quelque forme que ce puisse être, les idées de ferme générale, d'impôt sur le sel; il ne veut pas qu'on fasse du gouvernement un banquier, un entrepreneur, un commerçant; la destruction de la gabelle doit être pure et simple, et la plus parfaite liberté dans le commerce du sel doit être rétablie.—

M. l'archevêque d'Aix a discouru très-longuement et très-savamment sur la matière du sel et de la gabelle. Il est remonté à l'origine de cette imposition. D'abord les fermiers achetèrent le sel des marchands: bientôt il n'y eut plus de marchands; ceux-là obtinrent des privilèges exclusifs; on nous ramène, dans le projet, au premier point de ce cercle funeste. Plus de concurrence, quand des marchands plus riches que les autres sont maîtres des prix; plus de commerce, quand le gouvernement est commerçant.

Toutes ces raisons avancées par la ferme générale pour assurer l'approvisionement, l'égalité des prix, la salubrité et la pureté du sel, sont sans force contre la liberté parfaite du commerce. Le besoin amènera l'approvisionement par l'appât du gain, et la concurrence tiendra toujours la marchandise au plus bas prix. Quant à la salubrité,

à la pureté, le commerce sera-t-il plus frauduleux que la contrebande? Que de pays qui n'usent que du sel de contrebande, sans que personne s'en soit jamais plaint? Les bleds, les farines, les huiles, les vins, les liqueurs, ne sont-ils pas aussi susceptibles d'une altération dangereuse? A-t-on des terreurs à cet égard? Le sel est-il vicié dans les pays où l'on en fait un libre commerce? Il y a vingt ans que le gouvernement fait des approvisionemens de bled, et il n'y a d'avarié que le sien.

Non, il n'y a pas de milieu, a dit M. l'archevêque d'Aix, ou maintenez le privilège exclusif, ou rendez le commerce du sel absolument libre. Il a examiné ensuite si le remplacement de la gabelle aura lieu seulement pour cette année, ou s'il sera perpétuel; s'il doit être égal à la totalité de la gabelle, et quel sera le mode de remplacement? M. l'archevêque, qui, pour la décision de la plupart de ces questions, s'est rencontré avec les préopinans, s'en est écarté dans cette dernière; il a regardé les terres comme opprimées sous une telle charge, qu'elles ne pouvoient plus en supporter de nouvelles. Ainsi il n'a trouvé d'autre mode d'imposition pour les provinces qui doivent se rédimer, que de les autoriser à emprunter la somme nécessaire pour cette année, avec pro

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