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Quelques réflexions se présentent ici. Les gouvernemens ne correspondent ensemble que quand ils reconnoissent réciproquement leur légalité. Celle du gouvernement autrichien dans les PaysEas, a fini par ses propres excès. Joseph II les possédoit sous certaines conditions, connues, avouées par toutes les puissances de l'Europe; nous dirions et jurées par lui, si, pour un despote, des sermens étoient quelque chose : il a manqué à ces conditions, il les a déclaré nulles, et s'est lui-même relevé de son propre serment. Cet acte imprudent étoit de droit et de fait une abdication. Les provinces belgiques sont devenues indépendantes et libres, maîtresses, en un mot, de régler à leur gré leur constitution; ces principes sont ceux de la justice, ceux que nos négociations et nos armes firent autrefois prévaloir en Hollande, que notre sang a cimenté sur les bords de l'Atlantique. Pourquoi donc hésite-t-on à les avouer, à les proclamer en faveur des Belges ? C'est que, depuis notre révolution, nous ne connoissons d'autre base légale d'un gouvernement, que le consentement exprès ou présumé des peuples; c'est que ceux qui, sous le nom d'etats, se sont saisis de la souveraineté dans les provinces belgiques, n'ont point ce sacré caractère. Quelques prêtres, nommés par des prêtres, quelques nobles,

choisis par des nobles, joints à des magistrats de trois villes, élus par d'autres magistrats qui s'élisent eux-mêmes, ne sont pas des organes bien naturels pour un peuple qui veut être libre. Toute bizarre qu'elle est, cette constitution; si elle existoit depuis des siècles, nous ne remonterions pas dans la nuit des temps pour en scruter la légalité; le silence des peuples, leur longue soumission à cet ordre de choses seroit pour nous un consentement: mais elle n'existe que d'hier; c'est d'hier seulement que ces prétendus états s'appellent souverains, sans qu'il paroisse que le peuple ait ni consenti, ni même été consulté. On ignore encore si son silence est volontaire ou forcé, s'il dérive d'un consentement, ou s'il présage une insurrection. Nous ne chercherons point à expliquer ici les vues de l'assemblée nationale, puisqu'elle n'a rien encore prononcé; mais nous dirons que dans la situation actuelle du Brabant, l'éloignement de la cour à correspondre avec les états, nous paroît naturelle. Cette correspondance eût mis le roi dans le cas de se déclarer, de se mêler activement dans ces dissentions étrangères; et là où il ne peut convenir de développer de la force, il faut au moins user de prudence. Ce refus est une leçon aux états belgiques; c'est le vice de leur constitution qui en fait un corps que le gou

vernement actuel de France ne peut reconnoître.

Le plan présenté par le bureau de la ville de Paris, pour la vente des biens domaniaux et ecclésiastiques, et le rapport du comité de finances sur ce plan, ont fait naître les discussions qui ont rempli le reste de cette séance.

M. le marquis de Montesquiou a répondu à quelques objections de M. Duport, relativement à la translation de ces immeubles entre les mains des municipalités. Il a dit que ces fonds, avant d'être vendus, devroient toujours être régis par une administration commune, et que les municipalités, selon leur nouvelle organisation, méritoient à tous égards la confiance. Ouvrir actuellement, et afficher une vente générale de tout ce qui est à vendre, comme l'entend M. Duport, seroit un moyen dangereux qui aviliroit nécessairement les fonds; au lieu que le projet du comité, en fournissant dès-à-présent le prix de ces fonds, selon l'estimation qui en sera faite, ne procède qu'à une vente graduelle, et leur permet ainsi d'atteindre leur véritable valeur. Il s'agit de libérer l'hypothèque, de pourvoir au présent, d'atteindre l'année 1791, et la constitution est affermie et l'état est sauvé.

M. de la Borde a relevé le courage sur l'état des finances, qu'il a présentées comme n'étant

point aussi désespérées que plusieurs personnes le font entendre; mais il s'est efforcé de prouver que le projet ne satisfaisoit à aucune des indications pressantes qu'il falloit remplir ; il a rejetté toute espèce de billets dont la circulation ne seroit pas libre; mais comme il ne s'agit pas ici de billets forcés, les raisons pour les proscrire ne font rien contre le projet. Il a conclu à ce que les municipalités soient incessamment chargées de mettre en vente les biens qui doivent être aliénés, et qu'on ajourne tout autre article du projet, jusqu'à ce qu'on se soit occupé du sort de la caisse d'escompte.

M. Pétion de Villeneuve n'a pas mieux accueilli le projet discuté; il a présenté la question sous ces quatres faces: les biens à vendre seront-ils vendus par les municipalités? donnerez-vous aux municipalités un bénéfice dans les ventes? vendrez-vous aux municipalités elles-mêmes? quels seront les effets dont cette vente occasionnera l'émission dans le public? Sa réponse aux deux premières questions, qui ne sont qu'incidentelles, a été favorable au projet, mais il a répondu négativement à la troisième. A quoi bọn, dit-il, cet intermédiaire entre la nation et les acheteurs? Si le crédit ne vient pas de la nation, des fonds nationaux, d'où viendra-t-il? les municipalités

prétendroient-elles inspirer par elles-mêmes une confiance dont la nation et la solidité des fonds qu'elle a mis dans leurs mains, font ici tous les frais? Il ne s'agit donc, selon M. Pétion, que de rendre les corps municipaux agens de la vente. Quant aux billets circulans, il promet la plus grande faveur aux assignats; il veut qu'on éteigne par ce moyen les billets de caisse, et que les assignats soient payés à ordre. L'orateur auroit dû voir qu'il ramenoit toujours la même difficulté. Comment faire des assignats payables à ordre, à moins que l'ordre ne soit très-éloigné, puisque c'est le numéraire qui manque, et que les assi gnats sont imaginés pour en tenir lieu?

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M. l'abbé de Montesquiou a trouvé que tous les projets mis en avant jusqu'à ce jour pour la vente des biens du clergé manquoient de base. Il a remonté au décret du 19 décembre. Il faut des assignats, disoit-on. Et pour qui ? Pour les créanciers de l'état. Mais ils les refuseront. Eh bien, on les vendra en Hollande. C'est ainsi que les Indiens font reposer la terre sur un éléphant, l'éléphant sur une tortue, la tortue...... Ne leur en demandez pas davantage. Des opérations préalables doivent précéder cette aliénation des biens ecclésiastiques. Connoître la valeur des fonds du clergé, pourvoir au remplacement de la dîme;

assurer

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