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Ce tablean présenté par le chef de la capitale avec cette onction qui lui est propre, a profondément touché l'assemblée.... La motion faite par M. de Cazalès pour l'impression et l'ajournement du rapport du comité à un terme de deux jours, motion qui étoit de règle dans une affaire aussi importante, s'est dès-lors présentée comme un obstacle à une résolution que l'assemblée vouloit. prendre.... MM. le Chapelier et le comte de Mirabeau, entraînés par cette espèce d'émotion dramatique, se sont réunis contre l'ajournement. Ce dernier, après avoir fortement relevé quelques erreurs commises par M. d'Epresménil, en appuyant la motion de M. de Cazalès, a demandé que le projet du comité fut discuté sans désemparer. De nouvelles rumeurs se sont élevées. M. de la Borde ne pensoit pas qu'on pût discuter, sans désemparer, une question aussi délicate que celle d'un papier-monnoie. M. de Cazalès insistoit sur l'ajournement. Le curé de Saint-Nicolas-duChardonnet demandoit que les districts de Paris. fussent consultés, dans une affaire où il s'agissoit de l'intérêt pressant de la capitale.-M. Fréteau proposoit de décréter à l'instant la vente des objets indiqués par le mémoire de la municipalité, et d'ajourner au surlendemain la question du mode et des conditions du papier qui seroit mis

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en circulation. Cette proposition, adoptée par M. de Cazalès, ne l'a pas été par l'assemblée; après deux épreuves, elle a été écartée par la question préalable, et la discussion du premier article a été entamée par une opinion de M. Duport, peu favorable à tout projet qui tendroit à donner à des municipalités une administration trop compliquée, qui livreroit les corps, dès leur naissance, à des tentations, ou du moins à l'intrigue et à la calomnie.

L'heure étant très-avancée, la discussion a été renvoyée au lendemain.

Du mardi soir, 16 mars.

QUAND la Bastille existoit, c'étoit la seule prison d'état qui portât ce nom dans le royaume. Aujourd'hui que cette prison n'existe plus, une foule de petites Bastilles se présente: elles aspirent à ce nom détesté, afin de partager la ruine de la première Bastille, de la Bastille par excellence, ou du moins pour subir une métamorphose entière, pour revêtir un caractère qui éteigne le souvenir de leur ancienne destination.

La commune de Lourde, en Bigorre, a fait une pétition à cet égard à l'assemblée nationale. Une Bastille s'élève aussi du sein de leur cité;

'cette prison qui effraye les regards, n'a qu'à changer de destination pour les consoler et les réjouir. Il s'agit d'en faire un hospice militaire, où les soldats et matelots puissent être à portée des eaux de Barèges. Adresser de telles propositions à l'assemblée nationale, c'est être sûr de les voir accueillies : un mot de sa part a fait des cachots du despotisme un monument de bienfai

sance.

La ville de Toulouse a un Capitole ; ce nom ne peut inspirer que des résolutions nobles et généreuses. Les habitans de cette ville célèbre sont montés à leur capitole, pour attester à l'aşsemblée nationale leur zèle, leur dévouement, leur patriotisme : Un don considérable accompagne cette adresse. La commune de Toulouse avoit prêté à l'état 100 mille liv. en 1706, et 400 mille en 1714: elle fait hommage à l'assemblée de cette première créance, et céde 150 mille liv. sur la seconde.

On se rappelle les évènemens funestes survenus il y a près d'un mois dans la ville de Beziers, au sujet des commis des fermes : un jour plus doux luit aujourd'hui sur les habitans de cette ville; la municipalité vient d'être formée sur les nouveaux principes d'élection, et le conseil-général de la commune exprime à l'assemblée nationale

les

les sentimens les plus satisfaisans d'union, de contentement et de soumission. « Qu'on apprécie comme on voudra, disent-ils dans leur adresse, les priviléges, soit honorables, soit pécuniaires, que vous avez anéantis; qu'on y ajoute tous les sacrifices exigés, dans ces momens-ci, du patriotisme des citoyens que peseroit tout cela, mis en balance avec les chaînes de la servitude brisées; la dignité de l'homme et du citoyen ré tablie dans toute son intégrité; l'admissibilité à tous les emplois prononcée en faveur de tous; la vénalité de la justice abolie; les magistratures rendues électives; les tribunaux et l'administra tion rapprochés des justiciables et des administrés; les droits recouvrés de faire les loix et de consentir aux impôts; les ordres arbitraires anéantis tous les pouvoirs circonscrits dans leurs justes limites? Enfin, que sont-ils, ces sacrifices, au prix de ce que vous allez faite encore pour le bonheur de la nation; cette nouvelle constitution militaire, ce nouveau systême d'impositions, cette prochaine organisation du clergé, ces réformes sur les loix civiles et criminelles, ce code d'éducation nationale, que nous allons devoir à la continuation de vos travaux »?

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Quelques débats sur la suite des articles du décret concernant les prisonniers détenus par

D

lettres-de-cachet, ont rempli le reste de la

séance.

M. Fréteau, rapporteur du comité, a lu une nouvelle rédaction de la plupart des articles du projet. Le second a été d'abord soumis à la discussion; il est conçu en ces termes :

Ceux des détenus par lettres-de-cachet qui, sans avoir été condamnés en dernier ressort, auroient été jugés en première instance, ou décrétés de prise-de-corps, comme coupables de crimes capitaux, seront conduits dans les prisons désignées par la loi, pour y subir leur jugement, qui ne pourra être plus rigoureux qu'une condamnation en une prison de quinze années, y compris le temps qu'a déjà duré leur détention.

Plusieurs personnes demandent que ceux des prisonniers qui auroient été condamnés à la peine de mort, subissent à la place une prison perpétuelle.

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M. de Robertspierre les réfute, en disant que la nouvelle loi ne doit pas se montrer plus rigoureuse que le despotisme; il cite les loix qui permettent à un criminel expatrié de rentrer dans la société au bout de vingt ans. L'emprisonnement est une sorte d'expatriation; il fixe donc à vingt ans de captivité le plus haut degré de peine qu'on puisse infliger à un prisonnier, quel que soit le crime qui ait motivé sa détention.

M. Fréteau veut qu'on ait égard à la manière

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