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chauds, mais plus adroits que lui, se sont bornés à proposer l'ajournement de l'affaire après que la constitution seroit achevée. Faute de contradicteurs qui en dévoilassent les conséquences, cette dernière proposition a été décrétée.

Du mercredi 31 mars.

L'INTÉRÊT personnel est comme ces reptiles vénimeux qui corrompent tout ce qu'ils touchent. Se trouve-t-il impliqué dans quelques actes de la puissance législative ? On voit développer à leur occasion ces petites intrigues, ces petites ruses, ces petites cavillations, qui, presque toujours, se mêlent aux difficultés dont il est l'objet. L'assemblée avoit fixé à l'ordre de cette séance, la grande affaire de la compagnie des Indes. Les adversaires du privilége préparoient leurs moyens. Ses apôtres désespérant des leurs, crurent gagner un point important en éloignant la discussion. C'est ce qui donna lieu, dans la séance de hier soir, à la comparution des directeurs de la compagnie, et à l'ajournement de la délibération après la constitution.

M. Bouche a réclamé, dès l'ouverture de cette séance, contre cette petite évolution de barreau; il en a exposé l'irrégularité, il en a démontré les inconvéniens pour le commerce et

pour la nation en général, dont la constitution et les finances y sont également intéressées. Sur la foi de l'abolition des privilèges, les négocians françois avoient frété plus de 40 vaisseaux pour l'Inde. Si l'ajournement avoit lieu, ils seroient obligés, ou de retenir ces vaisseaux dans le port, ou de les expédier sous pavillon étranger. Ce seroit pour eux, dans ce dernier cas, une perte de 28 pour cent. Ces raisons étoient fortes, elles n'ont pas eu besoin d'être vivement pressées; l'assemblée a décrété que la discussion seroit continuée à l'ordre de deux heures.

Lors de la lecture du procès-verbal, M. le Camus avoit observé que les lettres - patentes par lesquelles le roi accepte les décrets constitu tionnels, étoient simplement envoyées aux ar→ chives de l'assemblée, avec ces mots: accepté par le roi, L'acceptation, a-t-il dit, est l'acte solemnel di pacte social; cet acte doit être séparé, signé et contre-signé. La demande de M. le Camus étoit fondée sur une erreur. L'acte qui fixe la consti tution d'un pays, n'est pas le pacte social; celui par lequel le premier magistrat du royaume ac cepte cette constitution, l'est bien moins encore: mais s'ensuit-il que cette acceptation ne doive pas être constatée? s'ensuit-il que, pour un acte de cette importance, on doive négliger ces formes triviales requises, à peine de nullité, pour le plus chétif intérêt pécuniaire? L'assemblée a chargé

son président de demander à M. le garde des sceaux des actes d'acceptation formels, séparés, signés par le roi, contre-signés et scellés pour tous les objets constitutionnels.

L'assemblée avoit demandé au comité de constitution une série des matières qui restoient à trai ter pour compléter ses travaux. M. Target, chargé de ce rapport, n'a pas manqué de le commencer par l'énumération fastueuse de tout ce qu'avoit fait l'assemblée. Vous avez encore à organiser, a-t-il dit ensuite, l'ordre judiciaire, le ministère ecclésiastique, les milices nationales, l'armée, les finances et le systême d'impositions. Vous avez commencé l'ordre judiciaire; il faut suivre ce travail. Mais le ministère ecclésiastique et le remplacement des dîmes sont des objets urgens. Destinez-y donc, dans chaque semaine, le dernier des quatre jours que vous consacrez à la constitution, et le premier des trois qui sont accordés aux finances. L'organisation de l'armée et celle des gardes nationales succéderont immédiatement. Vous complétérez ensuite la déclaration des droits et la constitution. Divers objets particuliers, connexes avec les précédens, seront traités dans les séances du so'r. Le discours de M. Target a été terminé par une suite d'articles dont l'assemblée a ordonné l'impression.

Parmi ces objets, dont M, Target a donné la liste, on sera surpris de trouver l'importante

entreprise d'une éducation publique, confondue avec le réglement sur la chasse, les droits féodaux et les droits de justice. Le comité de constitution auroit-il donc méconnu la nécessité d'un travail qui, préparant de bonne heure le citoyen à l'obéissance qu'il doit à là loi, lui donnant les mœurs et les habitudes des peuples libres, l'éclairant tout à-la-fois sur ses droits et sur ses devoirs, doit être en quelque sorte le complément et le sceau de la constitution même ? Loin de traiter avec cette insouciance un objet aussi capital, il seroit à souhaiter que dès-à-présent les membres de l'assemblée les plus éclairés, les plus recommandables par la libéralité de leurs principes, et par leurs mœurs, fussent chargés de préparer à cet égard un projet qui seroit ensuite soumis, dans l'assemblée, à la plus ample discussion.

L'ordre du jour a ramené la discussion sur l'ordre judiciaire. M. Lanjuinais s'est engagé, en commençant son opinion, à ne rien dire d'étonnant, de ravissant, à n'employer aucune de ces saillies brillantes, de ces phrases ambitieuses qui semblent commander les applaudissemens ; il ä tenu parole, et l'assemblée l'a payé d'un juste retour. Selon lui, l'instruction, telle que M. Duport l'avoit proposée, étoit inutile, dangereuse, impraticable. La crainte des applaudissemens est sans doute ce qui l'a empêché de le prouver. «La distinction du

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» fait et du droit, disoit-il, est impossible en affaire civile » Pourquoi seroit-elle possible en Angleterre, et impossible en France?«< Notre » droit est incertain, obscur; il exige des hommes >> instruits, expérimentés. Il est donc impossible » d'admettre des jurés tant que notre législation » ne sera pas réformée ». Ce seroit vrai si les jurés devoient prononcer sur le droit.—» Si » nous admettons des jurés, il nous faudra, » comme en Angleterre, beaucoup d'avocats ». On pourroit dire à M. Lanjuinais que, même en observant la proportion de la surface des deux pays, il n'y a pas en Angleterre le quart des avocats qui existent en France. M. Lanjuinais s'est particulièrement égayé sur ces juges chevaucheurs et vagabons qui prononceroient le pied dans l'é— et qui sans doute ne pourroient pas être éclairés, parce qu'ils sauroient aller à cheval. II s'est déclaré pour le projet du comité, avec divers amendemens proposés par M. l'abbé Syeyes.

trier,

M. Barère de Vieusac s'est attaché à donner une marche régulière à la délibération, en proposant une série de questions que l'assemblée a adoptée comme suit. 1o. Etablira-t-on des jurés? 2o. Les établira-t-on tant en matière civile qu'en matière criminelle? 3°. Y aura-t-il des tribunaux sédentaires ou des juges d'assise? 4o. Les juges seront-ils à vie ou élus périodiquement? 5°. Les

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