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foient, pour ainsi dire, l'obfcurité des forêts; & en vouloient fermer l'entrée aux phyficiens obfervateurs. Auffi les forêts nationales n'offrent par-tout que des déprédations défaftreufes. Les feules forêts de l'empire qui étoient bien foignées, entretenues, confervées, & d'un grand rapport, appartenoient aux chartreux, fuivant le jufte rapport de M. l'abbé Rozier. Après avoir présenté & difcuté les opinions en faveur de l'aliénation des forêts, nos favans académiciens paffent à l'examen des grands inconvéniens & des malheurs que cette aliénation entraîneroit. Offrons ici d'après les obfervations de ces meffieurs, plufieurs des maux qu'occafionneroit la vente de ces biens na tionaux.

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Des faits, même récens, difent-ils, nous » ont prouvé qu'il y a quelquefois des exceptions à la regle de l'équilibre entre le prix des den. rées & les befoins de la confommation, fur> tout quand les denrées font entre les mains des gens qui peuvent attendre, tels que feroient les acquéreurs de nos forêts. D'ailleurs, il ne faut pas fe diffimuler que, dans le moment actuel, nos befoins excédant les réprodue>tions, il feroit poffible d'opérer une dévasta>tion immenfe dans nos forêts, fans > prix du bois baiffar beaucoup. «

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Que feroit-ce donc, fi on ajoutoit à ce » malheur, les défrichemens que doivent faire >> craindre tous ceux qui ont été faits depuis 20 > ans, aux dépens des bois? Les propriétaires > les entreprendront dès qu'ils y trouveront un > avantage perfonnel. Toutes les terres à bois no

> font pas propres, à la vérité, à d'autres productions, mais il en eft un grand nombre; & > fi l'on connoiffoit les énormes produits, fans fraix, d'une terre qui a rapporté du bois, on concevroit qu'il eft facile de fe laiffer aller à ♦ la tentation d'abattre une futaie pour en cul> tiver le fond. «

> Ce ne feront pas les pauvres qui achete> ront les bois nationaux, mais les gens riches. > Or, les gens riches, dans l'état actuel, font

tous plus ou moins mal à l'aife. Ils ne font » occupés qu'à réparer leurs pertes pour re

couvrer une aifance qu'ils n'ont plus, & à > laquelle ils étoient accoutumés. Ceux d'entr'eux » qui acheteront des bois nationaux, cherche >ront à en tirer le meilleur parti momentané, fans > s'embarraffer de l'avenir; l'égoïsme eft trop fouvent, comme on fait, le compagnon fidele des richeffes & du luxe. Or, le meilleur parti, > dans certains pays, fera d'abattre les futaies, & de ne point replanter. «

Les partifans de l'aliénation des forêts nationales attendent avec confiance les fecours des capitalistes qui en feront l'acquifition. Leurs adverfaires s'en forment une idée vraie bien différente.

Les capitaliftes, difent-ils, ne font autre » chose aujourd'hui que des faifeurs d'affaires > qui ne penfent qu'à s'enrichir promptement fans s'inquiéter de la nation qu'ils épuifent, > en la berçant de leurs proteftations menson» geres, & malheureusement nous en avons eu des preuves multipliées. Si une fois on livre

nos forêts à la rapacité des compagnies & des agioteurs, que deviendront elles? qui les re » peuplera? doit-on s'attendre que des spécu» lateurs égoïfles, placés à une longue distance de leur fphere d'activité, fe livreront aux foins économiques & de détails qu'exigent les femis » ou les plantations? Croit-on que, par patriotifme, ils fe détermineront à gagner moins & plus tard, avec beaucoup de foins, tandis » qu'ils pourront gagner promptement, & fans foins, des fommes immenfes? Ils n'ont point > encore entamé la partie des forêts, ils ne s'y font point immifcés; mais ils y arrivent enfin; » qu'on n'oublie pas qu'ils reffemblent à un météore deftructeur qui deffeche & rend flériles tous les lieux où il a de l'influence; c'eft une ⚫ armée ennemie qui dévafte & pille le pays qu'elle traverse, où elle ne doit plus revenir. <

Peut-on calculer, fans effroi, difent ceux qui s'opposent à la vente des forêts, les mal heurs fans nombre auxquels une pareille dé» prédation, qui n'eft que trop poffible, expa > feroit la nation françoife? A-t-on oublié les

befoins multipliés de fa marine militaire & → marchande ? Pourroit-on exposer à une pareille incertitude ceux de la derniere feulement, qui doit avoir la poffibilité de contruire plus de trois mille bâtimens, depuis la pinque jufqu'à la frégate? Et tant de jettées, de môles, de digues, d'éclufes néceffaires aux >> rades & aux ports; où puifera-t-on pour leur > entretient ou leur conftruction? Qui affurera > l'exploitation des forges, des verreries, des

falines, des fayenceries, des mines & des ufines de toute efpece? Combien d'arts font alimentés par les forêts nationales? N'y eût-il que le merrain, fi néceffaire pour 500 lieues de vignobles & pour la branche la plus riche de > notre commerce extérieur, il faut que des forêts, accoutumées à le fournir, foient tou> jours exploitées en merrain. Lorsque ces forêts > feront entre les mains des particuliers, une fpéculation d'un autre genre peut les faire > changer, & cependant ce n'eft qu'un exemple; on pourroit en citer mille également fâcheux, » dans l'hypothefe de la vente, à des compagnies ou à des particuliers avides, & tels feront vraisemblablement la plupart des acquéreurs. Que feroit-ce donc, fi l'on obfervoit » qu'une puiffance ennemie a le plus grand intérêt à nous dépouiller de nos bois de conf❤truction, & à nous ôter les moyens d'en avoir de long-tems? Qui peut nous raffurer fur une > crainte de cette nature? Sont-ce les confidé>rations morales? Leur poids eft louvent très» léger dans la balance de la politique. Scrions> nous préfervés par des réglemens prohibitifs? On conçoit fi bien les moyens de s'y foultraire, & d'ailleurs comme ils portercient, en même tems, fur tous les acquéreurs, ils ⚫ diminueroient néceffairement le prix de la vente. Les développemens de cette idée affligeante fuf> firoient presque pour faire décider la question. « » Mais il eft une autre confidération infiniment > importante, & qui doit être bien pesée avant la décision, c'est celle qui eft tirée du pen

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d'avancément des connoiffances foreftieres. « Il eft certain qu'elles font encore à leur ber ceau en France. MM. les commiffaires de la fociété royale d'agriculture, donnent d'excellentes inftructions pour améliorer les forêts nationales, & finiffent par déclarer que les forêts nationales en futaie ne doivent point être aliénées. Leur follicitude s'étend à demander à la fageffe des représentans de la nation, des établiffemens & des loix qui puiffent accélérer les progrès des connoiffances foreftieres, afin de diriger avec fuccès ce genre de culture, diminuer les confommations en bois, & favorifer toutes les efpeces de plantations, leur défir fur-tout eft qu'on établiffe des écoles foreftieres dans les différentes confervations. De pareils établiffemens exiftent avec avantage chez l'étranger, & ils formeroient une pépiniere d'excellens adminiftrateurs forefliers. Les propriétaires eux-mêmes y puiferoient des lumieres qui leur deviendroient extrêmement avantageufes. C'eft ainfi que la fociété royale d'agriculture de Paris ne ceffe de s'occuper avec zele, à donner des moyens pour perfectionner toutes les branches d'agriculture, d'économie rurale & de commerce. Accueillons fes écrits en lui témoignant notre parfaite reconnoiffance.

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