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l'échantillon que nous avons traduit peut fuffire pour faire apprécier la maniere de voir les choses.

Eftimation des médecins. Ce fujet occupe M. Grune dans le deuxieme article, & il y prouve qu'il n'y a rien qui puiffe fervir de mefure infaillible pour apprécier le mérite d'un médecin. Il nous femble que tout dépend ici du fens dans lequel on prend la queftion. Pour nous, un habile médecin eft celui qui guérit; & le public qui ne fait pas approfondir la fcience, à qui même il importe trèspeu que ce foit une fuite de pénibles réflexions ou par un heureux inftinct, par une espece d'infpiration que le médecin faifit les indications falutaires, pour qui celui qui a le plus de reffources dans la tête, qui guérit le plus de malades & le plus promptement, eft le feul digne de fon attention; le public, difons-nous, pense en général affez comme nous. Il y a donc une regle fûre pour juger du mérite d'un officier de fanté; mais nous convenons avec M. Gruner qu'elle n'est pas toujours bien appliquée, bien fuivie, lorfqu'il s'agit de placer fa confiance. Plus ou moins de popularité, plus ou moins de babil, d'affiduité ou de défintéreffement apparent ou réel, plus ou moins de fuffifance, s'emparent préférablement de l'opinion des hommes, left quels, lors d'un événement fàcheux, fe confolent, avec la perfuafion que le médecin a fait humainement tout ce qu'il a pu (ce qui veut dire qu'il n'y avoit rien autre chofe à faire), & que trop heureux s'il ne lui mouroit jamais de malade, celui qu'il vient de perdre étoit,

felon toutes les apparences, trop fortement attaqué pour pouvoir en échapper.

Le public ne pouvant juger de la science, les facultés devroient prononcer fur cette partie, & attacher par la promotion au doctorat une marque caractéristique de mérite à laquelle on ne pourroit pas fe méprendre; mais toute plainte fur les abus à cet égard, toute réflexion fur ce qu'il y a d'arbitraire dans la science, à part l'homme le plus favant; s'il faifit mal l'objet; s'il eft lent dans fes opérations intellectuelles ; s'il lui faut la tranquillité du cabinet pour méditer une grande conformité méthodique pour fe retrouver dans fes cahiers; fi le pour & le contre le ballotent & fufpendent fon jugement; s'il ne fait captiver la confiance de fon malade: dans tous ces cas dont les fous-divifions font infinies; le plus docte n'eft rien moins que le plus apte à l'exercice de fon art.

Dans le troifieme article, M. Gruner préfente les résultats tirés des tables contenant les maria. ges, baptêmes, morts, communians & ordinations au faint miniftere dans les églifes lutbéziennes de Drefde, depuis 1617 jufqu'en 1790. On voit par ces réfultats que cette réfidence jouit de plufieurs avantages favorables à la fanté & à la longévité.

Nous ne nous arrêterons pas au quatrieme article qui contient l'annonce de quelques quef tions académiques, ni au cinquieme, dans lequel M. Gruner fait mention de quelques réglemens concernant la médecine en divers pays.

Le fixieme eft plus important. L'auteur y pré

fente, fous le titre de fragmens, les raifons qui doivent faire regarder tes maranes ou maures, comme la fource de la fiphilis de 1493. Il y obferve d'abord que, quoiqu'il y ait eu de tout tems des maladies attachées aux parties honteuses, qui fe contractoient par un commerce impur elles n'étoient pas la fiphilis de 1493. Il prouve enfuite que cette maladie n'a pas pu être apportée par les Espagnols du nouveau-monde; que l'hiftoire n'offre rien qui les inculpe de l'avoir introduite en Italie; au-lieu qu'il y a de fortes raifons de croire qu'ils l'ont eux-mêmes contractée dans cette contrée; que les reproches réciproques de maladie françoife & de maladie efpagnole, dénotent qu'on étoit incertain fur fon origine, & indiquent le dépit qui, joint à la haine naturelle aux nations en guerre, faifoient qu'ils s'accufoient mutuellement de fe l'avoir communiquée qu'en 1492, 1493, il régnoit une pefte particuliere à Rome; que dans ce tems les maranes, auxquels il ne reftoit plus en Efpagne que le royaume de Grenade, en furent chaffés après avoir effuyé toutes les calamités d'une guerre malheureufe; que ce peuple originaire d'un pays où la lepre eft endémique, y étoit fujer que fugitifs, une partie d'eux traverfa l'Italie, que là il s'en introduifit beaucoup à Rome, où ils contracterent le germe de la pefte qui ravageoit cette ville; que ce virus dans des corps difpofés par un vice originaire de conftitution, minés par les calamités antérieures, & ufés

par les fatigues d'un pénible voyage, a pu dégénérer & former ce principe qui, fixé par la

cohabitation impure aux parties génitales, a excité ces terribles fymptômes qui participoient de la lepre & de la maladie vénérienne. Nous n'avons préfenté ici qu'un apperçu très-court de ce mémoire fort intéreffant pour l'hiftoire des maladies. Ceux qui défireroient en avoir une idée plus complette, s'ils ne veulent pas recourir à l'ouvrage même, peuvent confulter la Gazette falutaire de cette année, où ils trouveront un abrégé plus étendu de ce`morceau.

7. Salaire & penfion. L'état d'hommes-delettres, comme le remarque M. Gruner, fera bientôt le dernier de tous, fi l'on continue à offrir fi peu d'encouragemens & de reffources à ceux qui s'y adonnent: cependant une nation qui rentreroit dans la barbarie des fiecles d'ignorance, descendroit en peu de tems dans une fituation (fubordonée à celle des nations éclairées par le flambeau des fciences. D'où vient donc que l'on porte fi peu d'attention à un objet de cette importance?» Le meilleur barometre du

cas qu'on fait de nos jours de l'état d'homme> de-lettres, remarque l'auteur, c'eft le falaire

& les pentions. Le littérateur eft obligé de faire > des avances confidérables pour fon inftruction » & l'emplette des livres avant qu'il puiffe jouir, » & lorfqu'il efpere de retirer le produit de fes » avances, l'état eft fourd ou mefquin. Il faut

qu'il végete dans la pénurie, ou qu'il s'abaiffe » à fervir de manoeuvre littéraire, ou qu'il fe > contente d'un chétif traitement qu'on lui jette par grace, & fouvent après de longues foklicitations. Prefque toutes les places de gens

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> de-lettres font encore aujourd'hui, à cet égard, > fur le pied de 1500, & les dépenfes, il faut

les régler fur le pied de 1791, où des he> foins réels ou de convenance, exigent une › augmentation du triple. La récompense qu'elpere un homme-de-lettres, foit jeune, foit » vieux, eft un vain titre, la penfion un être de raifon ou une bagatelle humiliante, le > traitement inférieur aux gages que le mar» chant reconnoiffant accorde à fon facteur. Je > connois de très-dignes hommes à qui le prince > a fait compter 25-50 écus d'empire pour les

indemnifer d'une vacation qu'ils avoient refu» fée, & je suis honteux qu'ils fe foient oubliés > au point d'accepter un fi chétif honoraire. Un

homme de mérite ne doit certainement pas > fe trouver fur la même lifte avec l'indigent au fecours duquel l'état s'empreffe de courir. Je connois des profeffeurs de médecine qui > ont des appointemens fi modiques, fi mefquins, » qu'ils ne paffent pas cinquante foixante, > foixante-dix écus! Quelle infulte pour les fa > vans d'un vrai mérite! Je connois des méde> cins du premier rang qui, pour 200-300 écus,

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font le facrifice de leur liberté de penfer, > d'agir, d'enseigner, d'écrire, & font obligés > de fupporter nombre d'avanies, fouvent même » des injuftices manifeftes. Le bon comédien &

le virtuofe touchent tous les ans des milliers » d'écus, la danfeufe en a jufqu'à 6000, & > le chantre mutilé, privé de fes facultés viriles & littéraires, acquiert en fredonnant des mar» quifats lucratifs.

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