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avoit rapport à la banque, aux taxes, &c. &c.: & cette fcience qui, ponr lors, étoit peu cultivée & peu connue, fut le fondement de fa célébrité future.

Nonobftant la féchereffe apparente des recherches auxquelles il s'étoit appliqué, & qui enlevoient une grande partie de fon tems, il mettoit tant de foin à orner fa perfonne qui avoit reçu de la nature une beauté peu commune, qu'on l'appelloit vulgairement le beau Law.

Etant venu voir Londres en 1694, fon efprit, joint aux agrémens de fa perfonne, le fit adinettre d'abord dans les premiers cercles, où il ne manqua pas de s'attirer l'attention des dames, dont il a la réputation d'avoir été extraordinairement favorisé. Malheureufement ces fuccès lui fufciterent une querelle avec un M. Wilfon, au fujet de la foeur du premier comte de Villiers, après comteffe d'Orkney, qui fut terminée par un duel, dans lequel M. Law laiffa fon antagoniste mort fur le champ de bataille. Ayant été faifi & conduit à Newgate, quelques circonftances, qui n'annonçoient pas une iffue heureufe lui firent défirer d'éviter un jugement; ce qui lui fit entreprendre' de s'échapper; entreprise qu'il cut affez de bonheur pour effectuer, & on le fuppofa retiré fur le continent.

Il eft probable qu'il eft retourné à Edinburg en 1700', puisqu'il paroît que c'eft dans cette année qu'il a écrit fes » propofitions & raisons pour l'établiffement d'un confeil de commerce.

Dans cet ouvrage, dit l'éditeur, ill foumet au public un plan pour faire revivre, pour en

courager & améliorer le commerce & les mianufactures du royaume, qu'une fuite de diverfes circonftances malheureuses, & principalement le mauvais fuccès de l'expédition de Darien ou de Panama, avoient pretqu'anéantis. C'étoit d'éta blir, par un acte du parlement, un confeil de commerce, qui auroit l'adminiftration de tous les revenus du roi, des terres & rentes des évêques, de toutes les fondations & appropriations charitables, qui percevroit un dixieme fur tous les grains croifans, & la drêche fabriquée dans le royaume, un vingtieme fur les épices des procédures, un quarantieme fur les fucceffions, legs & ventes, & fur quelques autres articles trop longs pour être rapportés; il propofoit d'employer ces grands revenus, après en avoir déduit une fomme annuelle fixe pour l'afage du roi, & l'appointement des membres du confeil, à étendre de toutes manieres poffibles le commer ce, la pêche & les manufactures d'Ecoffe, à bâtir des ateliers, à fe procurer des matériaux néceffaires aux divers ouvrages, à foulager & entretenir les pauvres, à acheter & tenir à des prix réglés les différentes denrées, & les ouvrages des manufactures du royaume, à faire & entretenir les grands chemins, les ports & les havres, & à d'autres projets utiles. I propofoit auffi d'au torifer le confeil à empêcher le monopole toujours préjudiciable, à régler les poids & les mefures, à punir les banqueroutiers frauduleux, à relever les débiteurs honnêtes, qui ont fait un abandon exact de leurs effets, & faifir les mendians & les vagabonds; il propofoit ultérieure

ment que les marchandises exportées, de même que celles qui feroient importées pour être perfectionnées ou manufacturées dans le royaume, feroient foumifes à un droit d'un pour cent, mais que les droits fur tous les autres articles venant de l'étranger feroient doublés. «

Des efforts d'un confeil revêtu de tels pouvoirs, & en poffeffion d'auffi grands revenus, M. Law paroiffoit avoir conçu les plus vives efpérances, que le commerce & les manufactures d'Ecoffe fe verroient promptement retirées de l'état pitoyable dans lequel elles languiffoient pour lors mais le projet ne fut pas envisagé fous le même point de vue, & conféquemment ne fut pas accueilli par la fuprême judicature du royaume.

Cet ouvrage, quoi qu'il en foit, lui procura la connoiffance du premier duc d'Argyle, du marquis de Lorn, de lord Archibald Campbell, du marquis de Tweedale, & d'autres feigneurs Ecoffe.

Sous une protection auffi puissante, on l'en. gagea, en 1705, de présenter un plan au parlement, tendant à tirer le royaume des embarras où la rareté des efpeces, & l'infolvabilité l'expor foit. C'est à cet effet qu'il publia un autre ouvrage, intitulé: Confidérations fur la monnaie & le commerce, avec une propofition pour ramener l'argent en Ecoffe.

L'objet de ce plan étoit de créer un papier hypothéqué fur les biens-fonds, pour la raison qu'étant garanti de cette maniere, il deviendroit, égal en valeur à pareille fomme en monnoie d'or

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& d'argent, qu'il feroit même préféré à ces métaux, comme étant à l'abri de la diminution à laquelle la valeur de ces derniers eft fujette.

Quelque plaufible que fûr ce projet, le parlement ne le regarda pas comme un expédient convenable; mais la véritable raison qui le fit rejetter, fut, dit-on, la crainte que tous les biens du royaume ne devinffent bientôt dépen dants du gouvernement.

M. Law voyant qu'aucun de fes plans n'étoit goûté, quitta fa patrie, & fe rendit en Hollande, dans le deffein de fe perfectionner dans cette grande école de la banque & des finances. Après quoi il passa à Bruxelles, où l'on dit que fon profond favoir, dans le calcul, contribua à fon bonheur extraordinaire au jeu.

A Paris fon efprit s'occupa de plus grands objets; car d'abord après fon arrivée, il préfenta un plan à M. Defmarers, contrôleur-général des finances fous Louis XIV, qui, approuvé par ce miniftre, fut mis fous les yeux du roi. » Sa majesté, au-lieu de s'informer des mérites du projet, demanda fi Law étoit François & catholique, & fur la réponse négative qu'on lui fit, il dit, qu'il ne vouloir avoir rien à dé mêler avec un étranger, & qui profeffoir une religion différente de celle de fon royaume. » On ne manquera pas d'attribuer cette réponse à une bigotterie outrée; l'auteur protestánt la rapporté comme un exemple de la fagacité de fa majefté. M. Law quitta la capitale de la France en 1714, & dans le cours de fes voyages gagna des fommes confidérables au jeu, auquel il paroît

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avoir été particuliérement adonné. Préfenté à Victor- Amédée, roi de Sardaigne, il commu niqua à ce prince un projet pour agrandir fon territoire mais fa majefté refusa de le mettre en exécution, fous prétexte qu'il n'étoit pas affez puiffant pour exécuter un fi grand deffein.

Après la mort de Louis XIV, M. Law retourna à Paris, & gagna à un tel point la con fiance du régent, qu'il l'admit non-feulement à toutes les parties de plaifir, mais qu'il le nomma un de fes confeillers-d'état.

Les guerres longues & ruineufes de Louis XIV avoient furchargé la nation d'une dette énorme; elle gémiffoit fous le poids des taxes impofées pour le paiement de l'intérêt, qui excédoient de beaucoup les forces. Toute induftrie étoit par là は dans l'abattement, le négoce en quelque forte anéanti, les manufactures, le commerce & la navigation étoient déja interrompues, le marchand, le négociant réduits à la mendicité, & les artiftes & les ouvriers obligés, faute d'emploi, de quitter le royaume; enfin, l'état des affaires étoit tellement défefpéré, qu'on avoit agité, dans le confeil, & même proposé au régent une banqueroute nationale, comme le feul moyen qui reftoit pour délivrer l'état des dettes qui l'accabloient.

Le régent rejetta noblement cette propofition, préférant la maniere plus équitable d'établir une commiffion nommée vifa, pour examiner les prétentions des créanciers de l'état. Par cette commiffion, la dette nationale fut enfin mise dans une espece d'ordre, & son mon

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