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d'affiches peintes apposées par ordre de l'autorité. Le doute pourrait venir des expressions << enlevé ou déchiré » qui paraissent applicables surtout à des affiches sur papier, les seules, du reste, qui fussent en usage lors de la promulgation du Code pénal.

Mais il faut d'abord remarquer que, pour les affiches peintes sur toile, il n'y a pas de difficulté, puisqu'on peut les enlever ou les déchirer aussi bien que des affiches de papier. Et quant aux affiches peintes directement sur des murs ou sur des constructions quelconques, si l'on ne peut pas les déchirer, on peut du moins les faire disparaître en les effaçant ou en les couvrant faire cela, c'est sans aucun doute << enlever » une affiche, et le contester serait jouer sur les mots; car une affiche est, matériellement, un assemblage de signes représentant des idées et, moralement, ces idées : or, que l'affiche soit imprimée sur papier ou peinte sur un mur, l'enlever, la déchirer ou l'effacer produit le même résultat, puisque toujours le signe, en disparaissant, emporte avec lui l'idée.

Les dispositions de l'art. 479 sont donc générales et s'appliquent à tous les genres d'affiches, pourvu qu'elles aient été apposées par ordre de l'autorité.

Quant aux affiches apposées dans l'intérêt des particuliers, elles ne sont protégées par aucune disposition pénale, et l'action en dommages-intérêts est le seul recours contre le préjudice causé par l'enlèvement de ces affiches. Si l'affichage était libre et exempt d'impôts, on concevrait cette abstention de la loi pénale; mais puisqu'on fait payer aux particuliers soit un droit de timbre soit un droit d'affichage; puisqu'on ne leur permet ni d'afficher tout ni d'afficher partout, il semblerait équitable d'assurer à ces affiches, qui sont une propriété privée en même temps qu'un instrument de travail, la protection de la justice répressive. Les impôts et les lois de police ne sont pas uniquement des moyens de gouvernement considérés d'un point de vue plus élevé, ils sont, de la part du peuple qui les consent ou qui s'y soumet, le prix en retour duquel le Gouvernement doit assurer à chacun tel ou tel avantage social. Et ici, puisque le Gouvernement a demandé aux citoyens, dans une vue d'ordre public et dans un intérêt financier, un petit sacrifice d'argent et de liberté, il est moralement tenu de garantir la jouissance du droit qu'il concède, et il serait juste de punir l'enlèvement des affiches privées.

Crimes et délits commis par la voie de placards ou d'affiches apposés publiquement. - Enfin l'affiche, comme moyen de publicité, peut avoir servi à commettre un des crimes ou des délits prévus par les lois de presse. Elle est alors un moyen d'exécution et se rattache, à ce titre, à un grand nombre d'infractions pénales mais elle ne donne à ces incriminations aucun caractère spécifique. Nous avons cru devoir, à la fin du titre consacré à l'affichage, rappeler une observation qui domine toute la matière.

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De la distribution et du colportage. - Nous arrivons maintenant à un autre mode de publication: c'est la distribution ou le colportage, double forme d'un même acte qui, au fond, a le même but que le criage et l'affichage.

Le caractère spécifique de la distribution et du colportage est la remise d'un exemplaire de l'écrit distribué ou colporté : quand même l'écrit aurait été crié ou affiché, la distribution n'en constituerait pas moins un fait à part.

La loi assimile à peu près constamment la distribution, le criage et l'affichage, dans toutes les dispositions répressives qui ont trait à la publication d'écrits quelconques. Tous ces moyens, ainsi que nous venons de le remarquer, tendent au même but par des voies différentes, et le résultat en est à peu près le même, quoique les circonstances puissent donner plus ou moins d'efficacité à tel ou tel moyen de publicité. Ainsi une affiche, qui est lue et commentée par plusieurs personnes à la fois, est très-puissante pour exciter un mouvement subit dans les esprits, mais n'est pas un bon moyen pour qui veut les ramener par le calme ou par la persuasion; tandis qu'un écrit distribué, qui se garde pour être lu, relu et médité, ne vaudra rien pour agir instantanément sur une foule, mais sera excellent pour faire pénétrer en cent endroits l'idée qu'on veut propager. Le criage, bien qu'il soit surtout un procédé purement matériel pour activer le débit d'un écrit, n'en ajoute pas moins beaucoup à l'éclat de la publicité pour en douter, il faudrait n'avoir jamais entendu un crieur public annoncer une victoire.

Les incriminations en cette matière sont donc pour la plupart les mêmes qu'en matière de criage et d'affichage. Les seules différences que nous ayons à signaler résultent du caractère matériel de ces deux derniers modes de publication et donnent lieu aux incriminations spéciales que nous avons exposées : mais pour tout ce qui concerne l'exercice de la profession, la nature des écrits, les prescriptions fiscales, nous retrouverons le même régime résultant des mêmes lois. Nous n'aurons donc qu'à nous en référer, pour tout ce qui est commun à la distribution et au criage ou à l'affichage, aux observations contenues aux articles des titres du criage ou de l'affichage relatifs aux mêmes infractions. Nous aurons d'ailleurs à tenir compte, dans cette partie de notre travail, des modifications apportées par la loi du 27 juillet 1849.

Rappelons, comme nous l'avons déjà fait dans les titres précédents, que nous ne nous occupons pas des infractions qui pourraient résulter du contenu des écrits distribués ou colportés ces infractions, d'après le plan que nous nous sommes tracé, sont classés selon leur nature dans les différents titres auxquels elles se rattachent.

Exercice, sans autorisation préalable, de la profession de vendeur ou de distributeur, sur la voie publique, d'écrits quelconques. La loi du 10 décembre 1830 n'exigeait, pour l'exercice de la profession de vendeur ou de distri

buteur d'écrits quelconques sur la voie publique, qu'une déclaration préalable à la mairie, déclaration contenant indication de domicile.

La loi du 16 février 1834 a changé cela : elle exige une autorisation formelle, qui devient une première et indispensable condition de l'exercice, même temporaire, de la profession de distributeur ou de vendeur sur la voie publique. Nous reproduisons ici le texte de cette disposition, que nous avons déjà rapporté à propos du criage:

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« Art. 1er. Nul ne pourra exercer, même temporairement, la profession de crieur, de vendeur ou de distributeur, sur la voie publique, d'écrits, dessins ou emblèmes, imprimés, lithographiés, autographiés, moulés, gravés ou à la main, sans autorisation préalable de l'autorité municipale. Cette autorisation pourra être retirée. Les dispositions ci-dessus sont applicables aux chanteurs sur la voie publique. 2. Toute contravention à la disposition ci-dessus sera punie d'un emprisonnement de six jours à deux mois pour la première fois, et de deux mois à un an en cas de récidive. Les contrevenants seront traduits devant les tribunaux correctionnels, qui pourront, dans tous les cas, appliquer les dispositions de l'art. 463 du Code pénal. >>

Il faut remarquer ici, comme nous l'avons déjà fait au sujet du criage, que la loi de 1834 n'est pas applicable à tous les distributeurs et vendeurs, mais seulement à ceux qui vendent ou distribuent « sur la voie publique ». Car si la distribution ou la vente se fait dans un autre lieu, ce n'est plus la loi de 1834, mais la loi de 1849 qui est applicable.

De plus il résulte, de la combinaison de la loi de 1834 avec les art. 283 et suivants du Code pénal, que toutes les distributions d'écrits ne sont pas régies par la loi de 1834, le Code pénal ayant incriminé spécialement la distribution «d'imprimés » et seulement dans le cas où ces imprimés sont « sans nom d'auteur ou d'imprimeur ».

Ainsi la loi de 1834 ne s'applique pas si la distribution ou la vente a eu lieu autre part que sur la voie publique; elle ne s'applique pas non plus si, même lorsqu'elle aura eu lieu sur la voie publique, les écrits distribués étaient des imprimés sans nom d'auteur ou d'imprimeur.

Exercice de la profession de vendeur ou de distributeur d'écrits quelconques sur la voie publique sans avoir préalablement indiqué son domicile à la municipalité. L'art. 2 de la loi du 10 décembre 1830, ainsi que nous l'avons vu, soumettait l'exercice de la profession de vendeur ou de distributeur d'écrits sur la voie publique, à la condition d'une déclaration préalable: nous avons vu également que, d'après la loi de 1834, cette déclaration est remplacée par une condition différente: celle de l'autorisation.

Mais l'art. 2 de la loi du 10 décembre 1830 imposait en outre au vendeur ou distributeur une autre obligation celle d'indiquer son domicile : « Quiconque voudra exercer, même temporairement, la profession d'afficheur ou crieur, de vendeur ou distributeur, sur la voie publique, d'écrits imprimés, lithographiés ou gravés ou à la main, sera tenu d'en faire préalablement la déclaration devant l'autorité municipale et d'indiquer son domicile. Le crieur ou afficheur devra renouveler cette déclaration chaque fois qu'il changera de domicile. »>

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Or la loi du 16 février 1834, en substituant la nécessité d'une autorisation préalable à celle d'une déclaration préalable, n'a pas dispensé les vendeurs et les distributeurs sur la voie publique des autres obligations qui leur sont imposées par les dispositions des autres lois et notamment de celle du 10 décembre 1830. Ainsi, outre l'autorisation préalable dont ils devront se pourvoir, les vendeurs ou distributeurs devront, préalablement aussi, indiquer à la municipalité leur domicile, et renouveler cette déclaration à chaque changement de domicile.

Rappelons que la peine, aux termes de l'art. 7 de la loi du 10 décembre 1830, est d'une amende de 25 fr. à 200 fr., et d'un emprisonnement de six jours à un mois, cumulativement ou séparément, et que l'art. 463 est applicable (art. 8, ib.). Nous avons, au sujet de la même incrimination appliquée aux crieurs et aux afficheurs, indiqué les motifs de cette disposition; nous n'y reviendrons pas, et nous appliquons la même observation aux incriminations qui, comme celle-ci, sont communes à ces diverses classes de publicateurs.

Vente ou distribution, sur la voie publique, d'écrits quelconques autres que des journaux ou des actes officiels, sans avoir fait la déclaration du titre sous lequel ils seront annoncés. — Outre les conditions qu'elle avait imposées aux vendeurs et aux distributeurs pour l'admission à l'exercice de leur profession sur la voie publique, la loi de 1830 les soumettait, dans l'exercice même de cette profession, à certaines obligations dont la loi de 1834 ne les a pas plus dispensés qu'elle ne les a dispensés de la déclaration de domicile.

Les vendeurs ou distributeurs seront donc, comme les crieurs, obligés de se conformer aux dispositions du § 2 de l'art. 3 de la loi du 10 décembre 1830, qui est ainsi conçu : « Aucun autre écrit, imprimé, lithographié, gravé ou à la main, ne pourra être crié sur la voie publique qu'après que le crieur ou distributeur aura fait connaître à l'autorité municipale le titre sous lequel il veut l'annoncer, et qu'après avoir remis à cette autorité un exemplaire de cet écrit. »

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La peine, aux termes de l'art. 7, est la même que pour le délit précédent. Vente ou distribution, sur la voie publique, d'écrits quelconques autres que des journaux ou des actes officiels, sans dépôt préalable à la mairie, d'un exemplaire. Le § 2 de l'art. 3 de la loi du 10 décembre 1830, que nous venons de citer, exige que, en faisant connaître à l'autorité municipale le titre de l'écrit à distribuer, le distributeur dépose un exemplaire de cet écrit. C'est là une formalité distincte, et dont l'inobservation, ainsi que nous l'avons fait remarquer au sujet du criage, suffit à elle seule pour faire encourir l'application des peines déterminées par l'art. 7, quand bien même le distributeur aurait d'ailleurs accompli, par la déclaration du titre, une des deux formalités exigées par le § 2 de l'art. 3 : car il n'y a pas là une alternative à choisir, mais deux conditions à remplir.

Distribution publique d'imprimés non timbrés. — La loi du 6 prairial an vii, art. 1o, dispose: « Les avis imprimés, quel qu'en soit l'objet, qui se crient et se distribuent dans les rucs et dans les lieux publics, ou que l'on fait circuler de toute autre manière, seront assujettis au droit de timbre, à l'exception des adresses contenant la simple indication de domicile ou le simple avis de changement. >> L'art. 66 de la loi de finances du 28 avril 1816 a maintenu l'obligation du

timbre pour ces avis, qui peuvent d'ailleurs, à la différence des affiches privées, être imprimés sur papier blanc.

Nous avons vu que l'imprimeur qui contreviendrait à cette disposition serait passible, aux termes du § 1o de l'art. 69 de la même loi, d'une amende de 500 fr.

Le même article, par son § 2, punit d'une amende de 100 fr. ceux qui auront fait afficher et « distribuer » des imprimés non timbrés; par le § 3, il punit les afficheurs et distributeurs des peines de l'art. 474 du Code pénal: l'emprisonnement pendant trois jours au plus. Enfin le § 4 dispose que les amendes seront solidaires.

Mais l'art. 3, § 3, de la loi du 11 mai 1868 sur la presse a exempté du timbre « les affiches électorales d'un candidat contenant sa profession de foi, une circulaire signée de lui, ou seulement son nom. » La loi de l'an vi n'est plus applicable dans ce cas.

Distribution ou publication d'imprimés sans nom d'auteur ou d'imprimeur.— Nous devons rappeler ici que l'incrimination des art. 283 et 284 du Code pénal, que nous avons rapportée en traitant du criage, s'applique, avec les mêmes observations, à la distribution ou à la publication d'imprimés sans nom d'auteur, sans qu'il soit nécessaire, ainsi que nous l'avons fait remarquer, que le fait ait eu lieu sur la voie publique. Nous prions le lecteur de se reporter à l'article du criage sans nom d'auteur ou d'imprimeur ».

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Distribution, mise en vente ou détention, par un libraire, d'un ouvrage sans nom d'imprimeur. Rappelons que si le distributeur d'un imprimé sans nom d'auteur est un libraire, alors ce n'est plus l'art. 283 du Code pénal qui est applicable, mais l'art. 19 de la loi du 21 octobre 1814. L'art. 284 est également remplacé par ce même article. Nous nous occuperons plus en détail de cette disposition au paragraphe consacré aux libraires, et nous prions le lecteur de s'y reporter. Nous avons voulu seulement rapprocher ici l'exception de la règle.

Distribution ou publication d'imprimés sans nom d'auteur ou d'imprimeur, et contenant provocation à des crimes ou à des délits. -- Mêmes observations que pour l'article précédent.

Vente ou distribution publique d'écrits, dessins ou emblèmes portant provocation à une action qualifiée crime, ladite provocation ayant été suivie d'effet. — Ainsi que nous l'avons fait observer au sujet des crieurs et des afficheurs, la provocation à des crimes ou à des délits est régie par deux ordres de disposi

tions.

S'il s'agit de provocation résultant soit de la publication soit de la distribution d'imprimés sans nom d'auteur ou d'imprimeur, les dispositions des art. 283 à 289 du Code pénal sont applicables, sans qu'il y ait lieu de distinguer si la provocation a été ou non suivie d'effet.

S'il s'agit au contraire de provocation résultant de la publication ou de la distribution de dessins, de gravures, de peintures, d'emblèmes, d'écrits; si même la provocation a été faite à l'aide d'imprimés autres que ceux ne portant pas le nom de l'auteur ou de l'imprimeur, alors c'est la loi du 17 mai 1819 qui devient applicable, et pour cette application il y a lieu de distinguer si la provocation

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