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en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou affiches exposés aux regards du public, aura provoqué l'auteur ou les auteurs de toute action qualifiée crime ou délit à la commettre, sera réputé complice, et puni comme tel. 2. Quiconque aura, par l'un des moyens énoncés en l'art. 1er, provoqué à commettre un ou plusieurs crimes, sans que ladite provocation ait été suivie d'aucun effet, sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra être de moins de trois mois, ni excéder cinq années, et d'une amende qui ne pourra être au-dessous de 50 fr., ni excéder 6,000 fr. 3. Quiconque aura, par l'un des mêmes moyens, provoqué à commettre un ou plusieurs délits, sans que ladite provocation ait été suivie d'aucun effet, sera puni d'un emprisonnement de trois jours à deux années, et d'une amende de 30 fr. à 4,000 fr., ou de l'une de ces deux peines seulement, selon les circonstances, sauf les cas dans lesquels la loi prononcerait une peine moins grave contre l'auteur même du délit, laquelle sera alors appliquée au provocateur. »

On peut voir d'abord que, loin d'abroger l'art. 285 du Code pénal, l'art. 1o de la loi de 1819 ne fait qu'en confirmer le premier paragraphe. L'une et l'autre disposition incriminent et punissent des mêmes peines la distribution ou la mise en vente de pièces contenant provocation à des crimes ou à des délits.

La différence entre les deux articles consiste d'abord en ce que le Code pénal incrimine spécialement les crieurs, afficheurs, vendeurs et distributeurs d'imprimés, tandis que la loi de 1819 incrimine en termes généraux « quiconque », par l'un des moyens qu'elle spécifie, aura provoqué à des crimes ou à des délits.

Cependant cette première différence ne suffirait pas à donner une existence distincte à l'incrimination de l'art. 285, puisque les personnes qu'elle désigne sont comprises dans l'expression « quiconque » employée par la loi de 1819.

Mais l'art. 285 ne s'applique pas à tous les crieurs, vendeurs et distributeurs : il s'applique seulement à ceux de ces agents de publication qui auront débité des imprimés sans nom d'auteur ou d'imprimeur. Dès lors l'incrimination du Code pénal devient un cas particulier du délit de provocation défini en termes généraux par l'art. 1er de la loi du 17 mai 1819: elle subsiste donc avec sa définition et ses peines.

Ainsi lorsqu'une provocation à un crime aura été commise par l'un des moyens de publicité spécifiés en l'art. 1o de la loi du 17 mai 1819, autre que la vente d'imprimés sans nom d'auteur ou d'imprimeur, on appliquera cette loi, même quand le délit aura été consommé par le criage, par la vente ou par la distribution d'imprimés.

Mais si ces imprimés ainsi distribués et qui contenaient provocation à com mettre un crime ou un délit, ne portaient pas de nom d'auteur ou d'imprimeur, alors on n'appliquera plus la loi de 1819, mais l'art. 285 du Code pénal, puisque cet article a incriminé spécialement le débit d'imprimés dans ces conditions.

Ainsi constitué en incrimination spéciale, le délit défini par l'art. 285 n'est autre que celui de l'art. 283, plus la circonstance aggravante de provocation à des crimes ou délits : car l'art. 285 n'énonce que cette circonstance et, par le mot « si», la rapporte à la définition du délit prévu par l'art. 283.

Or, d'après l'art. 283, la publication ou reproduction n'est punissable qu'au

tant qu'elle a eu lieu sciemment il faut donc, pour l'application de l'art. 285, que cette condition soit aussi remplie.

La peine déterminée par l'art. 285 sera donc appliquée à celui qui aura crié ou débité des imprimés sans nom d'auteur ou d'imprimeur, contenant provocation; mais le débit ne sera punissable qu'autant qu'il aura été fait sciemment. Remarquons d'ailleurs que le délit sera dès lors constitué, et qu'il n'est pas nécessaire d'établir que l'agent ait su tout à la fois, et qu'il faisait une distribution ou publication délictueuse, et que l'imprimé qu'il distribuait contenait des provocations. Du moment où il n'était pas de bonne foi sur le premier point, il est punissable, et peu importe que sur le second point il fût ou non dans l'erreur la loi ne fait aucune distinction à cet égard. Le juge seul y pourra trouver une raison d'indulgence ou de sévérité dans l'application de la peine.

Le § 1er de l'art. 285 déclare le crieur ou distributeur punissable comme complice des provocateurs.

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Les provocateurs eux-mêmes sont punis par les art. 1, 2 et 3 de la loi du 17 mai 1819. Aux termes de l'art. 1er de cette loi, quand la provocation a été suivie d'effet, le provocateur est réputé complice, et puni, comme tel, des mêmes peines que l'auteur principal, sauf le cas de complicité par recel d'objets provenant d'un crime puni de la peine de mort.

Pour donner un exemple, supposons qu'un assassinat ait été commis par suite de provocations publiques à cet acte. L'assassin sera condamné à mort; le provocateur sera condamné à mort en qualité de complice.

Mais si la provocation était contenue dans un imprimé sans nom d'auteur ou d'imprimeur, celui qui aura crié ou distribué cet imprimé sera également condamné à mort.

Voilà ce qui résulte de la combinaison de l'art. 285 avec l'art. 1o de la loi de 1819, quand la provocation a été suivie d'effet.

Mais si la provocation n'a pas été suivie d'effet, quelle sera la peine pour le distributeur? Ce sera évidemment, suivant qu'il s'agira d'un crime ou d'un délit, celle de l'art. 2 ou de l'art. 3 de la loi de 1819. Car bien que l'art. 285 ne distingue pas si la provocation a été ou non suivie d'effet, comme il déclare le distributeur punissable à titre de complice du provocateur, la peine du provocateur sera celle du distributeur.

Toutefois, par une disposition finale, l'art. 285 offre au crieur ou distributeur un moyen d'échapper à la rigueur de la fiction terrible qui l'enchaîne au sort de l'auteur de la provocation: ce moyen, c'est encore la révélation du nom de ceux de qui il tient l'écrit. Dans ce cas il n'encourra plus qu'un emprisonnement de six jours à six mois.

Mais ce bénéfice est refusé à l'imprimeur, s'il est connu. De sorte que l'imprimeur qui a imprimé l'écrit contenant des provocations à des crimes ou à des délits, quand bien même il dénoncerait l'auteur de l'écrit, n'en serait pas moins punissable des mêmes peines que ce dernier. Ici, on n'a pas voulu admettre le moindre adoucissement à l'action comminatoire de l'art. 285, parce que le but principal de la loi a été de rendre la responsabilité de l'imprimeur aussi redoutable que possible.

Ainsi, pour reprendre l'exemple que nous avons cité plus haut, supposons devant une Cour d'assises un assassin, le provocateur à l'assassinat, le distributeur de l'imprimé contenant provocation, et l'imprimeur qui a prêté sciemment ses presses: le distributeur pourra sauver sa tête en dénonçant l'imprimeur qui, grâce à lui, sera impliqué dans une accusation capitale; tandis que l'imprimeur, quand bien même ce serait lui qui aurait révélé le nom de l'auteur de la provocation, se verra refuser toute atténuation de peine et pourra, dans tel cas donné, être condamné à mort.

Cette disposition est encore une de celles qu'on ne doit pas se lasser de méditer, pour voir à quelles conséquences le législateur peut être emporté lorsqu'il se laisse aller sur la pente de la fiction légale. En droit civil, où il n'y a pas mort d'homme, une fiction peut tout au plus conduire à une erreur ou à une injustice; mais en droit criminel, la fiction qui tue ou qui déshonore ressemble à une Chimère qui s'abattrait au milieu des hommes pour saisir quelques têtes au hasard et les emporter.

Celui qui imprime ne tue pas; celui qui distribue un écrit ne tue pas; celui qui provoque à tuer ne tue pas et pourtant, si l'on applique la loi, tous doivent mourir.

Criage public d'écrits, dessins ou emblèmes portant provocation à une action qualifiée crime, ladite provocation ayant été suivie d'effet. - Nous avons, dans l'article qui précède, fait ressortir la différence qui distingue l'incrimination de l'art. 285 du Code pénal de celle qui est contenue à l'art. 1o de la loi du 17 mai 1817. L'art. 285 est spécial au criage des imprimés seulement, et seulement aussi des imprimés sans nom d'auteur ou d'imprimeur.

Toutes les fois donc que la provocation aura eu lieu soit par des moyens autres que les écrits, soit par des écrits non imprimés, soit même par des écrits imprimés, mais portant le nom de l'auteur ou de l'imprimeur, l'art. 1er de la loi de 1819 sera applicable si la provocation, tendante à une action qualifiée crime, a été suivie d'effet.

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Criage public d'écrits, dessins ou emblèmes portant provocation à une action qualifiée crime, ladite provocation n'ayant pas été suivie d'effet. Si la provocation n'a pas été suivie d'effet, l'art. 2 de la loi du 17 mai 1819 sera applicable.

Criage public d'écrits, dessins ou emblèmes portant provocation à une action qualifiée délit, ladite provocation ayant été suivie d'effet. Dans ce cas, c'est l'art. 2 de la même loi qui est applicable.

Criage public d'écrits, dessins ou emblèmes portant provocation à une action qualifiée délit, ladite provocation n'ayant pas été suivie d'effet. — Enfin, si la provocation à un délit n'a pas été suivie d'effet, on appliquera les peines de l'art. 3 de la loi de 1819.

Nous avons dû rapporter ici ces dispositions, non-seulement parce qu'elles sont applicables aux crieurs et aux chanteurs, mais parce qu'il importe de les rapprocher des dispositions du Code pénal pour pouvoir se rendre compte de la portée des art. 283 et suivants, véritables ruines oubliées dans les innombrables reconstructions de ce labyrinthe qui s'appelle la législation de la presse.

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Les incriminations de la loi du 17 mai 1819 se représenteront d'ailleurs dans la partie de cet exposé consacré à la publication et à la distribution.

Du théâtre. Lorsqu'on assiste en simple spectateur à la représentation d'un ouvrage dramatique, on éprouve, si l'œuvre est belle, un des plaisirs les plus nobles, une des jouissances les plus raffinées que l'homme puisse ressentir.

Et cependant, au delà de cette barrière lumineuse qui sépare la salle de la les perscène, il n'y a que de brillants mensonges; et le temps, le lieu, l'action, sonnages, tout, jusqu'aux paroles qu'on prononce, n'est que fiction.

A voir entrer dans la salle ce public gravement empressé; à le voir faire silence et demeurer immobile dès que le rideau se lève, on aurait peine à deviner, si on ne le connaissait pas, le but de la réunion. A y regarder de près, même, le spectateur qui rit ou qui pleure aux diverses péripéties d'une pièce de théâtre diffère-t-il beaucoup du petit enfant à qui sa nourrice raconte l'histoire merveilleuse de Peau d'Ane ou du Petit Poucet? La Fontaine l'a bien dit :

Le monde est vieux, dit-on je le crois; cependant

Il le faut amuser encor comme un enfant.

Or qu'est-ce qu'un enfant? Un homme, ou plutôt la fleur d'un homme; fleur qui vit, comme la plante, du même air et de la même lumière et qui, comme l'homme, tend incessamment à s'épanouir, à s'étendre, à se baigner dans la vie. La vie et voilà ce que l'homme vient chercher au théâtre; voilà ce que l'enfant écoute dans les récits dont on le berce.

S'il est en effet un spectacle dont l'homme ne se lasse jamais, c'est celui de l'humanité. Heureux ou malheureux, abject ou sublime, jeune ou vieux, cet être qui lutte sur un théâtre contre les hasards de la destinée est un homme, et c'en est assez pour nous passionner à son sort.

Le théâtre est donc le tableau de la vie humaine, mais un tableau où les personnages vivent, parlent, souffrent comme nous; où ils aiment aussi, et nous entraînent à leurs amours imaginaires.

Là, comme devant toutes ces œuvres où l'art représente la nature, nous doublons notre existence en ajoutant aux réalités de la vie les créations passionnées qui palpitent sous nos yeux.

Le théâtre, avec ses entraînements, avec son prestige, n'exerce pas seulement sur nous l'attraction d'un plaisir : il a encore sur nos sentiments une action marquée, et sur nos passions un véritable pouvoir : aussi l'a-t-on appelé l'école des mœurs; et quoique peut-être il eût été plus juste de dire qu'il en est le miroir, son influence sur les mœurs n'en est pas moins considérable, et s'explique par le double effet de l'instinct d'imitation et du penchant à la sympathie, qui ont sur les déterminations de l'homme un empire si puissant.

On le voit bien à la frappante conformité qui existe entre les mœurs d'un peuple et son théâtre. Le génie lui-même est forcé de se conformer à cette loi : preuve de ce que nous venons de remarquer, que le théâtre est moins l'école que le miroir des mœurs.

Quoi qu'il en soit, de tous les moyens de manifester la pensée humaine, le théâtre est le plus puissant ou, pour mieux dire, celui dont le pouvoir est le plus

étendu, parce que, à l'avantage d'agir sur des foules, il joint le privilége de faire vivre et parler les passions sous les yeux mêmes du spectateur, avec tout le relief de la réalité et tout le prestige de l'illusion. Il occupe, à côté des beaux-arts et de l'éloquence, une place considérable dans les mœurs, dans les institutions d'un peuple; et, plus on se rend compte de son importance, plus on comprend comment la loi, règle souveraine des rapports entre les hommes, a dû porter son action sur ce grand moyen d'expression de la pensée.

La loi pénale interviendra donc ici, comme elle intervient partout où il y a quelque chose à maintenir, et tout abus de parole ou d'action, commis au théâtre, sera réprimé. Elle ne s'arrêtera pas là : par une application du droit qu'a le législateur, (nous croyons l'avoir assez démontré plus haut,) de prévenir autant que possible les délits de presse, elle soumettra la représentation de toute pièce de théâtre à une censure et à une autorisation préalables. Ainsi, pour toutes les infractions commises sur les théâtres, la loi commune conserve son action; une loi spéciale, d'un caractère préventif, régit en outre ces établissements.

Nous n'avons pas à revenir sur la propriété des œuvres dramatiques : nous en avons traité au sujet de la propriété littéraire.

La législation sur les théâtres comprend la police, l'administration et la cen

sure.

En ce qui touche la police, la loi du 19 janvier 1791, art. 6 et 7, a soumis les directeurs et les acteurs à l'inspection de la municipalité, et déterminé les mesures de surveillance à exercer dans l'intérieur de la salle. La loi de 1790, sur la police municipale, avait déjà chargé les maires de la police de tous les lieux de réunion publique.

L'arrêté du Directoire du 1er germinal an vii a prescrit des mesures pour prévenir les incendies.

Le décret du 29 juillet 1807, relatif aux représentations à bénéfice et aux théâtres impériaux, interdit la construction dans Paris d'aucune salle de spectacle, aucun déplacement d'une troupe d'une salle à une autre, sans autorisation de l'Empereur, sur le rapport du ministre de l'intérieur (art. 1, 2, 3).

Le décret du 6 janvier 1864, en établissant la liberté des théâtres, a fait disparaître toute la législation relative à l'administration des troupes privilégiées qui, jusque-là, exerçaient soit à Paris soit dans les départements en vertu d'un monopole concédé par le Gouvernement.

Aux termes de l'art. 1o de ce décret, tout individu peut faire construire et exploiter un théâtre, à la charge de faire une déclaration au ministère de la Maison de l'Empereur, plus une déclaration à la préfecture, dans les départements, et à la préfecture de police, à Paris.

L'art. 2 oblige les entrepreneurs à se conformer aux ordonnances, décrets et règlements pour tout ce qui concerne l'ordre, la sécurité et la salubrité. Les lois de 1791 et de l'an VII sont donc maintenues, aussi bien que le droit attribué aux municipalités pour l'inspection des troupes de théâtre et pour la police des spectacles.

Par une conséquence du principe de liberté qu'il consacre, le décret (art. 4)

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