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tribunaux de la marine les marins et les individus faisant partie de l'équipage: il soumet encore à la juridiction maritime « tous individus portés présents, à quelque titre que ce soit, sur les rôles d'équipage des bâtiments de l'État »>, pour tous crimes et délits commis à bord ou à terre, sauf les cas prévus aux art. 78, §§ 2 et 3, 88, 102 et 108, et au titre III du Code pénal militaire maritime. Les mots de « tout militaire embarqué », dans l'art. 298 comme dans tous les autres articles où ils sont employés, comprennent donc tous individus appartenant à un corps militaire soit de l'armée de mer soit de l'armée de terre, puisque ces derniers, aux termes des dispositions de l'art. 94 que nous venons de rappeler, sont justiciables des juridictions maritimes, comme « portés présents sur les rôles d'équipage des bâtiments de l'État ».

Il n'est pas nécessaire d'insister sur les motifs qui ont obligé le législateur à déployer tant de sévérité contre les auteurs des voies de fait envers un supérieur. Tout le monde reconnaît qu'une discipline rigoureuse, soutenue par des peines redoutables, peut seule maintenir dans le devoir ces corps si nombreux, toujours réunis, toujours armés, où le moindre murmure trouve à l'instant mille échos, où le mal comme le bien est contagieux, et où quelques officiers sont seuls contre des centaines de soldats ou de matelots.

On remarquera cependant qu'à la différence de l'ancienne législation, le décret du 4 juin 1858 ne punit pas de la peine de mort toute voie de fait envers un supérieur : il ne le fait que dans le cas où une circonstance grave aura rendu l'acte particulièrement dangereux pour la discipline. Dans le cas prévu par l'art. 298, la préméditation ou le guet-apens donne à la voie de fait le caractère d'un véritable attentat le coupable a pu se rendre compte de ce qu'il allait faire; il a eu tout le temps de comprendre les conséquences auxquelles il va s'exposer; jusqu'au dernier moment, l'exemple du respect pour le supérieur qu'il va frapper lui a été donné par ses camarades. Il est donc sans excuse, et la loi ne l'excuse pas.

Voie de fait sous es armes, par tout marin, tout militaire embarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État, envers son supérieur.

L'art. 299 dispose: « Est puni de mort tout marin, tout militaire embarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État, coupable de voie de fait, sous les armes, envers son supérieur ».

Le motif de cette disposition s'explique encore de lui-même.

S'il est une circonstance où le marin doive être plus pénétré que jamais du respect qu'il doit à ses supérieurs, c'est lorsqu'il est sous les armes; s'il est un cas où la voie de fait contre un chef soit dangereuse, c'est lorsqu'elle est commise par un homme armé; elle est d'ailleurs dangereuse sous un autre rapport, en ce qu'elle donne à des militaires rassemblés pour obéir l'exemple du plus grave des attentats contre un chef qui est pour eux l'autorité vivante; elle peut entraîner à l'instant une révolte; souvent elle en est le signal convenu d'avance. On ne pouvait donc se dispenser de prononcer la plus terrible des peines pour un crime qui est aussi grave, plus grave peut-être que celui prévu par l'art. 298. Il n'est pas hors de propos de rappeler d'ailleurs que l'art. 365 du Code de justice militaire pour l'armée de mer donne au commandant d'un bâtiment de l'État le droit de punir ou faire punir sans formalité, suivant l'exigence des cas, les coupables de cer

tains crimes particulièrement graves, parmi lesquels figurent la rébellion et la sédition.

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Voie de fait envers un supérieur, hors du service et du bord, par tout marin, tout militaire embarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État. L'art. 300, après avoir incriminé la voie de fait envers un supérieur, soit à bord soit pendant le service ou à l'occasion du service hors du bord, dispose: «Si la voie de fait n'a pas eu lieu dans l'un des cas indiqués par le paragraphe précédent, le coupable est puni de cinq ans à dix ans de travaux publics, ou, s'il est officier, de la destitution avec emprisonnement de deux ans à cinq ans ».

Comme c'est le cas le plus simple, nous nous occupons d'abord de cette incrimination.

Sur le caractère matériel et moral du fait, sur la qualité du coupable et de la victime, nous n'avons qu'à nous en référer à ce que nous avons dit au sujet des art. 298 et 299. Nous devons seulement faire remarquer que l'art. 300 n'exige pas, comme l'art. 298, la préméditation ou le guet-apens, ni, comme l'art. 299, que le coupable soit sous les armes au moment de l'acte car c'est précisément l'absence de ces circonstances qui permet d'édicter une peine moins grave.

Voie de fait envers un supérieur, soit à bord, soit pendant le service ou à l'occasion du service hors du bord, par tout marin, tout militaire embarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État. - Dans son § 1o, l'art. 300 incrimine la voie de fait commise à bord ou en service : « Est puni de mort tout marin, tout militaire embarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État, coupable de voie de fait envers son supérieur, soit à bord, soit pendant le service ou à l'occasion du service hors du bord ».

Ainsi, du moment où la voie de fait aura été commise à bord, que ce soit pendant le service ou hors le service, la peine de mort est toujours encourue. Outre qu'on peut considérer les individus, désignés ici, comme étant toujours de service lorsqu'ils sont à bord, on comprend combien l'attentat contre un supérieur est dangereux, quand l'exemple en est donné à bord d'un vaisseau, puisque dans ces circonstances ce n'est pas seulement la discipline, mais la sûreté même du bâtiment qui est par là compromise.

Si la voie de fait, quoique commise hors du bord, l'a été pendant le service ou à l'occasion du service, l'art. 300 prononce encore la peine de mort. La sévérité du législateur se justifie par les mêmes considérations qui ont dicté l'art. 299 : comme la voie de fait commise sous les armes, la voie de fait commise dans les circonstances prévues par le § 1er de l'art. 300 est un véritable attentat contre la dignité du commandement, et l'exemple que donne cet acte est d'autant plus dangereux qu'il est presque toujours commis en présence des autres subordonnés du supérieur offensé.

Voie de fait envers un supérieur, pendant le service ou à l'occasion du service, par tout individu au service de la marine. - Les faits prévus par les art. 298, 299 et 300, sont des crimes essentiellement militaires, ainsi que l'indiquent les catégories désignées dans ces articles pour la qualité des coupables.

Il a fallu prévoir le cas où des voies de fait seraient commises, non plus par

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des individus faisant partie du personnel militaire de la marine, mais par un de ceux que la loi désigne sous le nom « d'individus au service de la marine »> ce qui comprend en général quiconque reçoit une solde de ce département, mais qui exclut ici, le texte l'ayant exprimé formellement, les marins, les militaires embarqués et les individus faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État.

Ainsi les officiers du corps du génie maritime et de celui des ingénieurs hydrographes; les officiers, commis et écrivains du commissariat, de l'inspection et du personnel administratif des directions de travaux dans les ports et des établissements de la marine situés hors des ports; le personnel du service des manutentions et de celui de la justice maritime; les agents de la comptabilité des matières; les officiers de santé; les examinateurs et professeurs de l'école navale et des écoles d'hydrographie; les trésoriers des invalides; les conducteurs des forges de la Chaussade, le corps des infirmiers permanents, enfin les ouvriers des ports, forment la catégorie à laquelle s'appliquent les dispositions de l'art. 301.

La gendarmerie, l'artillerie, l'infanterie de marine; les employés de l'artillerie de marine; les armuriers militaires; les gardiens de batterie, forment au contraire la catégorie placée sous le régime plus sévère des art. 298, 299 et 300.

En effet, quoique la discipline soit aussi indispensable dans un service administratif que dans un service militaire, elle ne saurait être sanctionnée par des peines aussi terribles que celles édictées contre les militaires. Tout en établissant donc une répression sévère, la loi, par l'art. 301, adoucit dans une large mesure les peines de la voie de fait envers un supérieur : « Tout individu au service de la marine non désigné aux trois articles précédents, coupable de voie de fait envers son supérieur pendant le service ou à l'occasion du service, est puni : 1o S'il y a eu préméditation ou guet-apens, de la réclusion; 2° dans les autres cas, d'un emprisonnement de deux mois à deux ans »>.

La différence entre cette incrimination et celle des art. 298 et suivants n'est pas seulement dans la peine: elle est surtout en ce que la loi spéciale ne punit ici les voies de fait envers un supérieur que si elles ont eu lieu pendant le service ou à l'occasion du service à défaut de cette circonstance, les voies de fait envers un supérieur, même commises avec préméditation ou guet-apens, ne sont pas punissables en vertu du Code de justice militaire pour l'armée de mer; elles ne sont pas impunies pour cela, puisque les lois ordinaires doivent être appliquées, d'après l'art. 364 du Code, dans tous les cas non prévus par cette loi spéciale. Outrages envers un supérieur, par paroles, gestes ou menaces, par tout marin, tout militaire embarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État. Comme pour les voies de fait, la loi maritime a voulu punir de peines spéciales l'outrage envers un supérieur, parce que les peines édictées par les lois ordinaires ne lui ont pas paru suffisantes. Sans rechercher si l'outrage a été public ou non public, l'art. 301 le punit, mais seulement lorsqu'il a été commis par paroles, gestes ou menaces, d'où suit que cette disposition n'atteint pas l'outrage commis par écrit ou dessin public ou non public. L'outrage non public commis par cette voie sera donc impuni, car l'art. 222 du Code pénal ordinaire n'atteint que les délits de ce genre commis envers des magistrats ou des jurés;

mais si le dessin ou l'écrit a été rendu public, il y aura lieu, suivant les cas, à l'application des lois de presse.

Le § 2 de l'art. 302 punit comme suit l'outrage envers un supérieur, commis hors du bord ou hors du service. « Si l'outrage n'a pas eu lieu dans l'un des cas indiqués par le paragraphe précédent, la peine est d'un an à cinq ans d'empri

sonnement »>:

Ce texte, comme on voit, ne fait mention ni de l'injure ni de la diffamation: les délits de ce genre, commis envers un supérieur, seront punissables d'après les lois de presse ordinaires.

Outrage par paroles, gestes ou menaces, commis à bord ou hors du bord, pendant le service ou à l'occasion du service hors du bord, par tout marin, tout militaire embarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de Etat, envers son supérieur. - Dans son § 1, l'art. 302 reproduit, pour les appliquer à l'outrage, les aggravations établies dans l'art. 300 pour les voies de fait envers un supérieur. Cet article dispose : « Tout marin, tout militaire cmbarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État, qui, soit à bord, soit pendant le service, ou à l'occasion du service hors du bord, outrage son supérieur par paroles, gestes ou menaces, est puni de cinq ans à dix ans de travaux publics, ou, s'il est officier, de la destitution avec emprisonnement d'un an à cinq ans ».

Les observations que nous avons faites dans l'article ci-dessus au sujet de l'insulte envers une sentinelle sont applicables ici : nous ne pouvons que nous y référer.

L'art. 300, ainsi qu'il résulte des désignations qu'il emploie, n'est applicable qu'au personnel embarqué, d'où suit que les autres « individus au service de la marine » désignés dans l'art. 301, ne sont pas punissables d'une peine spéciale à raison des outrages qu'ils auraient commis envers leurs supérieurs; il faudra donc recourir, pour les punir des outrages, injures ou diffamations qu'ils auraient commis envers leurs supérieurs, aux dispositions du Code pénal ordinaire ou des lois de presse, à moins qu'on ne juge à propos de leur infliger une peine disciplinaire.

Voie de fait, par tout passager à bord d'un bâtiment de l'Etat, envers un officier de service. -«En dehors des cas prévus par les cinq articles précédents, tout passager à bord d'un bâtiment de l'État, coupable de voie de fait envers un officier de service, est puni de deux ans à cinq ans d'emprisonnement » (art. 303, $ 1er).

L'art. 303 a voulu punir d'une peine spéciale les simples passagers qui, n'appartenant ni au personnel marin, ni au personnel militaire, ni au personnel administratif du bord, n'ont pas de supérieur à bord, et qui auraient commis des voies de fait envers des officiers de service. Les peines du Code pénal ordinaire seront applicables à raison des voies de fait commises sur un officier hors de son service; mais il eût été contraire au principe d'autorité qui doit régner à bord de ne punir que des peines du droit commun les voies de fait commises envers un officier de service.

Nous ferons remarquer d'ailleurs que cette incrimination n'absorbe pas celle

de violences et voies de fait simples prévue et punie par le Code pénal ordinaire : il n'est pas douteux que si les voies de fait étaient accompagnées d'une des circonstances aggravantes déterminées par les art. 309, 310 et 311, § 2 de ce Code, ces articles ne fussent applicables, puisqu'il y aurait là un fait non prévu par la loi spéciale et laissé, en vertu de l'art. 364 de cette loi, à la répression des lois de droit commun.

Outrage, par tout passager à bord d'un bâtiment de l'État, envers un officier de service. En même temps que les voies de fait, l'art. 303 prévoit et punit l'outrage envers un officier de service par tout passager à bord d'un bâtiment de l'État. Aux termes du § 2 de cet article, «l'outrage est puni de l'emprisonnement de deux mois à deux ans ».

La catégorie des agents est ici la même que pour le § 1o du même article. Les motifs de l'incrimination sont les mêmes; enfin c'est aussi la loi pénale ordinaire qui est applicable lorsque l'outrage aura été commis hors le temps où l'officier est de service; il en faut dire autant si le fait a constitué, non un outrage, mais une injure ou une diffamation.

Rébellion envers la force armée et les agents de l'autorité, par tout marin tout militaire embarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État. L'art. 304 définit et punit la rébellion. Il importe de bien préciser la différence qui la distingue de la révolte. Cette différence est très-délicate: c'est au juge du fait à la découvrir dans l'intention des coupables, dans les circonstances du fait. Le caractère propre de la rébellion est l'attaque ou la résistance accompagnée de violences ou de voies de fait; cette circonstance matérielle est nécessaire pour constituer la rébellion au point de vue de la loi pénale maritime, car cette loi, ne la définissant pas, doit être présumée s'en être rapportée à la définition que le Code pénal ordinaire avait donnée de cette infraction.

La révolte, au contraire, ne suppose pas nécessairement les voies de fait ou la violence; elle peut se manifester autrement que par une attaque ou par une résistance avec violences et voies de fait: par exemple, par un refus d'obéissance, par une inertie passive, opposés aux ordres des chefs. Enfin et surtout, elle suppose toujours un plan concerté d'avance ou tout au moins une action commune vers un but commun, qui est le renversement de l'autorité des chefs, tandis que la rébellion est limitée à un acte que les rebelles veulent faire ou à un ordre auquel ils veulent résister.

Telles sont, dominées au surplus par les circonstances, les observations générales à l'aide desquelles le juge peut rechercher le véritable caractère du fait qu'il s'agit de juger. Mais il est certains cas où, à raison du seul nombre des prévenus, la loi fait passer la rébellion dans la classe des faits de révolte: alors la recherche des caractères spécifiques de l'infraction n'a plus d'objet.

Le texte de l'art. 304 a exprimé très-clairement l'économie de la répression en cette matière, et il suffit de le lire attentivement pour se rendre compte des distinctions établies par le législateur: « Tout marin, tout militaire embarqué, tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État, coupable de rébellion envers la force armée et les agents de l'autorité, est puni de la réduction de grade ou de classe; la peine est celle de l'inaptitude à l'avancement, si la rébel

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