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décret contient aussi les règles de la juridiction disciplinaire à l'égard des élèvės. Il importe de bien préciser le sens et la portée de ces dispositions.

Il résulte, des art. 76 à 79 du décret, que tous les délits correctionnels commis dans l'intérieur des lycées et des colléges par des élèves âgés de moins de seize ans, sont de la compétence exclusive de l'Université.

Nous avons déjà rapporté cette disposition parmi les lois pénales relatives à l'enfance. Elle n'est, au fond, que l'application des principes du Code pénal en matière de discernement; seulement, comme la loi trouve ici l'inculpé dans les meilleures conditions qu'elle puisse souhaiter pour son amendement, elle le laisse entre les mains de l'Université, à qui elle s'en remet entièrement.

L'art. 77 détermine la peine à infliger en ce cas aux élèves: c'est la détention, de trois jours à trois mois, dans un local de l'établissement à ce destiné. Cette peine, bien entendu, n'est pas nécessairement appliquée: le chef d'établissement, qui a en cette matière plénitude de juridiction, sous la surveillance de l'autorité supérieure, a incontestablement tous les droits du ministère public et d'un juge : il peut ne pas poursuivre; il peut acquitter, c'est-à-dire ne prononcer aucune peine, selon qu'il lui apparaîtra. Au surplus, lorsqu'il a prononcé, sa décision n'est soumise à aucun recours.

Comme tout privilége, cette disposition ne peut être étendue au-delà de ses termes. Ainsi, quel que soit l'âge de l'élève, si le fait, quoique commis à l'intérieur du lycée ou du collége, est un de ceux qualifiés crimes par la loi pénale, la juridiction ordinaire est seule compétente.

Il en sera de même si l'enfant a plus de seize ans.

Et de même encore, si le délit, quel que soit d'ailleurs l'âge de l'enfant, a été commis hors de l'enceinte du lycée ou du collège.

Enfin, par un respect absolu pour la volonté des parents ou tuteurs, si ceuxci s'opposent à ce que l'Université connaisse des délits commis par leurs enfants âgés de moins de seize ans, les tribunaux ordinaires en connaîtront (D. 15 nov. 1811, art. 78).

Il ne faut pas perdre de vue que la juridiction spéciale établie par le décret de 1811 n'appartient qu'aux lycées et aux colléges communaux, et que dans tous les autres établissements le droit commun garde son empire.

L'art. 77 du décret du 15 novembre 1811 a déterminé les peines de discipline applicables aux élèves des lycées et des colléges. Ces peines sont: 1° Un surcroît de travail; - 2o La privation de récréation; 3° La retenue ou privation de sortie; -4° La détention de trois jours à trois mois dans un local de l'intérieur du lycée ou du collége destiné à cet effet.

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Ces peines sont les seules qui puissent être appliquées aux élèves. Toute mesure arbitraire, tout acte de violence, exposeraient les maîtres qui s'en rendraient coupables à des peines disciplinaires, sans préjudice des poursuites criminelles si les faits constituaient des infractions pénales: car, ainsi que nous l'avons rappelé à l'article précédent, la juridiction disciplinaire de l'Université sur les membres du corps enseignant n'est pas un privilége, pas plus qu'elle ne l'est pour les autres fonctionnaires; pour les uns comme pour les autres, c'est un surcroît de répres

sion, que rendent indispensable les devoirs professionnels imposés aux fonctionnaires de tous ordres.

Ajoutons, pour compléter ce sujet, que la partie civile, lésée par des délits ou dégâts commis à l'extérieur par des élèves quel que soit leur âge, peut saisir la justice ordinaire de sa demande en dommages-intérêts, à moins qu'elle ne consente à s'en rapporter au jugement de l'autorité universitaire (D. 15 nov. 1811, art. 79 et 82). Dans ce cas, son action doit être dirigée contre le chef de l'établissement, qui a son recours contre les parents.

Formes spéciales à observer pour l'exercice de la police judiciaire dans les établissements de l'Université.-Nous devons placer, comme se rapportant aux deux précédents articles, la disposition de l'art. 57 du décret de 1811, relative à l'exercice de la police judiciaire dans l'intérieur des établissements universitaires. Hors le cas de flagrant délit, d'incendie ou de secours réclamés de l'intérieur des lycées ou collèges et autres écoles publiques appartenant à l'Université, aucun officier de justice ou de police ne peut s'y introduire pour constater un corps de délit, ou pour l'exécution d'un mandat de justice décerné contre des membres ou élèves de l'Université, s'il n'en a reçu l'autorisation spéciale et par écrit du ministère public (D. 1811, art. 57). Il faut remarquer que la prohibition est absolue et s'applique, d'une part, à l'exécution des mandats contre des professeurs ou des élèves, et d'autre part, à tout acte de police judiciaire à l'effet de constater un délit, même lorsqu'il ne s'agit ni d'un professeur ni d'un élève.

Cette immunité est acquise, non pas seulement aux lycées et aux colléges, mais à toutes les écoles publiques appartenant à l'Université, c'est-à-dire, administrées et dirigées par des fonctionnaires à sa nomination. Les Facultés, l'école normale supérieure, les écoles normales primaires, les écoles primaires publiques, et tous les établissements placés sous ce régime, jouissent du privilége de l'art. 57.

Cette disposition se justifie d'elle-même. Outre l'inconvénient qu'il y aurait à permettre qu'un maire ou un commissaire de police pût s'introduire à tout instant dans ces établissements pour y rechercher les preuves d'un délit, on ne pouvait admettre qu'il pût dépendre d'un agent de cet ordre de donner le caractère d'une poursuite judiciaire à des faits qu'une mesure de discipline suffirait peutêtre à réprimer. La loi prend donc une excellente précaution en subordonnant à l'autorisation du procureur impérial toute mesure de police judiciaire à exécuter dans l'intérieur d'un établissement universitaire. Ce magistrat, que ses attributions mettent en rapports suivis avec l'Université, est mieux que personne à même, tout en assurant les droits de la justice sur les coupables, de tempérer par des ménagements nécessaires la rigueur de certaines formes juridiques; il lui appartient d'ailleurs de rechercher, de concert avec le chef de l'établissement, si l'âge du coupable ou la nature du fait ne retient pas l'inculpé sous la compétence universitaire; enfin, même dans les cas où la justice répressive ordinaire serait compétente, il peut, en vertu des pouvoirs qui lui sont propres, s'abstenir de poursuivre, laissant au chef d'établissement le soin de punir disciplinairement le coupable. Discipline des directeurs et professeurs de l'enseignement supérieur. L'enseignement supérieur comprend celui des Facultés et des grands établissements publics tels que le Muséum, la Bibliothèque impériale, le Collège de France.

L'art. 76 de la loi du 15 mars 1850, dans ses trois derniers paragraphes, déclare les peines qu'il détermine applicables « aux professeurs » de l'enseignement supérieur, à l'exception de la mutation pour un emploi inférieur. Le retrait d'emploi ne peut être prononcé contre eux que sur l'avis du conseil supérieur. La révocation aura lieu dans les formes de l'art. 14, modifiées par le décret du 14 juillet 4863. Les dispositions de cet article sont, ainsi que nous venons de le voir, applicables aux professeurs de toutes les Facultés; malgré le silence de la loi, il est hors de doute que les directeurs y sont également soumis. En fait, d'ailleurs, la difficulté se présenterait bien rarement, car presque toujours la direction de ces grands établissements est confiée soit à un professeur soit à un conseil de professeurs.

Une ordonnance du 2 février 1823, portant règlement pour la nouvelle organisation de la Faculté de médecine de Paris, avait édicté contre les professeurs de cette école, et contre eux seuls, des incriminations spéciales. L'art. 30 de cette ordonnance disposait : « Tout professeur, tout agrégé, qui, dans ses discours, dans ses leçons ou dans ses actes, s'écarterait du respect dû à la religion, aux mœurs ou au Gouvernement, ou qui compromettrait son caractère ou l'honneur de la Faculté par une conduite notoirement scandaleuse, sera déféré par le doyen au conseil académique, qui, selon la nature des faits, provoquera sa suspension ou sa destitution, conformément aux statuts de l'Université. »

Il faut songer à l'époque où cette ordonnance fut promulguée, pour pouvoir comprendre le sens et la portée de cet article.

Il est incontestable qu'aucun professeur ne doit commettre des manquements tels que ceux définis dans ce texte: car les devoirs professionnels comprennent le respect des pouvoirs établis, et le respect de soi-même; ils sont d'ailleurs sanctionnés aujourd'hui par les dispositions de l'art. 76 de la loi du 25 mars 1850; ils l'étaient jusque-là par les peines de l'art. 47 du décret du 30 mars 1808. Ces peines n'avaient pas paru suffisantes au gouvernement de ce temps: on ne voulait pas d'une peine légère, parce que, dans le professeur inculpé, on voulait frapper l'école de Paris, dont la libre pensée s'est toujours refusée à reconnaître, en fait de science, d'autre autorité que la science. Si l'on se borne à prendre cette disposition en général, les incriminations qu'elle définissait semblent à l'abri de toute critique mais, si l'on y regarde de près, on voit que c'était tout simplement l'inquisition appliquée à la doctrine médicale, et, ce qui était plus triste encore, à la doctrine médicale d'une seule école. On sait ce qu'on entendait, en 1823, par le respect dû à la religion; on sait ce qu'on appelait scandale; et quand on pouvait incriminer de ce chef, non-seulement les discours ou les leçons d'un professeur, mais jusqu'à ses actes, tous ses actes sans exception, et quand on n'admettait d'autre peine disciplinaire que la suspension ou la révocation, on voit où tendait ce régime.

Au surplus, l'art. 30 de l'ordonnance de 1823, comme toute œuvre inspirée par une arrière-pensée, n'a pas produit les fruits qu'on en espérait. L'école de Paris, grâce à la généreuse fermeté de ses illustres professeurs, est demeurée ce qu'elle avait toujours été, un foyer inextinguible de lumières, et un modèle de dignité et d'indépendance scientifique, sans que jamais d'ailleurs on ait vu dans l'enseignement ou dans la conduite de ses maîtres autre chose qu'un respect pro

fond pour le Gouvernement, et l'abstention la plus absolue de toute allusion aux matières religieuses.

Aujourd'hui l'art. 30 de l'ordonnance de 1823 a subi le sort réservé aux mauvaises lois : il est abrogé et, chose digne de remarque, il se trouve que ceux qui l'ont abrogé sont ceux-là mêmes qui ont voté la loi sur l'enseignement.

L'art. 82 de cette loi dispose en effet: « Sont abrogées toutes les dispositions des lois, décrets ou ordonnances contraires à la présente loi. » D'autre part, l'art. 76, après avoir déterminé les peines qui peuvent, suivant les cas, être prononcées disciplinairement par le ministre contre les membres de l'instruction secondaire publique, ajoute, dans ses trois derniers paragraphes, que le ministre peut prononcer les mêmes peines, à l'exception de la mutation pour un emploi inférieur, contre les professeurs de l'enseignement supérieur; que le retrait d'emploi ne peut être prononcé contre eux que de l'avis du conseil supérieur; que la révocation aura lieu dans les formes de l'art. 14.

Cette disposition d'une loi plus récente, applicable à tous les professeurs de l'enseignement supérieur, comprend ceux de la Faculté de médecine de Paris et statue, par une disposition opposée à celle de l'art. 30 de l'ordonnance de 1823, sur l'objet qui avait été jusque-là régi par cet article de ces deux dispositions successives et contraires, la plus récente abroge l'autre; elle est d'ailleurs la plus douce, puisqu'elle permet d'appliquer de moindres peines, et c'est là encore une des circonstances d'où résulte l'abrogation d'une loi antérieure. L'art. 76 de la loi de 1850 a donc abrogé l'art. 30 de l'ordonnance de 1823, et dorénavant les professeurs de l'École de médecine de Paris sont soumis, comme tous les professeurs de Faculté, au droit commun résultant pour tous des dispositions de l'art. 76.

Discipline des élèves des établissements d'enseignement supérieur ou spécial. Les établissements d'enseignement supérieur ou spécial sont de plusieurs genres. Il en est, comme le Collège de France, qui n'exercent aucune mission universitaire, en ce sens qu'ils n'ont le droit de conférer aucun grade. D'autres, comme les Facultés, donnent un enseignement universitaire et confèrent des grades nécessaires soit pour les professions libres soit pour les fonctions publiques. Il est une autre classe d'établissements dépendants, tantôt de l'Université, tantôt des différents ministères, tels que l'École normale supérieure, l'École polytechnique, l'École militaire, l'École navale, qui constituent un véritable noviciat au sortir duquel, s'ils ont satisfait aux examens de sortie, les élèves sont nommés à des fonctions publiques.

Il y a ensuite des établissements, comme par exemple l'École centrale des arts et manufactures, où l'État, à la fin des études, délivre simplement un diplôme industriel tout à fait analogue aux diplômes universitaires, mais qui ne donne droit à aucun emploi.

Enfin viennent les écoles spéciales professionnelles, comme les écoles d'arts et métiers, de mineurs, de mousses, etc.

Chacun de ces établissements a sa discipline, relevant, soit du ministère de l'instruction publique, soit du ministère dont ils dépendent; elle est ordinairement établie par des règlements spéciaux.

En dehors de tous ces établissements, les séminaires, exclusivement soumis à la direction et à la surveillance des évêques, forment une classe tout à fait à part et dont nous n'avons pas à nous occuper.

Pour tout ce qui n'a pas été réglé par la loi du 15 mars 1850, le droit de discipline de l'Université dans les établissements qu'elle dirige elle-même prend sa source dans l'ordonnance du 5 juillet 1820 et dans l'art. 35 du statut du Conseil royal de l'instruction publique du 9 avril 1825, portant règlement général sur la discipline et la police intérieure des Facultés et écoles secondaires de médecine, statut qui a autorisé le Conseil royal de l'instruction publique à étendre à toutes les Facultés la disposition contenue dans l'art. 36 de l'ordonnance du 2 février 1823.

Car la loi du 15 mars 1850 a bien statué sur ce qui concerne les élèves des établissements d'instruction primaire; elle a également statué sur la discipline des professeurs de tout ordre y compris ceux de l'enseignement supérieur; mais elle ne dit rien en ce qui concerne la discipline des élèves de l'enseignement. supérieur.

Discipline des élèves des Facultés.-L'ordonnance du 5 juillet 1820 a organisé, avec le régime général des études de droit et de médecine, la discipline des élèves de ces Facultés.

Les art. 18, 19 et 20 de cette ordonnance ont organisé le pouvoir disciplinaire des conseils académiques et de la commission de l'instruction publique à l'égard des étudiants, et déterminé les peines disciplinaires qui peuvent être prononcées dans les cas prévus par ces articles.

Ces dispositions étaient communes aux Facultés de droit et de médecine de toute la France.

Vinrent ensuite une ordonnance du 2 février 1823, portant règlement pour l'École de médecine de Paris seulement, et un statut du Conseil royal de l'instruction publique, du 9 avril 1825, portant règlement général sur la discipline et la police intérieure des Facultés et écoles secondaires de médecine.

Enfin l'ordonnance du 2 février 1826 a autorisé le Conseil royal à étendre à toutes les Facultés l'application de l'art. 36 de l'ordonnance du 2 février 1823. L'ordonnance de 1820 contient, sur la discipline intérieure des Écoles de droit et de médecine, des dispositions communes à ces deux ordres d'études.

Elle contient en outre des incriminations disciplinaires d'une nature toute particulière, en ce qu'elles régissent la conduite privée ou publique des étudiants en dehors du temps où ils sont réunis dans les salles de cours ou d'examen.

On a, dans mainte occasion, protesté contre ce dernier ordre de dispositions : mais ces protestations sont évidemment entachées de politique, car elles se sont toujours produites dans des circonstances où les étudiants, après avoir trouvé bon de se mêler activement à la politique, et de s'en mêler en corps, souvent la carte au chapeau, trouvaient mauvais qu'on leur demandât compte de leur conduite. Quelque indulgence que méritent les entraînements de la jeunesse, et précisément à cause de cette indulgence, il n'est pas admissible que des enfants, que leurs parents envoient à Paris pour étudier et non pour faire de la politique, n'aient d'autre alternative, pour les diriger dans leur conduite, que l'impunité

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