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L'art. 46 du même décret attribue au chef de l'État le pouvoir de suspendre l'exercice des droits et prérogatives, ainsi que le traitement :

« Le chef de l'État peut suspendre, en tout ou en partie, l'exercice des droits et prérogatives, ainsi que le traitement attaché à la qualité de membre de la Légion d'honneur, et même exclure de la Légion, lorsque la nature du délit et la gravité de la peine prononcée correctionnellement paraissent rendre cette mesure nécessaire. »

Aux termes de l'art. 44:

« Les chefs militaires de terre et de mer rendent aux ministres de la guerre et de la marine un compte particulier de toutes les peines graves de discipline qui ont été infligées à des légionnaires sous leurs ordres. Ces ministres transmettent des copies de ce compte au grand chancelier. »>

D'après l'art. 3 du décret du 24 novembre 1852:

La condamnation à l'une des peines du boulet, des travaux publics et de l'emprisonnement emporte la suspension des droits et prérogatives ainsi que du traitement attachés à la qualité de membre de la Légion d'honneur, pendant la durée de la peine. »

Et l'art. 5 du même décret dispose:

<< Sur le vu de tout jugement définitif portant condamnation contre un membre de la Légion d'honneur à l'une des peines mentionnées à l'art. 3 du présent décret, le grand chancelier, après avoir pris l'avis du conseil de l'ordre, peut proposer au chef de l'État de suspendre le condamné, en tout ou en partie, des droits et prérogatives ainsi que du traitement attachés à la qualité de membre de la Légion d'honneur, et même de l'exclure de la Légion, conformément à l'art. 46 du décret du 16 mars 1852. Les mêmes décisions peuvent être prises, dans la même forme, par application de l'art. 62 de l'ordonnance du 26 mars 1816 contre tous officiers des armées de terre et de mer mis en retrait d'emploi pour inconduite habituelle ou faute contre l'honneur. »

Enfin l'art. 6 rend ces dispositions applicables à la médaille militaire :

« Les dispositions de l'art. 6 du décret du 16 mars dernier sur l'ordre de la Légion d'honneur, ainsi que le présent décret, sont applicables aux décorés de la médaille militaire. En cas de condamnation emportant la dégradation d'un décoré de la médaille militaire, le président de la cour ou du conseil de guerre prononce immédiatement, après la lecture du jugement, la formule suivante :

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« Vous avez manqué à l'honneur: je déclare que vous cessez d'être décoré de la « médaille militaire. >>

Ainsi que nous l'avons annoncé dans l'article précédent, nous donnons ici la date des décrets qui, pour chacune des médailles créées par la France en commémoration soit des campagnes du premier Empire soit de celles du second, sont venues successivement déclarer applicables aux titulaires de ces médailles les dispositions disciplinaires du titre vi du décret du 16 mars 1852 et celles du décret du 24 novembre suivant.

La médaille dite de Sainte-Hélène, créée pour tous les militaires de l'armée de terre et de mer qui ont combattu sous les drapeaux de la France de 1792 à 1815, a été instituée par le décret du 18 août 1857. Et le décret qui a soumis les titu

laires de cette médaille et ceux des médailles commémoratives des campagnes de la Crimée et de la Baltique à la discipline de la Légion d'honneur, est du 28 février 1858.

Le 24 octobre 1859, un décret analogue a appliqué cette même discipline aux titulaires de la médaille d'Italie; le 25 mars 1861, un décret a disposé de même pour la médaille de Chine; le 3 mars 1868, un décret a disposé également pour la croix du Saint-Père.

«La suspension des droits et prérogatives attachés à la qualité de membre de la Légion d'honneur ou de décoré de la médaille militaire emporte la suspension de l'autorisation de porter les insignes d'un ordre étranger quelconque. -- La privation des mêmes droits emporte également le retrait définitif de l'autorisation de porter les insignes d'un ordre étranger. » (Art. 7, ib.)

Nous avons rapporté plus haut cette disposition, ainsi que celle de l'art. 9, qu'il n'est pas inutile de rapporter ici:

<< Tout individu qui aura encouru la suspension ou la privation des droits et prérogatives attachés à la qualité de membre de la Légion d'honneur ou de décoré de la médaille militaire, et qui en portera les insignes ou ceux d'un ordre étranger, sera poursuivi et puni conformément à l'art. 259 du Code pénal. »

Pour ce qui concerne la cassation d'un chevalier de la Légion d'honneur sousofficier en activité, et le renvoi d'un soldat ou d'un marin chevalier de la Légion d'honneur, elle ne peut avoir lieu que d'après l'autorisation des ministres de la guerre et de la marine. (Art. 45, ib.)

Ajoutons qu'aux termes du décret du 4 juin 1858 la haute-cour de justice est seule compétente pour connaître des crimes et délits commis par des grands-croix de la Légion d'honneur.

Bruits et tapages.

Nous avons vu, dans les dispositions qui précèdent, la loi pénale pourvoir à l'ordre public dans son élément même, qui est la personne du citoyen. La première condition pour que l'ordre public puisse se maintenir, c'est en effet que la personne soit toujours là, en présence de la loi, pour répondre des actes de l'homme; et pour que cette relation soit maintenue, il ne faut pas que le changement de lieu, de nom, de qualité, puisse jamais rompre le lien qui unit l'homme à sa personne sociale.

Voilà un premier point assuré par les incriminations que nous venons d'examiner. La loi pénale se trouve maintenant en présence d'un nouvel ordre de faits qu'il lui faut régler dans une certaine mesure parce que, bien qu'ils ne soient par eux-mêmes ni bons ni mauvais et qu'ils ne soient que l'exercice de la liberté naturelle, ils peuvent devenir, à cause de la force d'action qu'ils donnent à l'homme, un instrument de mal.

Le principe de ces incriminations a le plus grand rapport, comme on voit, avec celui des lois sur la pensée qui ont fait l'objet du livre précédent : la législation et la doctrine les ont même placées dans ce qu'on appelle les lois de presse; nous avons expliqué, assez pour qu'il soit inutile d'y revenir, les raisons qui nous ont empêché d'adopter le terme de « lois de presse » comme représentant une classe d'incriminations homogènes; nous dirons seulement ici qu'entre les lois sur la pensée et celles que nous allons examiner tout à l'heure, s'il y a le rapport

que nous venons de signaler, il y a cette différence qu'au lieu de pensées ce sont des actes que la loi pénale va régir.

La place de l'ordre est partout, et quelque légère que soit l'incrimination qui fait l'objet de l'art. 479, 8°, du Code pénal, elle ne doit pas être dédaignée, puisqu'elle a pour but, notamment, de protéger le sommeil, qui est un des grands biens de la vie.

L'art. 479 punit d'une amende de 11 fr. à 15 fr., et l'art. 482, d'un emprisonnement de cinq jours en cas de récidive, « les auteurs ou complices de bruits. ou tapages injurieux ou nocturnes troublant de tranquillité des habitants ».

Il ressort de ce texte deux incriminations distinctes d'abord le tapage injurieux, ou, en termes usuels, le charivari; puis le tapage nocturne. D'après les termes de la loi, l'un ou l'autre de ces faits doit, pour être punissable, avoir troublé la tranquillité des habitants: il faut que cet effet ait été réellement produit, et il ne suffirait pas que le tapage ou injurieux ou nocturne fût de nature à troubler la tranquillité, si dans le fait il ne l'avait pas troublée. Ainsi le charivari le plus effroyable, s'il est donné à un homme complétement sourd et qui ne s'en sera même pas aperçu, n'aura nullement troublé sa tranquillité, et s'il est punissable, ce sera parce que des voisins en auront entendu le bruit.

On peut en dire autant du bruit nocturne; et si la Cour de cassation a décidé que tout tapage injurieux ou nocturne trouble par cela même la tranquillité publique, elle a constaté un résultat à peu près constant en fait, sans que toutefois le principe même de l'incrimination en ait été atteint par cela.

De la police des lieux publics. - Les lois du 24 août 1790 et du 23 juillet 1791, qui ont organisé la police municipale et la police rurale, ont investi les maires du droit de soumettre tous les lieux publics, quels qu'ils soient, à des mesures d'ordre et de surveillance. Le principe de la liberté de l'industrie, proclamé par la loi du 17 mars 1791, ne saurait faire obstacle à ce droit, puisque la liberté sans l'ordre n'existe pas.

Parmi les établissements qui appellent une surveillance spéciale, les auberges et les cabarets figurent au premier rang. Nous avons exposé plus haut les mesures spéciales aux voyageurs qui logent dans les auberges; nous aurons à rappeler ce qui concerne la police de ces établissements pris en eux-mêmes. En ce qui touche les cabarets et les cafés, nous exposerons à la fois les dispositions de police locale et celles de police générale auxquelles ils sont soumis. Enfin nous nous occuperons de la police des réunions en général.

Police des hôtelleries, hôtels, auberges, garnis et maisons meublées.-La profession d'hôtelier était autrefois doublement réglementée comme profession dangereuse entre les mains d'un malhonnête homme, on la soumettait à une autorisation; et comme profession utile, indispensable au service du public, on ne permettait de l'abandonner qu'un an après avoir déclaré l'intention de le faire. Nous avons vu que la même chose existait et existe peut-être encore pour les boulangers et pour les bouchers: nous ne reviendrons pas sur les observations que nous avons faites au sujet de ces vieux règlements et de tant d'autres analogues; mais pour ce qui est des hôteliers, il est certain que leur profession est libre et qu'ils peuvent l'abandonner quand bon leur semble.

Mais la nature de cette industrie ne dispense pas ceux qui l'exercent des obligations imposées à tous les citoyens par les lois générales ou spéciales; et par la même raison qui fait qu'un hôtelier paye l'impôt direct ou indirect, il est tenu de se procurer une licence de la régie pour débiter le vin et les liqueurs qu'il fournit aux personnes logées chez lui.

De même il devra se soumettre à tous les arrêtés de police et de sûreté pris par l'autorité municipale. Il faut cependant observer que ces arrêtés, comme tous les actes de ce genre, ont une limite fixée par la nature même des choses; de sorte qu'un maire ne pourrait, par exemple, interdire aux aubergistes de recevoir des voyageurs au delà d'une certaine heure de la nuit: car ce serait par là ôter aux aubergistes une grande partie de l'exercice utile de leur profession. Mais pour tout ce qui ne sort pas des limites de leurs attributions de police, les maires ont un pouvoir à peu près discrétionnaire. Au premier rang de leurs droits, il faut mettre celui d'interdire tout ce qui pourrait avoir pour effet de donner à une auberge une destination autre que celle qui lui est propre, et de la transformer, soit en un de ces lieux de réunion pour lesquels une autorisation spéciale est nécessaire, soit en quelque espèce de réunion interdite.

Enfin il ne faut pas perdre de vue que, dans le fait, la plupart des auberges, surtout dans les campagnes, sont en même temps des cabarets et que dès lors, à ce dernier titre, elles sont soumises à toutes les mesures de police qui régissent les cabarets.

Contravention, par un hôtelier ou aubergiste, aux règlements de police spéciaux à sa profession. En cas de contravention aux règlements de police spéciaux à leur profession, les hôteliers ou aubergistes sont passibles des peines de l'art. 471, 15°, du Code pénal, comme ayant contrevenu aux règlements légalement faits par l'autorité administrative ou aux règlements ou arrêtés publiés par l'autorité municipale en vertu des lois de 1790 et 1791.

Il faut d'ailleurs remarquer que s'il s'agit d'une contravention pour défaut d'éclairage, le § 3 du même art. 471 l'incrimine spécialement à l'encontre des aubergistes.

De la responsabilité des aubergistes à raison des crimes ou délits commis par des individus dont ils n'auraient pas inscrit le nom sur leur registre de police. L'art. 73 du Code pénal porte, contre les aubergistes et hôteliers, une disposition dont le but est de sanctionner l'obligation qui leur est imposée par l'art. 475, 2°, du même Code: l'art. 75 dispose: « Les aubergistes et hôteliers convaincus d'avoir logé, plus de vingt-quatre heures, quelqu'un qui pendant son séjour aurait commis un crime ou un délit, seront civilement responsables des restitutions, des indemnités et des frais adjugés à ceux à qui ce crime ou ce délit aurait causé quelque dommage, faute par eux d'avoir inscrit sur leur registre le nom, la profession et le domicile du coupable; sans préjudice de leur responsabilité dans le cas des articles 1952 et 1853 du Code civil. >>

« Cette disposition », observe avec raison le savant auteur du Répertoire du droit criminel, « est exorbitante, n'ayant d'autre base qu'une simple omission, qui n'a pas facilité le crime ou délit, qui est punie comme contravention, et dont on pourrait tout au plus élever la peine pour les cas graves, »

Il faut, au surplus, pour que la responsabilité soit encourue, que le coupable ait logé dans l'hôtel ou dans l'auberge plus de vingt-quatre heures, et que le crime ou le délit ait été commis pendant le séjour; enfin la responsabilité n'est encourue que si l'inscription prescrite par l'art. 475 du Code pénal n'a pas été faite.

Cette responsabilité quasi pénale se distingue complétement de la responsabilité civile imposée aux hôteliers par les art. 1952, 1953 et 1954 du Code Napoléon, ainsi conçus: Art. 1952. « Les aubergistes ou hôteliers sont responsables, comme dépositaires, des effets apportés par le voyageur qui loge chez eux; le dépôt de ces sortes d'effets doit être regardé comme un dépôt nécessaire. » — Art. 1953. << Ils sont responsables du vol ou du dommage des effets du voyageur, soit que le vol ait été fait ou que le dommage ait été causé par les domestiques et préposés de l'hôtellerie, ou par des étrangers allant et venant dans l'hôtellerie. » — Art. 1954. « Ils ne sont pas responsables des vols faits avec force armée ou autre force majeure. »

On voit qu'il ne s'agit ici que des vols ou dommages commis au préjudice des voyageurs.

Ouverture d'un débit de boissons sans autorisation. Les cafés, cabarets et débits de boissons à consommer sur place sont soumis à trois ordres de dispositions.

L'art. 50 de la loi du 28 avril 1816 ne permet de faire le commerce des boissons qu'après une déclaration au bureau de la régie : c'est là une prescription purement fiscale, dont l'omission est punie par des amendes fiscales, et qui ne peut être constatée ni poursuivie que par les agents de la régie.

Les débits de boissons, au point de vue la police locale, sont soumis aux arrêtés de l'autorité municipale pris en vertu des lois de 1790 et de 1791, et la contravention à ces arrêtés est punie par le § 15° de l'art. 471 du Code pénal.

Enfin une loi spéciale, dérogeant au principe de la liberté de l'industrie, a subordonné l'exercice de la profession de limonadier, cabaretier ou débitant de boissons, à l'autorisation administrative. L'art. 1er du décret du 29 décembre 1851 dispose: «< Aucun café, cabaret ou autre débit de boissons à consommer sur place, ne pourra être ouvert, à l'avenir, sans la permission préalable de l'autorité administrative. >>

En cas de contravention, la peine, aux termes de l'art. 3 du décret, est d'une amende de 25 fr. à 500 fr. et d'un emprisonnement de six jours à six mois. L'établissement sera fermé immédiatement.

L'art. 2 de ce décret donne au préfet le droit de fermer, par arrêté, les débits dont les gérants auraient été condamnés pour contraventions aux lois et règlements qui régissent cette profession, ou les établissements dont le maintien paraîtrait présenter quelques dangers pour la sûreté publique.

Les cabaretiers, qui sont aujourd'hui pleins de respect et de déférence pour l'autorité, n'étaient pas aussi méritants en 1848. On avait fait des cabarets des foyers d'excitation. Des bienfaiteurs inconnus, et qui se gardaient bien de se faire connaître, avaient établi un peu partout une véritable caisse de l'ivro

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