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fondie de leurs divers degrés de malléabilité; il exige d'ailleurs, pour la gravure et pour l'application des coins, un très-haut degré d'avancement dans l'art et dans la mécanique. On peut imaginer, à la rigueur, que les marques au fer chaud, ou celles qu'on frappait sur certains objets, aient pu donner l'idée de graver des fers plus compliqués, et que pour réduire autant que possible la surface occupée par les inscriptions, on ait, comme on le faisait déjà pour les médaillons fondus, disposé les exergues autour de la figure ou du signe : mais il resterait encore à expliquer toute la partie technique de la fabrication, à laquelle on ne trouve aucun antécédent dans les autres procédés.

Il est donc très-probable que l'art de frapper les médailles a été inventé par un seul homme, car les diverses opérations dont il se compose ne peuvent avoir été conçues que comme des parties liées d'un même ensemble. En effet le balancier ne peut servir absolument qu'à frapper des monnaies, et la matrice gravée en creux ne peut servir à rien si elle n'est pas pressée par le balancier.

Quoi qu'il en soit, la numismatique est une des sources les plus sûres et les plus fécondes de l'histoire; et si, au point où est parvenue l'imprimerie, la médaille ne peut plus rivaliser avec le livre, la médaille est encore comme autrefois un monument, et un monument qui, répandu par milliers d'exemplaires dans les musées et dans les cabinets, va éterniser en cent lieux du monde le souvenir des grands événements de l'histoire et la mémoire des hommes illustres.

Sous un autre rapport, et considérée comme moyen de propagation d'une idée, la médaille se rapproche assez de l'imprimé ou de la gravure pour qu'elle ait été rangée, dans le texte de l'art. 1er de la loi du 17 mai 1819, parmi les moyens de publication dont l'usage constitue la publicité, qui est un des éléments des délits de presse prévus par cette loi.

Tels sont les motifs principaux qui ont déterminé le législateur à soumettre la fabrication des médailles à un régime tout à fait exceptionnel. La loi réserve à l'État le monopole de la frappe, et laisse à toute personne le droit de dessiner et de graver des coins (Arrêté du 5 germinal an xã, art. 1er et 2). « Les particuliers qui feront frapper des médailles ou jetons et pièces de plaisir seront au surplus assujettis aux lois et règlements de police qui concernent les arts et l'imprimerie. » (Art. 4, id.)

Telle est l'économie fort simple de cette loi, en ce qui concerne la fabrication des médailles.

En regard de ces dispositions il faut mettre les lois de presse qui, depuis celle du 17 mai 1819, ont constamment rangé, comme nous l'avons dit plus haut, les médailles parmi les moyens de publicité « par la voie de la presse ». Les textes que nous avons rapportés aux titres de la distribution et du colportage s'appliquent, ainsi que les observations dont nous les avons accompagnés, aussi bien aux médailles qu'aux autres moyens de publication spécifiés par ces mêmes textes nous nous bornerons donc à y renvoyer le lecteur.

Depuis le temps où cette loi a été portée, la galvanoplastie, sœur de la photographie, est venue mettre à la disposition des hommes un moyen de reproduire indéfiniment des moules de tous les objets possibles, et notamment des médailles, qu'il permet d'imiter avec la plus rigoureuse exactitude. Le Gouvernement ne pa

raît pas s'être préoccupé jusqu'ici de réglementer la galvanoplastie en elle-même: il a considéré sans doute, comme pour la photographie, que les lois de presse ayant application sur les délits qui pourraient résulter du sens ou de la signification des textes ou des images produits par ces nouveaux procédés, l'usage de ces procédés en eux-mêmes pouvait être laissé libre. D'ailleurs, quelque merveilleux qu'ils soient, ces deux moyens de reproduire des images et même des textes écrits ou gravés sont loin de comporter la prodigieuse rapidité de reproduction que la presse met à la disposition de l'homme. Pour la photographie, chaque épreuve exige une série très-longue de manipulations, où le travail direct de l'homme n'a pu jusqu'ici être suppléé par aucun moyen mécanique; et quant à la galvanoplastie, ou bien il faut une opération séparée pour chaque épreuve en relief, ou bien on n'obtient qu'un moule, et alors on se retrouve, lorsqu'il s'agit d'en tirer des épreuves, dans les conditions du moulage ordinaire, procédé dont l'emploi n'a jamais été reglementé.

Nous allons maintenant exposer les incriminations résultant de l'arrêté du 5 germinal an XII.

Fabrication de médailles sans autorisation. — L'art. 1er de l'arrêté du 5 germinal an XII dispose : « Il est expressément défendu à toutes personnes, quelles que soient les professions qu'elles exercent, de frapper ou faire frapper des médailles, jetons ou pièces de plaisir d'or, d'argent ou d'autres métaux, ailleurs que dans les ateliers destinés à cet effet dans les galeries du Louvre à Paris, à moins d'être munies d'une autorisation spéciale du Gouvernement. >>

« Néanmoins », ajoute l'art. 2 du même arrêté, « tout dessinateur ou graveur, ou autre individu, pourra dessiner, graver, faire dessiner ou graver des médailles, et elles seront frappées avec le coin qu'ils remettront à la Monnaie des médailles. Les frais de fabrication seront réglés par le ministre de l'intérieur. »

L'art. 3 prononce, en cas de contravention, une amende de 1,000 fr. « et au double en cas de récidive ». Ici le législateur ne détermine aucun délai pour la réitération du même fait. Il en faut donc conclure que toute condamnation antérieure, quelle qu'en soit l'époque, entraînera une condamnation à une amende de 2,000 fr.

La loi ne fixe ni maximum ni minimum; et comme, d'un autre côté, l'art. 463 du Code pénal n'est pas applicable, puisque ce code n'existait même pas au moment où l'arrêté fut promulgué, il en résulte que l'amende de 1,000 fr. ne pourra, dans aucun cas, être modérée, non plus que celle de 2,000 fr. en cas de récidive.

Défaut de dépôt de deux exemplaires, en bronze, de toute médaille frappée. - Le § 2 de l'art. 2 de l'arrêté du 5 germinal an xi prescrit le dépôt de deux exemplaires en bronze à la Monnaie du Louvre et de deux à la Bibliothèque impériale.

En cas de contravention, la peine est, aux termes de l'art. 3 de l'arrêté, d'une amende de 1,000 fr., qui est portée à 2,000 fr. en cas de récidive.

Distribution et vente de médailles sans autorisation. — L'art. 22 du décret du 17 février 1852 a défendu la vente, la distribution et l'exposition de médailles sans une autorisation du ministre de l'intérieur à Paris et des préfets dans les

départements. Nous prions le lecteur de se reporter au titre de la distribution et du colportage, où nous avons exposé ces dispositions.

Délits de presse commis par le moyen de médailles distribuées, exposées ou mises en vente. Ainsi que nous l'avons dit au commencement de la présente section, les médailles sont rangées, par l'art. 1er de la loi du 17 mai 1819, parmi les moyens de publicité qui caractérisent les délits de presse. Nous n'avons donc qu'à nous en référer aux articles relatifs à chacun des délits de ce genre dont les médailles ont pu constituer le mode de perpétration.

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De la télégraphie. De tout temps l'homme a usé de signaux pour transmettre à distance l'expression de sa pensée. Les feux allumés sur les montagnes, le pavillon flottant au bout d'un mât, un mouchoir qu'on agite de loin, sont autant de signes télégraphiques aussi naturels à l'homme que la parole même. Mais l'utilité de ces signes ne pouvait s'étendre bien loin, tant qu'on n'en avait pas fait un moyen de traduire complétement le discours avec toutes ses parties, et c'est l'honneur des frères Chappe d'avoir imaginé l'ingénieux vocabulaire et l'appareil si simple du télégraphe aérien.

Malgré les obstacles que la nuit et les brumes opposaient à la transmission régulière des signaux, le télégraphe aérien a rendu à la société d'immenses services. Pour la première fois, en 1790, l'homme se voyait révéler un nouveau moyen de propager sa pensée à des distances indéfinies et dans l'espace de quelques minutes.

Si la télégraphie avait été laissée alors à la libre exploitation de l'industrie privée, il est difficile de ne pas penser que le cours des événements eût été sensiblement modifié par suite des nouveaux rapports établis entre les hommes. Supposez, à la veille d'une grande crise politique et sociale, un peuple qui ne connaisse pas la poste aux lettres: qu'il vienne à s'emparer tout d'un coup de ce moyen de communication et qu'il en tire aussitôt toutes les ressources que nous en tirons actuellement sans aucun doute, la destinée de ce peuple prendra un autre cours.

Dans nos vieilles civilisations de l'Europe, nous ne pouvons pas très-bien nous rendre compte de la puissance de ces grandes inventions faites pour bouleverser le monde. Notre machine sociale est constituée de telle façon et équilibrée avec tant d'art et de sagesse, que toute modification dans les rouages ou dans le moteur devient une affaire d'État. Il faut de toute nécessité que le Gouvernement intervienne pour ménager des transitions qui, si on les laissait se faire toutes seules, deviendraient autant de révolutions. On a souvent comparé l'État à un vaisseau, et c'est une comparaison aussi juste qu'elle est belle : on pourrait,

je crois, avec non moins de justesse, comparer les grandes inventions dont nous parlons à des embarcations qui viennent tour à tour, dans le cours du voyage, accoster le vaisseau: on les tient d'abord, comme on dit, à longueur de gaffe; on les examine, on les fait raisonner, et on finit par les recevoir à bord.

Chez les peuples qu'on honore du titre de « pratiques », les choses se passent autrement: il n'y a pas de « vaisseau de l'État », et chacun navigue pour son propre compte, à ses risques et périls, - et aux risques et périls de ceux qui peuvent se trouver sur sa route.

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Aux époques de troubles, où les ressorts de l'organisation politique perdent leur puissance, on peut avoir une idée de l'action que peuvent exercer sur le corps social les forces jusque-là tenues en bride et que la révolution vient de mettre en liberté la presse, avec ses débordements périodiques à la suite de chacune de nos révolutions, en est un exemple assez frappant. La télégraphie, par l'étendue et la rapidité de son action, serait aussi devenue sans doute, entre les mains des révolutionnaires de 1793, un instrument terrible, s'ils s'étaient trouvés dans la position d'insurgés luttant contre un gouvernement établi : mais ils étaient euxmêmes le Gouvernement, et le gouvernement le plus redouté qui ait jamais dominé sur la France; ils prirent donc le télégraphe, ils le gardèrent et ils le transmirent aux gouvernements qui se succédèrent après eux, sans que personne parût voir dans la télégraphie autre chose qu'une sorte de langage des dieux, réservé pour les maîtres de la terre.

Cependant l'invention des frères Chappe ne pouvait demeurer stérile. Du haut des tours où ses grands bras s'agitaient en signes mystérieux, le télégraphe n'envoyait pas seulement à l'horizon les messages et les secrets d'État : il faisait rêver

penseur, le savant, l'économiste, l'industriel; et plus d'une âme tendre, en songeant à cette pensée qui volait de cime en cime jusqu'aux extrémités de l'Europe, se demandait s'il ne viendrait pas un jour où le cœur de l'homme aurait aussi des ailes.

Plusieurs applications de l'idée-mère de cette grande invention furent tentées avec succès, notamment pour les signaux à la mer et sur les côtes on put créer bientôt une véritable langue nautique. Plus tard, Sudre inventa, sous le nom de « téléphonie », une télégraphie à l'aide des sons, à l'imitation des diverses sonneries et batteries qui, dans l'armée, servent à transmettre certains commande

ments.

Cependant, jusqu'à la révolution de 1830, le public ne parut pas comprendre l'importance que pourrait prendre la télégraphie si on l'employait dans les transactions particulières. L'appareil de construction, d'établissement et de personnel nécessaire pour l'installation d'une ligne télégraphique aérienne semblait défier toute entreprise privée. D'ailleurs, bien qu'aucune loi n'interdit ce mode de correspondance, on était depuis quarante ans tellement habitué à voir le Gouvernement s'en réserver le monopole, que l'idée n'était venue à qui que ce soit de lui faire concurrence.

Enfin, après la révolution de 1830, on s'avisa d'y penser, et des compagnies régulières se constituèrent hardiment, notamment de Paris à Rouen. En même temps s'organisaient des compagnies clandestines, dont la clandestinité même

présentait un véritable danger, puisqu'elles pouvaient devenir, entre les mains des hommes de désordre, un moyen redoutable d'égaler l'unité de l'attaque à l'unité de la défense. Le Gouvernement s'émut, poursuivit, et les inculpés durent être relaxés faute de disposition pénale dans la loi.

Dans la séance du 7 janvier 1837, un projet de loi fut présenté par le ministre de l'intérieur. L'exposé des motifs, s'inspirant des dangers que pouvait entraîner pour l'ordre public la libre transmission des signaux télégraphiques, demandait aux Chambres d'interdire toute transmission de ces signaux sans autorisation. C'est dans ce sens que fut votée la loi du 2 mai 1837, dont l'article unique était ainsi conçu:

« Quiconque transmettra, sans autorisation, des signaux d'un lieu à un autre, soit à l'aide de machines télégraphiques, soit par tout autre moyen, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 1,000 fr. à 10,000 fr. L'art. 463 du Code pénal est applicable aux dispositions de la présente loi. —Le tribunal ordonnera la destruction des postes, des machines ou moyens de transmission. >>

Telle était l'unique disposition pénale qui régît la matière, lorsque la télégraphie électrique, qui est à la télégraphie aérienne ce que l'imprimerie est à l'écriture, vint appeler la sollicitude du Gouvernement sur un moyen de transmission qui, avec tous les dangers de l'ancienne télégraphie, présentait cet autre danger de se trouver, par suite des nécessités de construction des appareils, à la merci de la malveillance ou de l'hostilité du premier venu.

C'est alors que fut promulgué le décret du 27 décembre 1851 sur les lignes télégraphiques.

Ce décret, quoiqu'il ne l'exprime pas formellement, abroge la loi du 2 mai 1837. Il pose d'abord en principe qu'aucune ligne télégraphique ne peut être établie ou employée à la transmission des correspondances que par le Gouvernement ou avec son autorisation. (Art. 1o, § 1o.)

Réservant d'ailleurs au Gouvernement le droit de maintenir des lignes de télégraphie aérienne, et statuant par avance sur les expropriations que pourrait nécessiter le service de ces lignes (art. 9), le décret ne spécifie dans ses dispositions aucun système déterminé de correspondance télégraphique; et si certaines incriminations sont exclusivement applicables au télégraphe électrique, d'autres concernent la télégraphie aérienne, et toutes les dispositions générales sont applicables à tous les systèmes de transmission quels qu'ils puissent être. Par ses art. 6, 7, 10 et 11, la loi pourvoit à la recherche et à la poursuite des contraventions. L'art. 12 donne à l'administration le droit de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour réparer les dommages causés aux appareils, et lui donne pouvoir de poursuivre administrativement le recouvrement des frais qu'entraînera l'exécution de ces mesures : il est alors procédé comme en matière de grande voirie.

L'art. 463 du Code pénal est applicable aux condamnations prononcées (art. 13). Enfin l'art. 14 applique à cette matière le principe de l'art. 365 du Code d'instruction criminelle.

Il est à remarquer que, malgré la facilité qu'il y aurait à dégrader des appareils

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