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En dehors de ces procédés il ne reste que les presses de petite dimension, qui sont, comme nous l'avons vu plus haut, l'objet des dispositions spéciales de l'art. 2 du décret du 22 mars 1852. Comme les grandes presses, ces appareils ne peuvent être ni possédés ni mis en usage sans la permission du Gouvernement : toute la différence est que cette permission est gratuite, et s'appelle « autorisation ».

Les garanties essentielles que la loi a voulu prendre contre l'abus des grandes presses se retrouvent donc, sous un autre nom et sous une autre forme, dans la législation spéciale aux presses de petite dimension; mais la différence importante entre ces deux régimes, c'est que le nombre des brevets d'imprimeur est limité, tandis que celui des autorisations pour les petites presses ne l'est pas.

L'art. 13 de la loi du 21 octobre 1814 édicte la peine contre les possesseurs ou dépositaires d'imprimeries clandestines : « Les imprimeries clandestines seront détruites, et les possesseurs et dépositaires punis d'une amende de 10,000 fr. et d'un emprisonnement de six mois. »

La loi n'a pas prévu le cas où, par suite du décès d'un imprimeur, il ne se trouverait plus, jusqu'à ce que le brevet fût transféré à un autre titulaire, personne ayant qualité pour gérer l'imprimerie. Si l'on avait suivi la lettre de la loi, il aurait fallu que l'imprimerie suspendît tout travail jusqu'à ce qu'un nouveau titulaire du brevet fût nommé.

Mais on a considéré que la rigueur de la loi devait fléchir devant une circonstance de force majeure, et on a reculé devant les conséquences désastreuses qu'entraînerait pour les intéressés la suspension subite des travaux d'une imprimerie. Le Gouvernement ne pouvait pas faire moins, puisque la propriété des brevets se vend et s'achète, non pas directement, mais tout aussi réellement que la propriété des offices: et suspendre ainsi sur tout établissement la ruine comme une conséquence invariable de la mort de chaque titulaire, c'était rendre par trop précaire une industrie déjà si difficile à gérer. C'est ce qu'a reconnu la circulaire du ministre de l'intérieur, du 16 juin 1830, qui autorise les héritiers d'un imprimeur à gérer l'établissement, à condition d'en donner immédiatement avis au préfet, qui veillera à ce qu'un nouveau titulaire soit nommé.

Défaut d'enseigne à la porte d'une imprimerie.—L'art. 7, § 1o, de la déclaration du 10 mai 1728, concernant les imprimeurs, dispose : « Défendons aux imprimeurs de faire travailler ailleurs que dans les maisons où ils demeurent, ou dans celles à la porte desquelles sera posée une enseigne publique d'imprimerie. » La peine de l'infraction est, aux termes du § 2 du même article, d'une interdiction pendant six mois « et de 500 livres d'amende, qui ne pourra être remise ni modérée, même de déchéance de la maîtrise ».

Malgré l'ancienneté de sa date, cette déclaration est encore en vigueur, comme n'ayant pas été rapportée par une disposition postérieure; car elle n'est pas en opposition avec le principe de la liberté de l'industrie, établi par l'art. 7 de la loi du 2 mars 1791 · elle n'est qu'un ensemble de mesures de police parfaitement compatibles avec ce principe, même dans les cas où il a été maintenu. Or, en ce qui concerne l'imprimere, le principe a été abandonné, ce qui est une raison de plus de décider.

Mais la non-abrogation d'une loi ne peut dans aucun cas avoir pour effet de

faire revivre ce qui n'est plus; et depuis que les maîtrises ont été abolies par la même loi de 1791, la peine de la déchéance de la maîtrise, édictée par l'art. 7 de la déclaration du 10 mai 1728, n'est plus réalisable. D'un autre côté, on ne peut pas, par une analogie que repoussent les principes de l'incrimination pénale, assimiler le retrait du brevet à la déchéance de la maîtrise, et prétendre que la première de ces peines doit être appliquée aujourd'hui comme ayant remplacé la seconde: car les lois de 1810 et de 1814, en établissant le brevet et en édictant la peine du retrait de ce brevet contre les imprimeurs condamnés pour contravention aux lois et règlements, ont établi un régime nouveau, sans lien avec la législation antérieure sur l'imprimerie, et séparé de cette législation par le régime de liberté absolue proclamé par le législateur de 1791.

Au surplus l'intérêt de cette observation est purement spéculatif et ne porte que sur la détermination du texte à appliquer, puisque dans la pratique, en vertu des dispositions de l'art. 12 de la loi du 21 octobre 1814, le retrait du brevet, qui équivaut pour l'imprimeur à ce qu'était en 1728 la déchéance de la maîtrise, pourra incontestablement devenir la conséquence d'une condamnation pour contravention à la déclaration de 1728 comme à toute autre disposition.

Toutes les observations ci-dessus sont applicables aux autres contraventions incriminées par la même déclaration : nous ne les reproduirons donc pas dans l'exposé des deux incriminations ci-après.

Fermeture de la porte d'une imprimerie, pendant les heures de travail, autrement que par un simple loquet. Le § 1er de l'art. 7 de la même déclaration, dans sa seconde partie, dispose en outre que « la porte de leur imprimerie ne sera fermée pendant le temps de leur travail que par un simple loquet ».

Les peines sont les mêmes que pour la contravention précédente, sauf les observations que nous avons présentées, et auxquelles nous prions le lecteur de vouloir bien se reporter.

Quant au motif de cette prescription, on voit assez qu'il est de mettre les imprimeurs hors d'état de se barricader dans leurs ateliers et de se garantir des effets des perquisitions et des saisies qu'on peut avoir à faire chez eux à l'improviste.

Établissement, dans une imprimerie, de portes de derrière. Nous en dirons autant de la disposition du § 2 du même article de la déclaration de 1728, ainsi conçu: « Leur défendons d'avoir dans les maisons où ils impriment aucunes portes de derrière, par lesquelles ils puissent faire sortir clandestinement aucuns imprimés, le tout à peine d'interdiction pendant six mois et de 500 livres d'amende, qui ne pourra être remise ni modérée, même de déchéance de la maîtrise. >>

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Les motifs sont les mêmes, et la peine énoncée à la fin de ce texte est celle qui est commune aux trois incriminations dont nous exposons ici la dernière. Défaut de tenue, par un imprimeur, d'un registre d'inscription des ouvrages à imprimer. Nous venons de voir les précautions purement matérielles que la loi a prises pour assurer l'exercice de la police des ateliers d'imprimerie. Nous allons maintenant aborder la série des prescriptions destinées à en organiser la surveillance intellectuelle, si l'on peut ainsi parler.

Le motif général et perpétuel de toutes ces prescriptions est de tenir constamment à la disposition de la police judiciaire tous les renseignements et toutes les indications nécessaires pour connaître immédiatement l'auteur des écrits imprimés ainsi que tous ceux que la loi rend solidaires de sa responsabilité, soit qu'il y ait lieu de poursuivre les délits résultant de la publication d'un écrit, soit qu'il s'agisse de prévenir cette publication.

Au premier rang des prescriptions de la loi figure la tenue d'un registre d'inscription des ouvrages à imprimer. L'art. 2 de l'ordonnance du 24 octobre 1814 dispose: «Chaque imprimeur sera tenu, conformément aux règlements, d'avoir un livre coté et paraphé par le maire de la ville où il réside, où il inscrira par ordre de dates, et avec une série de numéros, le titre littéral de tous les ouvrages qu'il se propose d'imprimer, le nombre des feuilles, des volumes et des exemplaires, et le format de l'édition. Ce livre sera représenté, à toute réquisition, aux inspecteurs de la librairie et aux commissaires de police, et visé par eux s'ils le jugent convenable. La déclaration prescrite par l'art. 14 de la loi du 21 octobre 1814 sera conforme à l'inscription portée au livre. »

On chercherait vainement une sanction pénale à cette disposition: l'ordonnance elle-même n'en prononce aucune, non plus que l'art. 11 du décret du 5 février 1810. On ne peut pas davantage prétendre que les peines prononcées par l'art. 471, 15° du Code pénal, contre « ceux qui auront contrevenu aux règlements légalement faits par l'autorité administrative » puissent être ici appliquées, puisqu'il ne s'agit pas ici d'un arrêté administratif, mais d'un règlement d'administration publique rendu pour l'exécution de la loi du 21 octobre 1814, et qui, s'il participe à l'autorité de cette loi, ne peut qu'en interpréter ou en appliquer les principes et les prescriptions, mais non pas y ajouter des incriminations nouvelles.

Défaut de représentation, par un imprimeur, du registre d'inscription des ouvrages à imprimer.-Nous en dirons autant du refus ou de l'impossibilité, de la part de l'imprimeur, de représenter le registre d'inscription des ouvrages à imprimer. L'obligation de représenter ce livre résulte bien du texte que nous venons de rapporter, mais il n'y a point de sanction pénale.

Impression d'un ouvrage, sans déclaration préalable par l'imprimeur.-Il ne suffit pas à l'imprimeur d'inscrire sur son registre les ouvrages à imprimer : il faut encore, aux termes de l'art. 14 de la loi du 21 octobre 1814, qu'avant d'imprimer un écrit il déclare qu'il se propose de l'imprimer. Cette déclaration, qui doit être accompagnée du dépôt d'un certain nombre d'exemplaires, doit être faite, à Paris, au secrétariat de la direction générale de l'imprimerie et, dans les départements, au secrétariat de la préfecture. L'art. 15 dispose: « Il y a lieu à saisie et séquestre d'un ouvrage, si l'imprimeur ne représente pas les récépissés de la déclaration et du dépôt ordonnés en l'article précédent. »

En cas d'infraction, la peine, aux termes de l'art. 16 de la même loi, est d'une amende de 1,000 fr. pour la première fois, et de 2,000 fr. pour la seconde.

Le § 2 de l'art. 2 de l'ordonnance du 24 octobre 1814, que nous avons rapporté à notre avant-dernier article, exige que la déclaration soit conforme à l'inscription portée au registre des ouvrages à imprimer. De là il résulte que la déclara

tion ne serait pas réputée satisfaire aux prescriptions de l'art. 14 de la loi du 21 octobre 1814, si elle n'était pas conforme au registre, de sorte que les peines édictées par l'art. 16 de la même loi seraient encourues. Ainsi il ne suffit pas d'une déclaration quelconque; il faut une déclaration conforme à l'inscription portée au registre.

Rappelons que, aux termes des circulaires ministérielles des 1er août 1810 et 16 juin 1830, la déclaration d'imprimer et le dépôt ne sont pas exigés pour les ouvrages dits « labeurs, ouvrages de ville ou bilboquets ».

Impression, sans déclaration préalable par l'imprimeur, d'estampes ou de planches gravées accompagnées d'un texte.-L'art. 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1814 dispose: « Les dispositions dudit article s'appliquent aux estampes et aux planches gravées accompagnées d'un texte. » Les mots « dudit article » se réfèrent à l'art. 14 de la loi du 21 octobre 1814, visé dans le dernier paragraphe de l'art. 2 de l'ordonnance.

Comme pour la contravention précédente, la peine est celle de l'art. 16 de la loi du 21 octobre 1814.

Impression d'ouvrages imprimés ou lithographiés, sans dépôt préalable à la préfecture dans les départements, ou au ministère de l'intérieur à Paris.-Ainsi que nous l'avons vu ci-dessus, toute déclaration d'imprimer doit être accompagnée du dépôt de l'ouvrage à la préfecture, dans les départements, et au ministère de l'intérieur, à Paris.

Ce dépôt, qui avait été fixé, par les art. 4 et 8 de l'ordonnance du 24 octobre 1814, à cinq exemplaires pour les imprimés et pour les gravures, a été réduit à un seul exemplaire par l'ordonnance du 9 janvier 1828, art. 1°r.

Le mot « écrit » comprend, à l'exception des ouvrages de ville, tous les écrits quelconques, et notamment la musique accompagnée d'un texte.

Le défaut de dépôt, aux termes de l'art. 16 de la loi du 21 octobre 1814, est puni d'une amende de 1,000 fr. pour la première fois, et de 2,000 fr. pour la seconde.

L'ordonnance du 9 janvier 1828, par son art. 2, a soumis les impressions lithographiques « à la déclaration et au dépôt avant la publication, comme tous les autres ouvrages d'imprimerie ».

Impression d'estampes ou de planches gravées, accompagnées d'un texte, sans dépôt préalable à la préfecture, dans les départements, et au ministère de l'inté– rieur, à Paris. Comme la déclaration préalable, le dépôt est prescrit, pour les estampes et les planches gravées accompagnées d'un texte, par l'art. 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1814.

Nous ne pouvons que nous en référer à ce que nous venons de dire sur la même incrimination appliquée au dépôt des imprimés.

Omission, par un imprimeur, du dépôt au parquet d'écrits politiques ou d'économie sociale, autres que les journaux ou écrits périodiques, et ayant moins de dix feuilles d'impression.— Indépendamment du dépôt administratif prescrit par la loi du 21 octobre 1814, l'art. 7 de la loi du 27 juillet 1849, ainsi que nous l'avons vu déjà au sujet de la distribution, impose à l'imprimeur un dépôt qu'on peut appeler judiciaire, et dont le but est de soumettre le contenu de l'écrit à

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l'examen du parquet. Nous ne croyons pas inutile de reproduire ici ce texte : Indépendamment du dépôt prescrit par la loi du 21 octobre 1814, tous écrits traitant de matières politiques ou d'économie sociale et ayant moins de dix feuilles d'impression, autres que les journaux ou écrits périodiques, devront être déposés par l'imprimeur, au parquet du procureur de la république du lieu de l'impression, vingt-quatre heures avant toute publication et distribution. >>

Il en résulte, ce qu'il ne faut pas perdre de vue, que ce dépôt n'a rien de commun avec le dépôt administratif; qu'il est imposé à l'imprimeur et non à l'auteur; qu'il n'est exigible que pour les écrits ayant moins de dix feuilles d'impression; qu'enfin il n'est pas applicable aux journaux, à l'égard desquels le dépôt au parquet est réglé par l'art. 7 de la loi du 11 mai 1868, avec cette notable différence surtout que le dépôt des journaux ne doit se faire qu'au moment de la publication, tandis que le dépôt des écrits autres que les journaux doit être fait vingtquatre heures avant la publication.

L'omission de dépôt est punie, aux termes du § 4 de l'art. 7 de la loi du 27 juillet 1849, d'une amende de 100 fr. à 500 fr.

L'art. 463 du Code pénal est applicable, ainsi que l'exprime formellement l'art. 23 de la même loi.

Défaut de déclaration par l'imprimeur, au moment du dépôt au parquet des écrits politiques ou d'économie sociale ayant moins de dix feuilles d'impression, du nombre d'exemplaires tirés. - Les §§ 2 et 3 de l'art. 7 de la loi du 27 juillet 1849 ont exigé qu'au moment du dépôt au parquet l'imprimeur déclarât le nombre d'exemplaires tirés de l'écrit déposé : « L'imprimeur devra déclarer, au moment du dépôt, le nombre d'exemplaires qu'il aura tirés. Il sera donné récépissé de la déclaration. »

La peine, en cas d'infraction, est la même que pour le défaut de dépôt : une amende de 100 fr. à 500 fr.

Le but de cette prescription est, en faisant connaître au parquet le nombre des exemplaires tirés, de lui permettre, le cas échéant, de saisir la totalité de l'édition sans cela on aurait pu, au moment d'une saisie, faire disparaître une partie des exemplaires et rendre ainsi la saisie presque illusoire. Il faut remarquer que la loi du 11 mai 1868 n'a en rien modifié cette disposition.

Défaut d'indication, de la part de l'imprimeur, de son nom et de sa demeure. Ainsi que nous l'avons vu au sujet des crieurs et des distributeurs, l'imprimeur a, d'après l'art. 17 de la loi du 21 octobre 1814, une obligation invariable, qui est d'indiquer son nom et sa demeure sur tout ce qu'il imprime, tandis que les crieurs et les distributeurs ont l'alternative entre l'indication du nom de l'auteur et celle du nom de l'imprimeur, l'une ou l'autre de ces indications pouvant satisfaire aux prescriptions de l'art. 283 du Code pénal, article qui n'a pas été modifié en ce qui concerne les crieurs et les distributeurs.

L'imprimeur, au contraire, est soumis à une obligation générale et absolue, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les écrits étaient destinés à être distribués, criés ou vendus. Les termes de la première partie de l'art. 17 de la loi du 21 octobre 1814, que nous reproduisons ici, ne laissent aucun doute à cet égard ou, pour

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