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« dérées comme des entraves imprudentes; mais je sais aussi que lorsque les « nécessités publiques les imposent, il faut les accepter, parce que la première << sauvegarde réclamée par l'ordre social et le besoin d'un pays, c'est en matière

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<< de presse l'efficacité des garanties légales. (Très-bien! très-bien!)

« Ce mode de publication, on l'a dit, et je ne veux point développer cette << pensée, - il contient en lui tous les germes du bien et tous les dangers du « mal. Il peut, par ces conditions puissantes que je rappelais, par cette tribune, « à l'état de monologue, incessamment ouverte, il peut enfanter de grands biens «< pour un peuple; mais aussi il peut enfanter des maux et des désordres : de là, «< la nécessité pour le législateur de l'étudier, de l'interroger et de chercher des garanties contre ses abus.

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<«< Eh bien, tout le projet de loi consiste dans la recherche de ces garanties. << Comment est-il né? dans quelles conditions s'est-il produit? Des discussions « nombreuses s'étaient successivement engagées dans cette enceinte sur l'utilité, « l'efficacité et les périls que présentait la législation existante, sur son caractère discrétionnaire, sur le rôle injuste qu'on attribuait au Gouvernement, accusé << d'être à la fois juge et partie; vos consciences avaient été émues, une fraction << de cette chambre avait dans une de vos sessions formulé un amendement pour <«< caractériser son opinion et sa tendance; la majorité répondait par l'Adresse, et « l'Adresse, fidèle dans son texte au texte de ses devancières, exprimait tout à la «< fois une pensée d'espérance et un témoignage de confiance. L'espérance, elle « avait apparu dans le langage même de l'orateur du Gouvernement qu'on a quelquefois cité et, si je ne me trompe, ses dernières paroles, que je me gar« derai bien de reproduire ici, reflétaient un vou conforme et une prévision « d'union et d'entente ultérieures.

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« Le 19 janvier est arrivé; il a été, aux yeux de quelques-uns, une réalisation << prématurée des espérances conçues.

« Je n'ai aucune difficulté à vous déclarer que, pour moi, il a été la réalisation

<< inattendue des espérances qui avaient été formulées parmi vous.

« Ce jour-là le Souverain a pensé que la législation de 1852 avait fait son << temps et qu'une législation nouvelle et plus libérale devait être proposée au « Corps législatif.

« Était-ce un regret de la perte des attributions du décret de 1852? Était-ce

«< la reconnaissance de la légitimité des attaques nombreuses dirigées contre cette « législation?

« Était-ce l'aveu de l'impuissance de gouverner désormais sans le refuge du « libéralisme?

<«< Toutes ces choses ont été dites; je ne veux pas les examiner d'une manière << étendue; ma pensée est bien plutôt de caractériser ici une attitude et de for« muler une déclaration que de me livrer à une discussion approfondie.

« Tout ce que je puis dire, c'est que nous avons considéré, pendant tout le << temps qu'il a existé, le décret de 1851 comme une nécessité et comme une sau« vegarde. (Très-bien ! )

« Tout ce que je puis dire, c'est que, le 19 janvier, le jour où le Souverain « s'est décidé à publier sa lettre, il n'a pas marché dans l'impuissance, mais il

« s'est avancé dans sa force, dans sa grandeur et dans sa liberté. (Marques nombreuses d'assentiment et d'approbation.)

M. BELMONTET. « C'est juste! - Très-bien! très-bien!

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M. LE MINISTRE D'ÉTAT. « Alors le projet de loi sur la presse vous a été pré

« senté.

<< Laissez-moi préciser, en quelques mots, la situation qui a suivi.

« On a dit bien souvent que dans la pensée de ceux qui entouraient le chef de l'État, il y avait eu un parti pris de retarder la discussion de ce projet de loi, << qu'ils avaient eu l'intention de lui créer des entraves de détail, de lui opposer « des temporisations et des inerties, afin d'embarasser et sa présentation dans « cette Chambre et sa mise en délibération.

<«< Il n'en est absolument rien. Nous avons accepté sincèrement l'œuvre qui « nous était confiée; nous avons laborieusement suivi toutes les phases de l'étude « de la loi dans le sein de la commission, sans pensée préméditée de lenteur « comme sans esprit de précipitation; ceux qui veulent se souvenir se rappellent «< que peu de jours après l'époque à laquelle le projet de loi a été soumis à une « commission, une grande question internationale s'était élevée, des craintes de «< guerre s'étaient produites, des nécessités d'armement s'étaient manifestées. Il << est donc tout naturel que, sous l'empire de préoccupations semblables, le Gou«vernement et la majorité, l'opposition elle-même, aient prêté une attention « exclusive aux affaires étrangères, et qu'ainsi cette étude d'intérieur de la loi « sur la presse ait été non pas abandonnée, mais suspendue un mois ou deux.

« Mais alors d'autres circonstances sont survenues, je veux dire la nécessité de « voter le budget, de faire les élections des conseils généraux afin de faciliter les « délibérations des corps administratifs dans chaque département.

« C'est donc d'un commun accord, loyalement, que, malgré certaines réclama«<tions, le projet de loi a été ajourné à la session actuelle. Cette session, elle devait «< être hâtée, nous l'avions promis, nous avons tenu notre parole.

«La discussion s'est ouverte, messieurs. Eh bien, je veux vous parler avec une <«< complète sincérité; il me serait impossible de rester à cette tribune, si je ne << disais pas l'entière vérité sur les faits qui se sont murmurés depuis quelques «< jours et qui ont préoccupé l'attention publique.

«Le commencement de la discussion de cette loi a ému vivement l'opinion. <«< Des hommes honnêtes et convaincus sont venus exposer au Gouvernement <«<les appréhensions de la province. Dans le sein de la majorité de la Chambre, « une fraction dans laquelle je compte des amis dévoués, que je m'étonne presque <«< de combattre à l'heure actuelle, une fraction de la majorité, dis-je, s'est vive«ment émue. Elle s'est demandé, comme on se le demandait à cette tribune, si, « oui ou non, la loi était opportune; car, remarquez-le bien, il ne s'agit pas d'une « question de fond, les principes ne sont contestés par personne, pas même par « l'honorable M. de Benoist; toute la question est une question d'opportunité. Plusieurs membres. C'est vrai! c'est vrai!

M. LE MINISTRE D'ÉTAT. « La situation intérieure commandait une étude et « un examen plus étroits. Nous étions sous le coup d'une crise industrielle d'une <«< véritable intensité; le prix des subsistances s'était élevé, et vous savez que la

« cherté de la vie du peuple est toujours une cause de graves difficultés pour un << gouvernement. Nous avons délibéré de nouveau. Les conseils du Gouvernement «< ont été appelés à examiner la délicate question qui se posait dans certaines <«< consciences, qui s'agitait dans certains esprits; et là, je n'hésite point à le dire, << tous les points de vue ont été exactement et rigoureusement interrogés et « débattus et nous nous sommes demandé si nous devions on non maintenir la <«<loi qui vous était proposée.

« Je n'hésite point à faire une semblable déclaration, car de tous ceux qui ont « pris part à cette délibération intime, il n'en est pas un qui ait éprouvé des émo«<tions plus vives et des préoccupations plus profondes que celui qui vous parle. (Mouvement. Très-bien! très-bien !)

<< On vous rappelait, il n'y a qu'un instant, la grandeur de l'Empire, la prospé«rité dont il a doté ce pays. Eh bien! je le dis, dans mon inquiétude jalouse, je ne « voudrais jamais, pour un instant, par un seul acte, compromettre cette prospé« rité dans le progrès constant de laquelle j'ai une confiance absolue..... (Très<< bien! très-bien !) Je ne voudrais jamais prendre ma part d'une responsabilité « quelconque avant d'avoir sondé ma conscience jusque dans son intimité, avant << d'avoir calmé mes scrupules par l'étude et par la réflexion.

« Qu'est-il sorti de ces délibérations? La volonté nette et précise de soutenir « devant vous énergiquement et nettement le projet de loi qui vous est présenté. (Vives marques d'approbation et applaudissements sur un grand nombre de bancs.)

«Messieurs, ne vous étonnez pas de ces scrupules, ne vous étonnez pas de ces « agitations intérieures; elles sont le signe de la vérité et de la sincérité. Ceux « qui prennent trop facilement leur parti dans les responsabilités gouvernemen«tales s'exposent souvent à des erreurs; la maturité attentive est le devoir de tous « et de chacun... (Très-bien! très-bien !) Et ce devoir, nous l'avons rempli.

« Maintenant, le projet de loi qui vous est présenté est-il un péril? Doit-il, «< comme paraît le redouter l'honorable M. de Benoist, inspirer la crainte de voir « les partis s'exalter et troubler la sécurité publique ? Je vais vous faire connaître « sur ce point le fond de ma pensée.

« Je dis d'abord qu'un engagement avait été contracté solennellement à la face du «<< pays, et qu'un gouvernement s'expose à s'amoindrir le jour où il recule devant « l'engagement qu'il a contracté... (Vive approbation sur tous les bancs)... même « lorsque ensuite les circonstances semblent impliquer, dans une certaine mesure, «<l'inopportunité de la détermination. Nous nous sommes dit: Que sommes-nous? «<< que devons-nous vouloir ? Est-ce qu'il n'y a pas dans cette société un grand pro«blème incessamment posé? Est-ce que les efforts de tous les gouvernements qui « se sont succédé n'ont pas eu incessamment pour but la conciliation des intérêts «< généraux, des intérêts de l'Etat et des intérêts individuels ? Est-ce que devant «< ce problème nous devons reculer? Est-ce que sa solution nous effraye! Quoi! << nous ne l'attaquerions pas, nous nous attarderions dans une timidité que nous « n'avions pas il y a un an! Nous tiendrions compte de difficultés passagères des« tinées à s'évanouir et à s'éteindre plutôt que de les regarder face à face, plutôt «que de dire: Allons! que la liberté soit complète! que la presse soit libre!

« (Approbation sur un grand nombre de bancs.) Nous ne redoutons pas ces dan«gers. S'ils existaient, nous croyons avoir la force, la volonté, le courage néces«saires pour les surmonter. (Nouvelles marques d'approbation mêlées d'applaudissements.)

« Vous me demandez si les partis sont avancés dans les voies de l'apaisement; « vous me demandez si cette loi ne pourrait pas troubler la paix publique.

« Je vous réponds: Je ne crois pas à l'apaisement des partis... (Mouvements en « sens divers.) Je ne crois pas, dis-je, à l'apaisement des partis; je crois encore « à leur ardeur, je crois encore à leurs espérances; mais je demeure convaincu de « leur impuissance... (Approbation sur un grand nombre de bancs); et j'en de«meure convaincu parce que j'ai confiance dans la force du Chef de l'Etat, dans « la force de son gouvernement, dans la force de cette majorité qui représente la «France entière. (Très-bien! très-bien!)

« Si j'examine la situation intérieure de ce pays, qu'y vois-je donc qui soit de « nature à faire redouter les espérances conçues et les calculs prémédités? Mais « cette province tout entière, elle ne participe pas aux émotions, aux passions « fébriles qui s'agitent dans quelques recoins obscurs de Paris! mais cette pro«vince tout entière, dans son expression électorale, elle est complétement dévouée « à l'ordre, au Souverain et au Gouvernement. (Oui! oui! - Très-bien! trèsbien !)

« J'ai vu l'Assemblée législative agitée par des partis divers, dont aucun n'avait « la majorité nécessaire pour diriger et pour gouverner, et qui, par leur coalition «ou par leur réunion, avaient juste la puissance nécessaire pour paralyser et «< empêcher tout gouvernement: j'ai vu cette Assemblée législative, se mouvant « dans l'incertitude, dans l'équivoque, dans l'impuissance, dans des espérances « mal définies. Qui donc, à ce moment, a sauvé le pays? Les provinces! les con«seils généraux ! toutes ces assemblées électives qui ont exprimé les vœux de la « nation et proclamé la nécessité de la fondation de l'Empire! (Très-bien ! très« bien !)

« Dans ces temps de crise, la nation s'est affirmée. Aujourd'hui quelle est-elle? « Vous croyez son dévouement affaibli? (Non! non !) Vous croyez que, par quel«ques succès partiels, nés de la réunion d'opinions qui hurlent de se rencontrer... « (Très-bien! très-bien !) vous avez constitué des forces hostiles et organisé des « périls pour le pays!

« Je ne le crois pas. Oui, nous avons fait un pas en avant, nous l'avons fait « résolûment, nous voulons maintenir notre marche. (Très-bien !) Pourquoi, «< messieurs, parce que nous sommes convaincus que si la presse, abusant des « libertés qui lui seront données, jetait l'alarme dans le pays, et enlevait la sécu« rité au travail, l'Assemblée saurait vouloir que cette tentative soit contenue et «< cette audace réprimée. (Très-bien! très-bien! Bravo!)

« Aujourd'bui, plus que jamais, il faut que la majorité soit unanime, plus que « jamais il faut qu'elle établisse sa solidarité avec le Gouvernement. Et je m'a«dresse à vous, à vous, fraction de la majorité, émue comme je l'ai été, je ne « le dissimule pas, émue comme je l'ai été des difficultés de la situation; je m'a«dresse à vous pour vous dire ; « Ne nous séparons pas! faisons ensemble cette

<«<loi; restons ensemble dans la voie libérale; restons compactes pour nous pré«senter d'accord devant le suffrage universel et devant le pays (Très-bien! très<< bien!); restons compactes dans cette tentative grandiose, libérale, digne de vous «< et de nous, afin que nous puissions rester compactes et unis le jour où un <«< danger, se levant, menacerait la sécurité publique. (Applaudissements prolongés.)

«Oh! oui, j'ai entendu le douloureux nécrologe qui a été prononcé avec tant « de véhémence et de talent par l'honorable M. Granier de Cassagnac, retraçant «< ces gouvernements qui sont tombés, qui se sont renversés les uns sur les autres, «< malgré leur loyauté, malgré leurs bons sentiments, malgré leur amour du bien «< public, parce qu'ils avaient pour adversaire une presse implacable.

«< Eh bien, je me sens le courage de recommencer la lutte. (Très-bien! très<«bien !) Je me sens le courage de l'affronter; et je dis que vous qui présidez << aux destinées du pays, vous devez avoir ce courage avec nous.

M. BELMONTET. « Nous l'avons.

M. LE MINISTRE D'ÉTAT. Nous ne sommes plus au temps où l'Empire était «< constitué par un élan de la nation, par le souvenir des dangers récents qui << avaient bouleversé la société ; nous ne sommes plus au temps où la cohésion « était complète. Des générations se sont élevées, elles ont grandi. Interrogez «<le présent des 8,500,000 citoyens qui ont voté l'Empire et qui l'ont créé, il y « en a, à l'heure actuelle, près de 4,000,000 couchés dans la tombe. Oh! c'est « que le temps marche, et que nous ne comptons pas ! C'est que sur cette liste « électorale, qui est la base de notre droit public, les 4,000,000 d'hommes nou«veaux inscrits depuis 1852 n'ont pas, messieurs, les souvenirs et l'expérience «< que vous avez eus; ils ont dans le cœur des ardeurs nouvelles; ils aspirent à << une liberté plus étendue.

«Ne les irritons pas, ne cherchons pas à les contenir; marchons avec eux pour « les guider et les modérer. (Très-bien! très-bien ! Applaudissements.)

« Donc cette loi qui formule un progrès, qui crée des garanties, qui vous est « présentée par un pouvoir fort et dévoué aux intérêts de l'ordre, cette loi, votez«la et ayez confiance en nous. Nous avancerons toujours du même pas dans les « voies de l'ordre et de la liberté; nous savons que la sécurité publique est la << première condition de la liberté individuelle, et nous ne faillirons pas au devoir « de la faire respecter! » (Bravos et applaudissements répétés sur un très-grand << nombre de bancs.)

(M. le ministre, de retour à sa place, est entouré de membres qui viennent le féliciter.) (Moniteur.)

Rapport fait au Sénat sur la loi du 11 mai 1868, sur la presse, par M. le premier président Devienne, sénateur.

« Messieurs les sénateurs, la loi qui vous est présentée, dont l'origine et le « but sont essentiellement politiques, confie son exécution à l'administration de « la justice ainsi s'explique la désignation du rapporteur qui vient vous rendre « compte des travaux de votre commission.

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