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DICTIONNAIRE HISTORIQUE, par l'abbé F. X. de Feller, 13 vol. in-8°. Paris, Méquignon-Havard et Boiste père, rue des Saints-Pères, no 10.

Nous terminons notre Bulletin bibliographique par l'annonce du douzième volume du Dictionnaire historique qui vient de paraître. Il est accompagné d'une note telle que les éditeurs en envoient rarement aux souscripteurs. Dans cette circulaire on prévient que l'abondance des matières ayant forcé d'augmenter le nombre des volumes, le treizième sera délivré gratis. Cette bonne nouvelle n'affligera pas les souscripteurs. Le douzième volume est traité avec le même soin que les précédents, et augmenté de considérations critiques, dans lesquelles l'éditeur trace le plan des additions et corrections qui ont été faites, et répond à des observations qui lui avoient été adressées.

Trois ouvrages importants, dont on annonce la prochaine publication, seront l'objet d'analyses longues et développées.

Le premier est un Essai historique sur l'influence de la religion en France pendant le dix-septième siècle. L'anonyme qu'a toujours gardé l'estimable écrivain à qui nous devons ce nouveau fruit de ses recherches, sera soulevé par un grand nombre de lecteurs, et il sera facile de reconnoître, à la justesse des jugements, à la clarté des pensées, à l'ordre et à l'enchaînement des faits, l'auteur des Mémoires pour servir à l'histoire de l'église pendant le dix-huitième siècle.

Le 2o, annoncé depuis longtemps, avait été interrompu. Mais dans les mains d'un écrivain laborieux la Bibliothèque choisie des Pères de l'Église, n'aura pu acquérir pendant cet intervalle que de nouveaux titres aux suffrages du public.

Le 3 est un recueil de Mémoires pour servir à l'histoire de l'Église dans ces derniers temps. L'auteur avoit publié le 1 vol. de sa collection il y a quelques années. On dit beaucoup de bien de ceux qui vont paroître.

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Les principaux ouvrages ou brochures qui ont été publiés depuis le janvier, et dont nous parlerons, sont : L'Ermite d'Italie, par M. de Jouy; Éléments d'Idéologie, par M. Destutt de Tracy; Galerie française, par une société d'hommes de lettres; Galerie des plus célèbres protestants; Esquisses historiques des principaux événements de la révolution, par Dulaure; Histoire abrégée de l'inquisition, par Gallois; Almanach des électeurs, par le même; Expulsion des jésuites; Traité du gouvernement des paroisses, par Carré; Mémorial sur la révolution française, par M. l'abbé Jolly.

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Je dois d'abord vous remercier de la proposition que vous me faites de coopérer à la rédaction du Mémorial catholique. Cette marque de votre souvenir me flatte d'autant plus, que, dans ce siècle oublieux, j'étois loin de croire qu'on se rappeloit encore le nom d'un écrivain qui depuis six mois n'écrit plus, et les efforts d'un défenseur de la vérité qui a cessé de combattre ; car nous autres royalistes en retraite nous avons appris à nos dépens combien, en tout, le présent est pressé d'effacer le passé. J'ai donc un double motif de vous exprimer ma reconnoissance.

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Maintenant, Messieurs, je voudrois pouvoir vous la prouver, en répondant de mon mieux à l'appel que vous voulez bien me faire; mais, à cet égard, je l'avoue, mon embarras est extrême. Le titre imposant de votre recueil, le ton religieux et presque théologique que ce titre annonce, le caractère sacré des écrivains qui l'ont fondé et qui le rédigent, la gravité des lecteurs

auxquels il est plus particulièrement dédié, rendent la tâche d'un coopérateur laïque fort difficile. Et en effet, s'il s'occupe de matières purement religieuses, on ne manquera pas de dire : « Quelle mission a-t-il pour discuter de semblables questions? >> C'est aux prêtres, et non aux personnes du monde, que ce >> droit appartient exclusivement. » Si, au contraire, il traite d'objets moins sérieux, des mœurs, des travers, des ridicules du jour; s'il parle des arts et des lettres profanes; s'il examine les chefs-d'œuvre de nos poëtes en prose ou la prose en vers de nos troubadours romantiques, et s'il le fait avec gaieté et quelquefois avec malice, « Quelle inconvenance! s'écriera-t-on ; >> quel scandale ! parler sur ce ton dans un ouvrage religieux! » manquer aussi essentiellement au titre du Mémorial CATHOLI>>QUE! c'est abominable! » Voilà, Messieurs, ce que l'on ne manquera pas de dire : je ne prétends pas que l'on aura raison, je vous avertis seulement qu'on le dira.

Il est vrai qu'à ces objections vous pourriez répondre que nous ne vivons pas dans des temps ordinaires; que des maux nouveaux demandent de nouveaux remèdes; que les convenances d'une époque ne règlent pas celles d'une autre époque; et que le censeur qui, par respect pour l'étiquette, prétendroit aujourd'hui renfermer les écrivains religieux et politiques dans le cercle étroit tracé, il y a trois siècles, autour de leurs devanciers, seroit aussi fou que celui qui, par amour pour les usages gothiques, conseilleroit à nos soldats de n'opposer au canon, aux bombes et à la mitraille de l'ennemi, que les boucliers, les lances et les cimeterres de leurs aïeux. Vous pourriez ajouter que, maintenant que les suppôts de Satan se servent de tous les moyens pour corrompre et détruire, les serviteurs de Dieu doivent aussi les employer tous pour guérir et conserver; que partout où est le poison il faut verser l'antidote, et qué puisque le venin est universellement répandu, dans les doctrines, dans les mœurs, dans les habitudes, dans les lettres, dans les arts, dans les sciences, dans les

gros livres comme dans les plus minces brochures, dans les éditions compactes comme dans les éditions de luxe, dans la prose comme dans les vers, dans les tragédies comme dans les chansons; partout enfin, puisque l'enfer a réussi à se glisser jusque dans les préfaces nouvelles des saintes Écritures; que dans ce péril, qui menace la société tout entière, le devoir du moraliste religieux est de tout voir, tout examiner, tout signalér; et que, si bas qu'il lui faille descendre pour surprendre le mal, quelque arme qu'il soit réduit à employer pour le combattre, il doit s'y résigner sans crainte de s'avilir: bien persuadé que, pour un chrétien, descendre ce n'est pas s'abaisser, et qu'il n'est pas d'árme que son bras n'ennoblisse. Enfin, Messieurs, vous pourriez dire que, pour faire beaucoup de bien, il est indispensable d'avoir beaucoup de lecteurs; que si votre ouvrage ne s'adresse qu'aux personnes graves dont les opinions sont déjà conformes aux vôtres, vous n'aurez fait, comme on dit 'vulgairement, que précher des convertis ; que le moyen le plus sûr de toucher tous les cœurs, de ramener tous les esprits, c'est d'abord de plaire à tous les goûts; et que dans le temps où nous sommes, lorsque l'erreur emprunte tous les masques, la vérité, pour les lui arracher, doit revêtir toutes les formes, passant, suivant le conseil du grand poëte qui semble l'avoir choisie pour muse,

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sérieuse avec les caractères austères, enjouée avec les esprits légers, persuasive avec les cœurs tendres, brillante avec les imaginations vives; en un mot, simple, douce et consolante dans les chaumières, terrible et inexorable dans les palais; faisant entendre aux petits les accents de Fénélon, et aux grands les foudres de Tertullien.

Voilà, ce me semble, ce que vous pourriez répondre; et véritablement je ne vois pas ce qu'on pourroit répliquer. Ce

pendant, comme je dois craindre de me tromper, précisément par la raison que je puis avoir quelque intérêt à raisonner ainsi, c'est à vous, Messieurs, à consulter sur ce point l'opinion de vos souscripteurs. Si la variété de ton ne leur paroît pas déplacée, si des considérations souvent très sérieuses ne leur déplaisent pas, parcequ'elles se présenteront enveloppées d'une plaisanterie, ou recouvertes d'une allégorie ; si, dans ce cas, ils veulent bien faire grâce à la gaieté, à la malice de la forme, en faveur de l'importance du fond, alors, Messieurs, je suis prêt à vous obéir; je serai heureux et fier de me joindre à vous pour combattre les adversaires de toute espèce qui déjà vous menacent, et que vous avoit prèdits l'illustre écrivain dont le nom et l'approbation servent comme de frontispice à votre premier numéro. Encouragés par ce noble chef, et à son exemple, nous proclamerons encore la vérité; la vérité, l'ennemie la plus terrible, la plus redoutée de ce siècle d'erreurs, de mensonges et d'illusions! la vérité, que rien ne corrompt, que rien n'effraie, que rien ne séduit! la yérité, inflexible aux méchants comme aux foibles, aux pervers comme aux sots! la vérité, enfin, qui n'épargne personne, et qui dit à tel homme qui croit que l'Europe le considère, que c'est tout au plus si Paris le regarde; à tel parvenu, que le manteau qu'il a pris, ou qu'on lui a donné, le couvre mais ne le cache pas ; à tel écrivain, que ce qu'il nomme sa pension, il pourroit l'appeler ses gages; à tel serviteur du pouvoir, qu'il n'en est que le valet; et à tel favori de la fortune, qu'il n'en est que le bouffon!

Le comte O' MAHONY.

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