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parmi ceux qui l'entourent les chefs connus de toutes les hérésies qui ont déchiré le sein de l'Église. Comment en effet appliqueront-ils les mérites du Sauveur, ceux qui, dans la licence de leurs opinions, sont libres de nier jusqu'à sa divinité ? Le missionnaire de la charité écoute cependant. Son étonnement redouble, lorsqu'au lieu des noms du Christ, de la foi et de la charité, ceux de morale, de philanthropie, viennent seuls frapper son oreille. Il entend dérouler les plus vastes projets de bienfaisance, mais se plaindre en même temps de l'extrême modicité des moyens d'exécution d'une société qui est composée depuis trois ans des personnages les plus influents par leurs noms et leurs richesses : eh, quoi! lui, pauvre missionnaire, a fait plus en quelques années pour l'humanité souffrante, que ne le pourroient plusieurs rois réunis! C'en est assez, il reconnoît son erreur, et, douloureusement désabusé, il se retire en disant : La charité n'est point ici !

DU PRINCIPE D'AUTORITÉ

DANS LA LITTÉRATURE.

(Premier article.)

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Jamais il ne fut plus aisé d'apercevoir que de nos jours, el jamais il ne fut plus important de faire remarquer les rapports nécessaires qui existent entre tous les objets sur lesquels s'exercent la pensée et la volonté de l'homme. Le centre auquel viennent aboutir toutes les vérités et la chaîne qui les unit se découvrent; et il n'est plus possible de méconnoître la loi qui lie entre elles toutes les parties de l'ordre moral, aujourd'hui que nous voyons le monde politique et le monde religieux agités par les mêmes combats, dans les lettres comme dans la philosophie, partout deux doctrines, deux peuples, et la cause

qui les divise la même. Étendu à toutes ses conséquences, un seul principe d'erreur ébranle parmi nous toutes les vérités, s'applique à tout, et pervertit sur tous les objets les pensées de l'homme, déprave le goût comme la raison, entraîne dans un même mouvement les institutions et les arts, porte au sein de la littérature les mêmes germes de révolution que dans la religion et dans la société.

Sous ce point de vue vraiment important, l'état actuel de notre littérature est digne de fixer toute notre attention. Que si l'on nous accusoit de chercher ici des analogies imaginaires, notre réponse seroit aisée. La révolution, n'ayant pas dans le monde littéraire les mêmes raisons de conspirer en secret que dans la société politique, annonce aussi plus hautement ses projets. Voici ce qu'on lisoit il y a peu de jours dans le Mercure, journal littéraire de la gauche, car il y a aussi un côté gauche en littérature: « La littérature, comme la politique, » est aujourd'hui plus que jamais divisée en deux partis : l'un » mécontent du présent, craignant l'avenir et redoublant d'ef» forts pour rétrograder sur le passé; l'autre qui pense que tout » est susceptible d'améliorations, que l'esprit humain ne peut » décroître, et que la vérité, compagne inséparable de la raison, >> ne sauroit avoir trop d'interprètes ni trop de défenseurs » pour répandre ses maximes et ses bienfaits. Celui-ci, sans dé» crier l'époque actuelle, ne considère les temps anciens que » comme des objets d'étude et de méditation qui doivent servir » à nous diriger vers des temps meilleurs. D'un côté, c'est la >> vieillesse chagrine qui veut tout arrêter, la décrépitude im» puissante qui voudroit tout rendre stérile; de l'autre, c'est la »jeunesse qui veut tout comprendre, c'est l'âge viril qui veut » tout féconder. » Si cette déclaration du Mercure, répétée par le Constitutionnel, et que nous avons lue dans ce journal (car qui lit le Mercure?), vous paroît un peu embrouillée, vous en trouverez une plus claire dans un article curieux, inséré dans les Tablettes universelles, sous le titre de la Nouvelle année,

ou Questions d'un rêveur; titre qui a paru parfaitement choisi; on en jugera.

Voici une des questions que ce rêveur s'adresse : « Qui sait » si ce n'est pas cette année que la littérature, lasse de la tra>>dition, cessera de se traîner de copies en copies, et, se re» nouvelant avec tout le reste, trouvera l'originalité en se rap»prochant de la nature ? » Et l'auteur s'égare ensuite dans les plus beaux songes, où il est inutile de le suivre. Il rêve, par exemple, que M. Salvandi, que M. Félix Bodin, que M. Alphonse Rabbe, sont trois Walter Scott en germe, que la France possède sans s'en douter, et qui promettent de surpasser celui dont l'Écosse s'enorgueillit. Il rêve aussi qu'après les chefsd'œuvre de Corneille et de Racine, la tragédie étoit encore à naître parmi nous, et que notre scène attendoit qu'un jeune talent libéral vînt la doter d'une comédie pathétique, seule tragédie qu'elle comporte. Après beaucoup d'autres rêves assez extraordinaires pour le réveiller, l'auteur se réveille en effet, pour adresser à nos jeunes écrivains l'apostrophe suivante : «Vous qui, 'jeunes encore, pouvez vous soustraire au joug »du passé; vous qui, dans les lettres, dans les arts, n'avez » contracté l'engagement d'aucune sujétion, gardeż, gardez cette indépendance précieuse, accueillez sans dédain, toutes » les traditions, étudiez toutes les conventions; mais jugez» les toutes, et ne relévez que de votre raison, ne datez que »de votre âge. La servitude en tous genres se perpétue par l'imitation; soyez vous-mêmes, jeunes Français, et vous don» nerez l'exemple au lieu de le suivre.... Que l'étude ne vous »serve à connoître la vérité de tous les temps, que pour mieux distinguer celle du vôtre, qui n'est la vérité d'aucune 1époque. »

Cette citation aura paru peut-être un peu longue, mais elle étoit trop précieuse pour en perdre un seul mot. La se trouvent clairement avoués tous les projets de cette secte d'indépendants qui s'élève au sein du monde littéraire, et ne

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Tandis que la religion est obligée de se défendre contre l'im placable haine de l'incrédulité, et contre les attaques furieuses de ses ennemis déclarés, il est bien douloureux pour elle d'avoir à lutter contre ses propres enfants, qui, tout en l'honorant d'un langage respectueux, tout en invoquant son nom, ne comprennent point qu'ils trahissent ses intérêts les plus chers, et qu'ils deviennent la cause la plus active de sa ruine.

En effet on voit s'élever au sein même du christianisme des sociétés, qui, égarées par un zèle mal éclairé, désirant unir par les liens d'une morale et d'une charité communes toutes les sectes qui à diverses époques ont déchiré le sein de l'Église, ne s'aperçoivent pas qu'elles s'isolent elles-mêmes de la grande société spirituelle, et qu'elles abjurent le nom chrétien. Quelle est en effet cette société, dite de la morale chrétienne, dont les membres établissent comme principe fondamental de leur alliance, qu'on évitera scrupuleusement d'élever aucune discussion sur les points qui divisent les différentes branches de la famille chrétienne, c'est-à-dire que leur société sera basée sur l'indifférence absolue en matière de foi. Leur but, disent-ils, est l'application des préceptes du christianisme aux relations sociales, ou autrement la charité. Nous pourrions leur demander comment ils appliquent d'abord ce précepte fondamental du christianisme, si souvent répété dans les saintes Écritures, et qui établit que les œuvres ne sont rien sans la foi, que sans elle il n'y a point de charité: Caritas ex fide. Mais, sans descendre ici sur le terrain

de la controverse, où il nous seroit si facile de triompher, bornons-nous à établir, par des preuves revêtues d'une évidence de fait, que la foi est le soutien nécessaire des œuvres et de la charité.

Le mystère de la rédemption, tel est le dogme fondamental de la religion, celui dont l'esprit la pénètre, pour ainsi dire, tout entière. Le genre humain, courbé sous le poids de sa dégradation originelle, languissoit dans l'esclavage des sens et du péché mais les temps sont accomplis; celui qui devoit venir est vcnu, et une rédemption universelle s'opère en faveur de tous les hommes, grâces aux mérites du Fils de Dieu, dont le sang, coulant du haut de la croix, arrose et purifie de ses flots précieux la terre souillée par tant de crimes. Voyons donc maintenant si la foi dans le sacrifice du Rédempteur ne touche en rien à la charité, et si l'indifférence pour ce dogme ne doit point la couper dans sa racine.

Avant la venue du Sauveur, on sait ce qu'étoit la charité chez les peuples païens. Que dis-je, ce qu'elle étoit ! elle y manquoit tellement, qu'aucune de leurs langues n'a de termes pour l'exprimer ! Mais dès qu'une fois l'amour infini se fut manifesté dans le mystère de la rédemption, le genre humain comprit le précepte de l'amour, et l'esprit de miséricorde commença de redescendre sur la terre. Bientôt le christianisme est fondé, et l'Église, interprète souveraine de sa doctrine, a fait entendre sa voix; le sang de Jésus-Christ n'a pas dû couler seulement une fois sur le Calvaire, il doit couler jusqu'à la fin des temps sur nos autels, et laver continuellement de ses flots. les souillures toujours renaissantes du péché. Les chrétiens ont eu foi dans la continuation du sacrifice; et aussitôt nous voyons s'opérer de nouveaux prodiges de charité. Ceux-ci consacrent leurs richesses au soulagement de l'infortune, ceux-là leur vie tout entière ; et de tous côtés s'élèvent de magnifiques hôpitaux pour le pauvre et l'orphelin, de pieux asiles pour le repentir

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