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blier un ouvrage, organe permanent des doctrines catholiques, appliquées à tous les besoins actuels de la société. Pour bien comprendre les raisons qui font naître cette entreprise, et l'action qu'elle peut avoir sur les esprits, il est utile de se rappeler l'influence qu'ont exercée les écrits périodiques, analogues à celui-ci, qui ont paru successivement depuis le rétablissement de la religion en France, et de considérer l'état des journaux existants, dans leurs rapports avec la propagation des doctrines catholiques.

Dès que la religion, rappelée de son exil, put faire entendre sa voix dans les temples, elle s'ouvrit aussitôt, dans des écrits périodiques, une chaire d'où elle put parler à la société tout entière. Les journaux contribuèrent puissamment à dissiper les préjugés irréligieux qui régnoient à cette époque, et l'on se rappelle encore la vive impression qu'ils produisirent. La philosophie ne soutint que foiblement la lutte : elle étoit alors toute honteuse d'elle-même. Si de temps en temps elle essayoit quelques réponses, ses écrits, tracés d'une main naguère armée d'une hache homicide, sembloient être encore trempés de sang humain; et ses murmures impies étoient comme les derniers bruits des échafauds qui venoient de tomber.

Bientôt un homme qui ne vouloit ni de la vérité ni de l'erreur, parcequ'il ne vouloit que lui, les força l'une et l'autre de se taire devant son épée. Il les avoit laissées libres tant qu'il douta de sa toute-puissance; dès qu'il crut la sentir, il les enchaîna. Cet homme avoit compris le pouvoir des doc

trines, et c'est pourquoi il le redoutoit comme un rival: on eût dit qu'une armée ennemie lui causoit moins d'alarmes que quelques feuilles, qui portoient, à travers la France muette, la confidence de quelques vérités : leur silence fut un de ses triomphes.

d'es

La restauration ne fut d'abord en France qu'un songe pérance. La révolution étoit détrônée, on la crut morte; et les pompes qui accompagnoient le retour des princes légititimes sembloient être ses funérailles. Quelques voix s'élevèrent pour dissiper l'illusion; elles se perdirent au milieu de l'ivresse générale. Les peuples avoient encore besoin de leçons terribles pour apprendre que ce sont les doctrines qui ébranlent ou raffermissent les empires.

Leur puissance ne tarda pas à se manifester lorsque la faction révolutionnaire, déguisée sous les couleurs de la monarchie, entoura le trône sous prétexte de le défendre. Un écrit périodique parut, qui révéla l'opinion royaliste, et détrompa l'Europe. Quoique ses illustres rédacteurs n'eussent peut-être pas une parfaite unité de principes, les vérités sociales y furent défendues avec une vigueur qui atteignit en partie son but. Les hommes qu'il attaquoit tombèrent du pouvoir, mais leurs doctrines restèrent ; et l'hydre de la révolution avoit perdu tout au plus une tête, lorsque l'Hercule de la légitimité termina ses travaux.

Aujourd'hui l'état des journaux fournit des observations remarquables. D'abord, les feuilles révolutionnaires, malgré

les nuances qui les distinguent, s'accordent à diriger des attaques perpétuelles contre l'autorité catholique: elles sentent qu'elle est leur ennemi capital. Elles la poursuivent partout, dans les instructions de ses pasteurs, dans ses missionnaires, ses corporations enseignantes, son culte, sa constitution : elles poussent un cri d'alarmes, dès qu'elle paroît reprendre quelque influence: le vœu le plus cher du parti seroit de l'isoler entièrement de la société. Il faudroit qu'elle ne parût pour rien dans les choses humaines, et, tandis qu'il protège toutes les sectes indépendantes, il la condamne à une sorte d'ostracisme politique, parcequ'il s'ennuie de l'entendre appeler reine du monde.

Mais ce qu'il faut bien remarquer, c'est que l'opinion révolutionnaire, outre ses nombreux journaux quotidiens, a de plus un ouvrage périodique, consacré à l'exposition raisonnée de toutes ses doctrines, et cet écrit a formellement avoué que les doctrines monarchiques appuyées sur la base catholique sont les senles qui ne soient pas contradictoires, et par conséquent les seules qu'il redoute.

Ne parlons point ici de certains journaux assez répandus, qui, faibles adversaires de l'incrédulité, amis peu fidèles de la religion, l'honorent d'un langage respectueux, et l'attristent de temps en temps par des opinions ennemies.

En rendant un juste hommage à ceux des journaux, soit quotidiens, soit hebdomadaires, qui défendent noblement la cause de la religion, nous devons remarquer que ces écrits,

obligés d'alimenter la curiosité publique par les nouvelles dé taillées de chaque jour, et de renfermer souvent leurs discussions dans le cercle borné des intérêts du moment, ne comportent pas une exposition pleinement développée des doctrines catholiques, appliquées aux besoins actuels de la société, ni une réfutation complète de toutes les opinions philosophiques, deux choses qui sont l'objet de l'ouvrage périodique que nous annonçons.

Pour atteindre ce but, le Mémorial catholique s'efforcera de faire bien connoître, sous toutes ses faces, l'état actuel de l'esprit humain, en religion, en philosophie, en littérature. Cette connoissance, peu commune, est d'une extrême importance. Pour agir sur le siècle, il faut l'avoir compris.

En second lieu, tous les ouvrages, soit religieux, soit hétérodoxes, qui paroissent en Europe et qui méritent d'être remarqués, y seront, les uns, analysés avec une certaine étendue, les autres, méthodiquement réfutés. Sous ce double. rapport, le Mémorial catholique remplit un vœu que forment tous les amis de la religion; car, d'une part, le plus grand nombre d'entre eux ne pourroient, sans d'extrêmes difficultés, se procurer et lire les bons livres qui paroissent chez les diverses nations, et sont écrits en des langues différentes; d'autre part, les auteurs qui défendent la religion dans notre siècle ne peuvent point s'astreindre et ne doivent pas s'abaisser à réfuter, dans des ouvrages faits exprès, toutes les productions de la philosophie: dès lors un écrit de la nature

de celui-ci, qui comporte des discussions étendues, devient la place naturelle de ces réfutations.

La politique, dans le sens que l'on attache aujourd'hui à ce mot, n'entrera pas dans le plan de cet ouvrage. Ses rédacteurs abandonneront aux journaux la discussion des intérêts du moment et l'examen des actes du ministère; ils espèrent servir d'une manière plus utile le pouvoir et la société, en proclamant cette politique toute chrétienne qui, durant quinze siècles, guidoit l'Europe vers la perfection sociale, et dont on s'est écarté depuis, pour y substituer une politique inférieure à celle des sociétés païennes.

La législation ecclésiastique et civile fixera l'attention du Mémorial catholique. Les rapports nouveaux de l'Eglise avec l'Etat, modifiant l'application du droit canonique, en ont fait en quelque sorte une science toute nouvelle, qu'il est nécessaire de ne pas négliger plus long-temps; et la législation civile, isolée parmi nous de la religion, doit être l'objet des discussions les plus graves.

La littérature, comme l'a dit un écrivain célèbre, est l'expression de la société, dont la décadence ne manque jamais en effet d'entraîner la décadence du goût. Il y a des hérésies en littérature, dont le principe est dans l'indépendance du goût particulier ; il y a une orthodoxie littéraire dont la règle est dans le goût général. Le Mémorial catholique poursuivra le principe d'erreur jusque dans la littérature, à laquelle s'applique aussi le principe commun de toutes les vérités.

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