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tions qu'il pourra; peu lui importe quelles elles soient, pourvu que nous ayons la guerre civile. L'étranger soufflera même, comme je l'ai dit, la discorde entre les partis qu'il aura fait naître, afin de les grossir et de laisser la révolution isolée. Tout parti est donc criminel, parce qu'il est un isolement du peuple et des sociétés populaires, et une indépendance du gouvernement; toute faction est donc criminelle, parce qu'elle tend à diviser les citoyens; toute faction est donc criminelle, parce qu'elle neutralise la puissance de la vertu publique.

» La solidité de notre République est dans la nature même des choses. La souveraineté du peuple veut qu'il soit uni: elle est donc opposée aux factions; toute faction est donc un attentat à la souveraineté.

» Les factions étaient un bien pour isoler le despotisme et diminuer l'influence de la tyrannie: elles sont un crime aujourd'hui, parce qu'elles isolent la liberté et diminuent l'influence du peuple.

» Voilà l'esprit des factions. L'étranger a médité les causes du renversement de la tyrannie parmi nous, et veut les employer pour renverser la République.

» Citoyens de toute la France, si vous avez un cœur né pour le bien et pour sentir la vérité, vous concevrez maintenant les piéges de vos ennemis; vous vous unirez en état de souverain pour résister à tous les partis.

» Il ne faut point de parti dans un état libre pour qu'il puisse se maintenir; il faut que le peuple et le gouvernement les répriment, par la seule raison qu'ils sont favorables aux projets de l'étranger, comme je l'ai dit. Représentans du peuple, c'est à vous de saisir d'une main hardie le timon de l'état, de gouverner avec fermeté, et d'en imposer aux factions scélérates. Ceux qui font des révolutions ressemblent au premier navigateur, instruit par son audace. L'étranger ne sait pas jusqu'où nous sommes susceptibles de porter l'intrépidité; il fera chaque jour, et aujourd'hui même après ce rapport, la triste expérience des vertus et du courage que sa férocité nous impose; en vain il aura tenté

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de tout corrompre parmi nous; il nous aura ôté nos vices à force de crimes et de supplices, et nous rendra plus puissans, parce que nous serons devenus des hommes, et que l'Europe aura conservé son avarice: ces temps difficiles passeront. Voyez-vous la tombe de ceux qui conspiraient hier? la voyez-vous déjà auprès de celle du dernier de nos tyrans? L'Europe sera libre à son tour; elle sentira le ridicule de ses rois: nous lui devrons quelques vertus ; elle en aura l'exemple; elle honorera nos martyrs. Nous saurons nous accoutumer aux privations: mais si son commerce cesse un moment d'assouvir son avidité, que deviendrat-elle? Voyez-vous aussi les tombes des rois qui nous font la guerre? Voyez l'Europe ébranlée les poursuivre! Nous aurons avant elle une génération élevée dans la liberté, source éternelle de prépondérance, qui l'aidera à s'affranchir de ses rois sauvages ; et ne sont-ils point des sauvages ceux qui attaquent notre indépendance et qui ourdissent tant de crimes?

» Les relations que nous nous sommes ménagées nous ont appris que les alliés n'ouvriraient point la campagne, pour ne point distraire le peuple par des événemens de la guerre des mouvemens qu'il prépare dans l'intérieur et dans Paris. C'est une campagne de crimes, une campagne de troubles, de corruption, de famine qu'on nous prépare. Pour voiler ce dessein, le colonel Mack doit faire des menaces continuelles, qui, sans danger pour les alliés, les feront redouter.

› Pendant ce temps il s'ourdissait une conjuration pour renverser le gouvernement actuel et la représentation, pour y substituer une régence qui aurait ménagé et avait promis le retour des Bourbons. On a remarqué de la joie parmi les émigrés réla paix pandus en Europe. L'étranger devait ensuite proposer à la régence usurpatrice et aristocratique, et reconnaître son autorité. Il y a pour trois milliards d'assignats d'imprimés à Bruxelles et à Francfort, et affectés sur les biens des patriotes de France, avec lesquels on devait établir des bureaux d'échange des assignats républicains dans tous les districts. Les moyens d'exécution étaient la destruction de la représentation, d'abord

ensuite par

par le scandale et le dégoût des hommes corrompus, le fer. Les nobles et les étrangers sont dans le complot. Il y a dans Paris des émigrés: on en a arrêté au palais de l'Égalité; on en arrête tous les jours ils ont troublé Paris ces jours derniers, ils le troubleraient de nouveau si vous n'extirpiez le mal dans sa racine. Allez chercher ces scélérats chez les banquiers: ils sont en pantalons; leurs propos sont révolutionnaires; on n'est jamais à leur hauteur; ils concluent toujours par un trait délicat dirigé avec douceur contre la patrie. Un patriote est celui qui soutient la République en masse ; quiconque la combat en détail est un traître.

› Des mesures sont déjà prises pour s'assurer des coupables; ils sont cernés. Il reste à prendre des mesures pour arrêter le plan de corruption, plus pernicieux que les fureurs des conjurés mêmes; ces mesures nous vous les proposerons dans une loi sévère, mais juste. Rendons grâce au génie du peuple français de ce que la liberté est sortie victorieuse de l'un des plus grands attentats que l'on ait médités contre elle ! Le développement de ce vaste complot, la terreur qu'il va répandre, et les mesures qui vous seront proposées, débarrasseront la République et la terre de tous les conjurés. Que tous les citoyens veillent sur la sûreté du peuple, en même temps que le gouvernement pour. suivra les conspirateurs. La guerre sera continuée avec fureur. Plus de repos que les ennemis de la révolution et du peuple français ne soient exterminés! Plus de pitié, plus de faiblesse pour les coupables qui osent attenter à la liberté de leur patrie!

› Nous vous rendrons un compte honorable des périls dont nos devoirs nous auront environnés : les conjurés bravent la vertu; nous les bravons eux-mêmes. Agrandissons nos ames pour embrasser toute l'étendue du bonheur que nous devons au peuple français: tout ce qui porte un cœur sensible sur la terre respectera notre courage. On a le droit d'être audacieux, inébranlable, inflexible, lorsqu'on veut le bien.

› Peuple, punis quiconque blessera la justice; elle est la garantie du gouvernement libre: c'est la justice qui rend les hommes

égaux. Les hommes corrompus sont esclaves les uns des autres ; c'est le droit du plus fort qui fait la loi entre les méchans. Que la justice et la probité soient à l'ordre du jour dans la république française!

Le gouvernement désormais ne pardonnera plus de crimes. Peuple, n'écoute plus les voix indulgentes, ni les voix insensées; chéris la morale; juge par toi-même; soutiens tes défenseurs ; élève tes enfans dans la pudeur et dans l'amour de la patrie; sois en paix avec toi-même, en guerre avec les rois : c'est pour te ralentir contre les rois qu'on veut te mettre en guerre avec toimême. Quoi! l'on a pu te destiner à languir sous une régence de tyrans qui t'auraient rendu les Bourbons! Quoi! tout le sang de tes enfans morts pour la liberté aurait été perdu! Quoi! tu n'aurais plus osé les pleurer ni prononcer leur nom! La statue de la liberté aurait été détruite, et cette enceinte souillée par le reste impur des royalistes et des rebelles de la Vendée ! Les cendres de tes défenseurs auraient été jetées au vent! Loin de toi ce tableau ! Ce n'est plus que le songe de la tyrannie; la République est encore une fois sauvée. Prenez votre élan vers la gloire; nous appelons à partager ce moment sublime tous les ennemis secrets de la tyrannie qui, dans l'Europe et dans le monde, couteau de Brutus sous leur habit.

portent le

> Il vous sera fait dans quelques jours un rapport sur les personnages qui ont conjuré contre la patrie: les factions criminelles seront démasquées, nous les environnons. L'intérêt du peuple et de la justice ne permet pas qu'on vous en dise davantage, et ne permettait point qu'on vous en dît moins, parce que la loi que je vais vous proposer était instante, et devait être motivée. »

Saint-Just proposa le décret suivant, qui fut adopté sans discussion et à l'unanimité :

› La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrète :

Le tribunal révolutionnaire continuera d'informer contre les auteurs et complices de la conjuration ourdie contre le peuple

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français et sa liberté; il fera promptement arrêter les prévenus et les mettra en jugement.

› Sont déclarés traîtres à la patrie, et seront punis comme tels, ceux qui seront convaincus d'avoir, de quelque manière que ce soit, favorisé dans la République le plan de corruption des citoyens, de subversion des pouvoirs et de l'esprit public; d'avoir excité des inquiétudes à dessein d'empêcher l'arrivage des denrées à Paris ; d'avoir donné asile aux émigrés; ceux qui auront tenté d'ouvrir les prisons; ceux qui auront introduit des armes dans Paris dans le dessein d'assassiner le peuple et la liberté; ceux qui auront tenté d'ébranler ou d'altérer la forme du gouvernement républicain.

› La convention nationale étant investie par le peuple français de l'autorité nationale, quiconque usurpe son pouvoir, quiconque attente à sa sûreté ou à sa dignité, directement ou indirectement, est ennemi du peuple, et sera puni de mort.

› La résistance au gouvernement révolutionnaire et républicain, dont la Convention nationale est le centre, est un attentat contre la liberté publique. Quiconque s'en sera rendu coupable, quiconque tentera, par quelque acte que ce soit, de l'avilir, de le détruire ou de l'entraver, sera puni de mort.

› Le comité de salut public destituera, conformément à la loi du 14 frimaire, tout fonctionnaire public qui manquera d'exécuter les décrets de la Convention nationale ou les arrêtés du comité, ou qui se sera rendu coupable de prévarication ou de négligence dans l'exercice de ses fonctions; il le fera poursuivre selon la rigueur des lois, et pourvoira provisoirement à son remplacement.

› Les autorités constituées ne pouvant déléguer leurs pouvoirs, elles ne pourront envoyer aucun commissaire au dedans ni au dehors de la République sans l'autorisation expresse du comité du salut public; les pouvoirs ou commissions qu'elles peuvent avoir donnés jusqu'à ce moment sont annulés dès à présent; ceux qui, après la promulgation du présent décret, oseraient en continuer l'exercice, seront punis de vingt ans de

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