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Cette théorie fi fimple, & la feule bonne, fera détruite par le fait, toutes les fois que l'action immédiate du Gouvernement ne s'arrêtera pas à l'Admistration de Département, & ira toucher les Diftricts fans intermédiaires, & toutes les fois que les Districts pourront fe rattacher directement au Gouvernement en éludant l'intermédiaire de l'Administration de Département il réfulteroit de-là une désorganisation abfolue dont il eft aifé de prévoir tous les mauvais effets.

Il faut être d'autant plus en garde fur ce point, que les Administrations de District n'auront toujours naturellement que trop de tendance à fecouer le joug constitutionnel de la fubordination qui les foumet aux Administrations de Département; que dans ce moment-ci ces mouvemens corrupteurs de la conftitution adminiftrative fe manifeftent dans un grand nombre de Districts; qu'ils ne font actuellement que le fruit, de l'inexpérience, mais qu'ils pourront un jour être produits par de mauvaises intentions; & qu'enfin, fi on les provoque dans l'opinion par des inftitutions partielles qui leur foient favorables, on fournit au Gouvernement le moyen le plus dangereux de fubvertir la Conftitution.

Ceci pofé, voyons comment doit fe faire le verfement de l'impôt. Le fyftême de fa répartition eft trèsconforme à l'organisation adminiftrative. La Puiffançe publique, qui n'agit immédiatement que fur les quatre-vingt-trois Départemens, répartit l'impôt entre

les quatre-vingt-trois Départemens; ce font eux qui doivent lui rendre les fommes auxquelles chacun d'eux eft taxé; ce font eux qui font la fous répartition entre leurs Districts, & cette fous- répartition est étrangère à l'Administration générale qui n'y intervient point; il en eft de même de la feconde fous-répartition que chaque District fait entre fes Municipalités. Pour être conféquent à cette opération, qui eft parfaitement dans les principes de la conftitution administrative, il faut que le Département, taxé d'abord par la Puissance publique, perçoive fur les contribuables de fon reffort, par les deux Intermédiaires de fes Diftricts & de fes Municipalités, le montant de fa taxe, la verfe au Tréfor public, & qu'il n'y ait fur-tout cela de correfpondance directe du Tréfor public qu'avec le Dépar

tement.

Si cela ne fe fait pas ainfi, fi les Districts font autorifés à verfer immédiatement au Trésor-public, il en réfulte cette première inconféquence, que la Puif fance publique qui n'a que quatre-vingt trois unités (les quatre-vingt-trois Départemens) pour faire fa taxe, en acquiert cinq cent quarante trois (les Diftricts) pour la perception & le versement; & que les Districts qui n'ont connu que le Département pour leur taxe, répondent de fon exécution à un autre fupérieur immédiat qui ne les a pas taxés; il en résulte encore cet autre abus, que le Gouvernement s'établit en correfpondance directe avec les Districts; que lefdits Districts fe trouvent attachés au Gouvernement fans l'intermédiaire du Département; que les Dépar

temens fe trouvant ainfi mis à l'écart dans la partie d'adminiftration qui eft le nerf & le pivot de toutes les autres, les Districts s'en autoriferont pour chercher à les écarter dans les autres parties; que ce tiraillement intérieur qui fe montre déjà, fera des progrès funeftes, & que le Gouvernement établi an relation avec les Districts pour l'impôt, en pourra abufer lorfqu'il y trouvera fon compte, pour brouiller l'Adminiftration intérieure & décréditer ainfi la nouvelle Constitution dans l'opinion des Peuples.

par

Rien de cela n'arrive, au contraire, fi dans la tie de l'impôt comme dans les autres branches de l'Administration, le Département reste ce qu'il doit être, tant à l'égard du Gouvernement que dans fon intérieur. Il doit être tout vis-à-vis du Gouvernement; & comme c'eft lui qui eft taxé, c'est à lui de percevoir, & de verfer au Tréfor public. Celui-ci ne doit pas plus connoître les Agens intérieurs du Département pour la perception, qu'il ne les a connus pour la taxe: de même le Département est tout pour les Districts; c'est par lui qu'ils ont été taxés, c'est à lui qu'ils doivent verfer, & ils ne doivent pas plus connoître l'action directe des Agens du Tréfor public, qu'ils ne connoiffent immédiatement les autres Agens en chef de l'Administration générale.

Ces principes font auffi les plus fûrs pour l'efficacité & l'accélération du recouvrement de l'impôt. Ce feroit s'abufer que de croire que les Receveurs de Diftricts difféminés dans tout le Royaume, dans les plus

petits lieux & dans les distances les plus éloignées du Tréfor public, feront utilement ftimulés par la furveillance directe des Agens du Tréfor public. Les Receveurs de Districts auront plus beau jeu pour l'élider par des prétextes, & il y aura toujours plus de lenteur & de négligence dans les correfpondances.

Si l'on dit qu'on emploiera toujours l'autorité & la furveillance des Départemens fur les Diftris, & qu'il n'eft pas befoin pour cela que les Départemens ayent la caiffe, il eft aifé de fentir que ce moyen reftera bien foible tant que les Départemens ne feront pas véritablement intéreffés à fon efficacité; ils ne peuvent l'être qu'autant que fe trouvant les vrais & directs débiteurs du Tréfor public, ils feront leur propre affaire de l'exactitude du verfement, & qu'ils y trouveront leur propre honneur intéreffé : d'ailleurs, leur ftimulation fur les Diftricts perdra de fon poids, & s'affoibdira beaucoup dans l'opinion des Districts, quand ceux-ci ne fe regarderont débiteurs de rien au Département ; quand ils verront celui-ci mis à Pécart dans l'opération du verfement, & quand enorgueillis par leur correfpondance directe avec le Tréfor public, il leur fuffira de répondre au Dépar tement qu'ils s'entendent avec le Tréfer- public, &c., &c.

On ajoute que, même fous le point de vue de l'Adminiftration générale des Finances, il faut confidérer que le Tréfor public a fes dépenfes fixes tous Jes mois : il faut donc que fes rentrées le foient

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auffi. On fuppofe que dans le nombre des cinq cent quarante-trois Receveurs de Districts, il y en ait deux cents dont les verfemens foient en retard: avant que PAdministration générale à Paris ait reconnu ce défaut de verfement, d'un bout du Royaume à l'autre, qu'elle en ait inftruit les Administrations de Départemens, que celles-ci en ayent donné connoiffance aux Directoires de Diftricts; que la vérification foit faite, que les réponfes des Directoires de Districts parviennent à l'Administration de Département; qu'enfin la contrainte foit décernée contre les Receveurs; quel temps perdu! quel retard ponry le Tréfor public dont le fervice fixe ne peut être affujetti à toutes ces variations, fans l'expofer infailliblement à manquer, & fans entraîner les plus grands défordres!

Le Tréforier que l'on vous propofe d'établir dans cha que Département, fera le point central où tousles Rece veurs de Districts devront verfer à des époques détermi¡ nées; il décernera les contraintes vifées par l'Administra tion de Département contre ceux qui y manqueroient, & ceux-ci les décerneront contre les contribuables en retard. Cette marche fera plus rapide; l'Adminiftration générale à Paris n'aura plus que quatre-vingt-trois Cor-, refpondans, au lieu de cinq cent quarante-trois. Le fervice du Tréfor public ne fera plus interrompu, parce que les Tréforiers devront toujours lui faire bon des fommes qu'ils auront pris l'engagement de lui payer tous les mois, & l'on évitera les cafcades innombrables qu'entraîneroient néceffairement la correfpondance

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