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selon les plans des objets; que celles qui précèdent commandent toujours celles qui suivent; que les endroits de demi-teintes auprès des lumières soient moins chargés de tailles que les reflets et les ombres; que les premières, secondes et troisièmes fassent avancer ou fuir de plus en plus ; que chaque chose ait son travail propre: que la figure, le paysage, l'eau, les draperies, les métaux en soient caractérisés; produisez le plus d'ef fet avec le moins de copeaux.

Un mot encore, mon ami, de la gravure noire et de la gravure au crayon, et je vous laisse.

La gravure noire (1) consiste à couvrir toute une surface de petits points noirs qu'on adoucit, affoiblit, amattit, efface de-là les ombres, les reflets, les teintes, les demi-teintes, le jour et la nuit. Dans la

(1) Les Anglais sont nos maîtres dans la gravure en noir ; il se fait à Londres de très-beaux ouvrages en ce genre. A Paris, on ne grave point du tout en manière noire (1766). Nos artistes n'en font pas même de cas; ils prétendent qu'elle manque de vigueur et de force. Je crois qu'ils poussent leur aversion trop loin, et qu'il est des sujets tendres et doux auxquels cette gravure convient merveilleusement.

taille-douce, tout est éclairé; le travail introduit l'ombre et la nuit. Dans la gravure noire, la nuit est profonde: le travail fait poindre le jour dans cette nuit.

La gravure au crayon est l'art d'imiter les dessins au crayon. Belle invention qui a sur tous les genres de gravures l'avantage de fournir des exemples à copier aux élèves. Celui qui dessine d'après la tailledouce, se fait une manière dure, sèche et arrangée.

Le procédé de la grayure au crayon diffère peu de celui de la manière noire; ce sont des points variés, sans ordre, qu'on laisse séparés ou qu'on unit en les écrasant: travail qui imite la neige, et donne à l'estampe l'air d'un papier sur les petites éminences duquel le crayon a déposé sa poussière. C'est un nommé François qui l'a inventée; celui qui l'a perfectionnée s'appelle Marteau, ou Desmarteaux (1).

(1) Ces deux graveurs se sont disputés l'honneur de cette invention, qui leur appartient peut-être à tous deux. Au reste, voilà une véritable invention que nous avons vu se faire et se perfectionner sous nos yeux”, sans que personne ait presque daigné en parler, tandis que la peinture en caustique, qui n'a pas fait faire ua

La gravure conserve et multiplie les fableaux; la gravure au crayon multiplie et transmet les dessins.

Je ne dirai de la gravure en médailles qu'une chose, c'est que la gloire des souverains est intéressée à l'encourager. Les beaux médaillons, les belles monnoies donneront un plus grand lustre à leur règne. Plus ils auront exécuté de grandes choses, plus ils ont droit de penser que les hommes à venir seront curieux de voir les images de ceux dont l'histoire leur transmettra les hauts faits.

Passons maintenant aux morceaux de gravure qu'on a exposés au sallon cette année.

COCHI N.

ILy a de Cochin un frontispice pour l'En

cyclopédie; c'est un morceau très-ingénieusement composé. On voit en haut la Vérité tableau médiocre, s'est fait prôner deux ou trois ans de suite, Cette manière d'imiter les dessins au crayon par la gravure, influera sensiblement sur les progrès de l'art en Europe, et sera d'une utilité infinic. Elle mérite de faire époque dans l'histoire de l'art.

entre la Raison et l'Imagination; la Raison qui cherche à lui arracher son voile, l'Imagination qui se prépare à l'embelli. Audessous de ce groupe, une foulé de Philosophes spéculatifs. Plus bas, la troupe des Artistes. Les Philosophes ont les yeux attachés sur la Vérité. La Métaphysique orgueilleuse cherche moins à la voir qu'à la deviner; la Théologie lui tourne le dos et attend sa lumière d'en-haut. Il y a certaine ment dans cette composition une grande variété de caractères et d'expressions; mais les plans n'avancent, ne reculent pas assez. Le plus élevé devroit se perdre dans l'enfoncement; le suivant, venir un peu en avant ; le troisième, y être tout-à-fait. Si la gravure réussit à corriger ce défaut, le morceau sera parfait.

Du même, plusieurs dessins allégoriques relatifs à des événemens passés sous les règnes de nos rois. Ces dessins doivent être gravés pour une nouvelle édition de l'Abrégé chronologique du président Hénault. L'esprit, la raison, le pittoresque, tout y est, et les têtes, et les expressions, et l'ensemble des figures, et la composition. Cet artiste, homme d'esprit et homme de plaisir, grand dessina

teur, autrefois graveur du premier ordre, n'auroit fait que ces dessins (1), qu'ils suffiroient pour lui assurer une réputation

solide.

(1) Il a fait depuis une estampe à l'honneur de feu M. le Dauphin. On voit en haut les armes de ce prince rayonnantes de gloire ; au bas, la mort qui a déchiré un grand voile qui déroboit un nombreux cortège de vertus désignées par leurs attributs ; à droite et à gauche, il y a les lambeaux du voile déchiré. Cette idée est ingénieuse. L'auteur a demandé à M. Diderot une inscription pour cette estampe, et celui-ci lui a donné à choisir entre les trois suivantes :

Scindit se nubes, et in æthera purgat apertum. C'est ce que Virgile dit d'Enée, lorsque le nuage s'étant ouvert, il parut aux yeux des Carthaginois.

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Ou bien celle-ci, qui paroît faite exprès pour l'estampe :

Velum

Scinditur, et vitæ gloria morte patet. (Vers d'Ausoñe.) Ou bien ce vers-ci, de la fabrique du philosophe :

La mort a révélé le secret de sa vie.

Ce vers me paroit aussi beau que simple.

L'inscription qu'on a faite pour le mausolée du comte de Caylus est d'un caractère différent. Vous savez que ce célèbre amateur a ordonné, par son testament, de mettre sur sa tombe une urne étrusque sans autres accessoires. La fabrique de la paroisse Saint-Germainl'Auxerrois s'occupe actuellement de ce monument, ct LEBAS.

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