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vérité. La tête et le col sont à tromper. La finesse et le précieux de ce morceau arrêtent et font plaisir. Si je ne craignois qu'on m'accusât de m'arrêter à des misères, je dirois que les brins d'osier du panier sont trop faiblement touchés par devant, et que c'est le contraire aux brins de paille qui sortent du panier par derrière.

DE MA CHY.

LEs belles études qu'il y auroit à faireļau Salon! Que de lumières à recueillir de la comparaison de Vanloo avec Vien, de Vernet avec Leprince, de Chardin avec Roland, de Machy avec Servandoni! Il faudroit être accompagné d'un artiste habile et véridique, qui nous laisseroit voir et dire tout à notre aise, et qui nous coigneroit de temps-en-temps le nez sur les belles choses que nous aurions dédaignées, et sur les mauvaises qui nous auroient extasiés. On ne tarderoit pas à s'entendre au technique. Four l'idéal, cela ne s'apprend pas; mais celui qui sait juger un poëte sur ce point, sait aussi

juger un peintre. Il y auroit seulement quelques sujets où le Cicerone nous feroit sentir que l'artiste a préféré telle action moins vraie, tel caractère plus foible, telle position moins frappante, à d'autres dont il ne méconnoissoit pas l'avantage, mais où il y avoit plus à perdre qu'à gagner pour l'ensemble. De Machy, vu tout seul, peut obtenir un signe d'approbation; placé devant Servandoni, il fait pitié. En voyant l'un'agrandir de petites choses, on sent que l'autre en rapetisse de grandes. Le coloris ferme et vigoureux du premier fait sortir le papier mâché, le gris, le blafard du second. Quelqu'obtus qu'on soit, il faut être frappé de la fadeur, de l'insipidité de celui-ci, mises en contraste avec la verve et la chaleur de celui-là.

Allons au fait.

Le Portail de Sainte-Geneviève, le jour que le Roi en posa la première pierre.

Ce Portail, qui est grand et noble, est devenu sous le pinceau de Machy un petit château de cartes. Ce concours, ce tumulte du peuple où il y eut plusieurs citoyens bles

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sés, étouffés, écrasés, on n'en voit pas trace chez M. de Machy; mais à la place, de petits bataillons quarrés de marionnettes bien droites, bien tranquilles, bien de file les unes à côté des autres, la froide symétrie d'une procession, à la place du désordre et du mouvement d'une grande cérémonie. Il n'y a là ni verve, ni variété, ni caractère, ni couleur, ni esprit. Nul effet général. Ton blafard. Cochin vaut infininiment mieux dans ses Bals de la cour.

La Colonnade du Louvre, second tableau de Machy, ne donne aucune idée de la chose. Il n'y a là de surprenant que l'art du peintre de réduire à rien un des plus grands, des plus imposans monumens du monde. Ecrivez sous ce morceau, magnus videri, sentiri parvus; car c'est tout au rebours de Servandoni. Machy sait rendre petit et mesquin ce qui est noble et grand.

Le passage sous le péristile du Louvre,du côté de la rue Fromenteau, troisième morceau. Peint gris. Grande architecture appauvrie; c'est le talent particulier de l'homme. Il y a cependant un rayon de soleil, qui vient du dedans de la cour, qui a l'effet.

de

La

La Construction de la nouvelle Halle, quatrième morceau, est plate, toujours grise, sans entente de lumière. C'est un vrai tableau de lanterne magique. Comme il montre des grues, des échafauds, du fracas, et qu'il papillotte bien d'ombres noires, très-noires et de lumières blanches, très-blanches, je suis persuadé que, projetté sur un grand drap, il réjouiroit beaucoup les enfans.

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Je ne sais ce que c'est que ses autres ruines; ni moi, ni personne.

ni vous,

DROUAIS, Portraitiste.

BIEN

mes remercîmens à M. Drouais avec les vôtres vous m'entendez. Tous les visages de cet homme-là ne sont que le rouge vermillon le plus précieux, artistement couché sur la craie la plus fine et la plus blanche. Passons tous ces portraits, vîte, vîte, pour nous arrêter un moment devant ce jeune homme vêtu à l'espagnol et jouant de la guittarre. Il est certain qu'il est charmant de caractère, d'ajustement et de visage, et que si un enfant de cet âge et de cette figure se

T

promenoit au Palais-Royal ou aux Tuileries, il arrêteroit les regards de toutes nos femmes," et qu'à l'église il n'y a point de dévote qui n'en eût quelque distraction; mais il est beau comme toutes nos dames que nous voyons passer, dans leurs chars dorés, sur le boulevard, surchargées de rouge et de pompons. Il n'y en a pas une de laide dans le fond de sa voiture, et pas une qui ne déplût sur la toile. Ce n'est pas de la chair; ear où sont la vie, l'onctueux, le transparent, les tons, les dégradations, les nuances? C'est un masque de cette peau fine dont on fait les gants de Strasbourg. Aussi ce jeune homme, attrayant par sa jeunesse, la grace de sa position, le luxe et le goût de son ajustement, est-il froid, insipide et mort!

Vous voulez, mon ami, que je vous dise un mot de ce petit anglais à cheveux courts, plats et sans poudre, à chemise sans manchettes, en habit gris, chapeau sous le bras, ajusté en un mot comme tous les enfans d'Angleterre (1). Supposez-lui une couleur

(1) Le petit espagnol est le marquis de la Jamaïque, fils du duc de Berwick, à qui l'on a seulement un peu éclairci le teint espagnol et jaunâtre. Le second est le

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