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Plusieurs petits tableaux des mœurs de la Russie.

Quelques paysans se disposent à passer un bac, et se reposent en attendant. Mais pourquoi se reposent-ils simplement? Est-ce qu'il n'y avoit pas moyen de varier ce repos? C'est le moment où une femme peut donner à tetter à son enfant; où des paysans peuvent compter ce qu'ils ont gagné; où, s'il ya un jeune garçon et une jeune fille qui s'aiment, ils se le marqueront par quelques caresses furtives. Le batelier n'en viendra pas moins vite. Ces montagnes qui sont à droite me semblent vraies. J'oserai dire que ces eaux ne sont pas mal, au hazard de faire. rire Vernet, s'il m'entendoit. Ce rivage est bien. Si ces passagers qui attendent ne font que cela, ils le font naturellement, et ce passeur ne me déplaît pas.

PONT DE LA VILLE DE NERVA.

C'est peut-être une grande fabrique sur les lieux. Elle peut en imposer par sa masse, surprendre par la bizarrerie de sa construction, effrayer par la hauteur de ses arches. Ce sera, si l'on veut, le sujet d'une bonne planche dans un auteur de voyages; mais c'est une chose détestable en peinture. Si Vous me demandez ce que cela seroit devenu sous le crayon ou le pinceau de ce sorcier de Servandoni, je vous répondrai que je n'en sais rien. Pour Leprince, il n'en a fait qu'une plate composition. Le pont est maigre et sans effet. Ces masses aigues qui le soutiennent sont grossières, sans aucun de ces accidens qui en auroient rendu l'aspect piquant. Toute la montagne ést d'ocre. S'il y a quelque maître de forges dans les environs, il a tort de ne pas fouiller-là.”

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HALTE DE TARTARES.

On voit à droite des forêts, un chariot attelé et passant, un bout de roche. A-peuprès au centre, il y a sur un autre endroit où le terrein est rompu et forme une élévation, une femme debout et un homme assis. Vers la gauche, un Tartare ou un voyageur à cheval. Plus sur la gauche, d'autres Tartares. C'est sur l'élévation formée par la rupture ́du terrein, au centre de la toile, un peu au-delà, vers la gauche, près de la femme debout et de l'homme assis que la halte se fait. Si les moeurs sont vraies, ce morceau peut intéresser par-là; du reste, c'est peu de chose. Les objets n'y sont liés que pour l'oeil aucune action commune ne les enchaîne. En effet, qu'ont entr'eux de commun, ce chariot qui passe, cette femme debout, cet homme assis, ce voyageur à cheval? Qu'out-ils de commun avec la halte ou le sujet principal? Rien, qui se sente. Cela est placé là comme dans un tableau de genre, un mouchoir, une tasse, une soucoupe, une jatte, une corbeille de fruits; et à moins qu'il n'y ait dans le tableau de genre la plus

grande vérité de ressemblance et le plus beau faire, et dans un paysage tel que celui-ci, une grande beauté de site, avec la plus rigoureuse imitation des mœurs, cela ne signifie rien, et ne mérite pas d'être regardé.

Paysage avec figures vétues en différentes modes.

Ce paysage montre sur la droite une montagne. Un peu au-delà de la montagne,

des eaux avec des bateaux à bord. En avançant vers la gauche, d'autres montagnes qui occupent et forment le fond. Au centre de la toile, un traîneau en brancard tiré par un cheval. Sur ce traîneau, un panier dans lequel on voit un mouton et un veau. En allant toujours vers la gauche, un groupe d'hommes diversement vêtus qui se reposent. Puis, tine fabrique élevée sur pilotis. Sur cet espace piloté, un chariot. Près du chariot, un jeune-homme couché. Tout-à-fait à gauche, des eaux.

Il faudroit à toutes ces actions isolées un

peu plus de mouvement et d'intérêt; quelque chose dans les êtres animés qui refletât dụ sentiment sur les êtres inanimés; quelque chose dans ceux-ci qui fit de l'effet sur les premiers; en un mot, de l'invention, une convenance de scène particulière, un choix d'incidens. Il n'y a rien de tout cela. Tout homme qui sait dessiner seulement comme notre ami Carmontelle, sans avoir plus de verve que lui, n'a qu'à mettre les pieds hors des barrières, sur les cinq heures du soir, ou sur les neuf heures du matin, et il trouvera des sujets pour mille tableaux; mais ees tableaux ne pourront piquer la curiosité. Oh! si le faire étoit supérieur; si dans chaque figure l'imitation de la nature étoit à son dernier point; si c'étoit un gueux de Calot, ou un vielleux de Berghem, ou univrogne de Ténières, la vérité de l'objet en feroit oublier la pauvreté.

Nous venons de battre bien du pays. Je ne sais, mon ami, si vous en êtes aussi fatigué que moi; mais, dieu merci! nous voilà de retour. Asséyons-nous; délassonsnous. Si nous nous rafraîchissions, ce ne seroit pas trop mal fait. Nous quitterions

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