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ruraux, les bris de parcs et de clôtures, etc; 2o les droits de chasse, de pêche et de colombier accordés aux seuls gentilshommes possesseurs de fiefs; 3o des banalités, c'est-à-dire le pouvoir d'obliger ses vassaux à aller au moulin et au four seigneuriaux pour y faire moudre leur blé et cuire leur pain, ce qui donnait lieu à la perception de sommes minimes; 4 la taille et la corvée, c'est-à-dire la possibilité de leur imposer certaines prestations pécuniaires et certains travaux personnels réglés par l'abonnement; 5° la mortaille ou échute qui lui permettait de s'emparer des biens du serf décédé sans enfants ou sans parents lignagers de même condition demeurant avec lui; 6° le droit de formariage, dû par le serf lorsqu'il se mariait hors de la terre qu'il habitait, sans l'autorisation de son seigneur; -7° enfin le droit d'aubenage, percevable seulement sur la succession de l'aubain ou étranger, décédé sur la terre seigneuriale où il s'était fixé; celui-ci payait de plus, chaque année, au seigneur une taxe désignée sous le nom de chevage.

Ces droits entraînaient pour le suzerain les devoirs correspondants de défendre et de protéger ses vassaux contre les incursions du dehors et contre les ennemis du royaume, de leur rendre la justice quand ils l'en requéraient et de maintenir l'ordre parmi eux, faute de quoi il eût été réputé félon et mis au ban de la chevalerie.

Le domaine de Vauloger resta à la maison de ce nom jusqu'en 1393, année où JEAN III DE VAULOGER, chevalier, le vendit à Robert Guyon, écuyer'. A son tour, la famille de celuici conserva ce bien jusque vers 1500 ou 1510. A cette époque, Catherine Guyon, petite nièce de Robert, et fille unique de Jacques Guyon, écuyer, seigneur de Vauloger, et de Marguerite de Nocey, le porta en mariage à noble homme messire

1 Voir ci-après la Collection des chartes. Consulter aussi, pour les détails qui suivent. Sévigni ou une paroisse rurale en Normandie pendant les trois derniers siècles, par M. Victor des Diguières, Paris, Dumoulin, 1864; p. 158, 166, 167, 168, 179, 180 et 186.

Guillaume Caignon', président de la chambre des comptes du duc d'Alençon, chevalier, seigneur de Méheudin, Magny, Saint-Denys, le Bois de Commeaux en Sentilli, etc. De cette union naquirent trois filles. L'aînée, Françoise Caignon, dame de Vauloger, épousa vers 1540 Léonard ou Sonnard de SainteMarie, écuyer, seigneur de Sainte-Marie, dont elle fut la première femme et dont elle eut deux enfants. L'aîné, Jacqueline de Sainte-Marie, eut en partage, avec la seigneurie. de Sainte-Marie, celle de Vauloger, qui passa en de nouvelles mains par l'alliance que cette dame contracta, vers 1570, avec Antoine Le Chevalier, seigneur de Venoix, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi3. Leur petite-fille, Marguerite Le Chevalier, ayant épousé, par contrat passé devant les notaires de Boucey, le 12 mai 1626, Jacques Guyon, écuyer, seigneur de Villers, son cousin au quatorzième degré, fit rentrer la terre de Vauloger dans cette famille. Une de ses branches, qui en a adopté le nom au siècle dernier, l'a conservée jusqu'à nos jours. Mais elle en est sortie de nouveau par le mariage de M Louise-Aline Guyon de Vauloger qui a épousé, le 28 mai 1830, M. Louis-Gustave Révérend du Mesnil3, conservateur des hypothèques à Argentan, dont elle a eu plusieurs enfants.

La famille Révérend du Mesnil possède encore aujourd'hui

1 CAIGNON, ancienne noblesse, éteinte; armes d'azur à quatre bandes d'argent.

2 De SAINTE-MARIE, famille considérable, encore représentée; armes : de gueules à la fleur de lys d'argent.

3 LE CHEVALIER, famille importante, éteinte; armes d'azur au chevron d'or, accompagné de deux étoiles en chef et d'un poignard en pointe, le tout de même.

GUYON, Seigneurs de Vauguyon, de Corday, de Quigny, DE VAULOGER et des Diguères, bonne noblesse, bien alliée, encore représentée. Armes : d'argent au cep de vigne de sable fruité de trois grappes de raisin de gueules.

* RÉVÉREND DU MESNIL, branche cadette des Révérend, marquis de Bougy, famille anoblie en septembre 1594, pour services. Armes : écartelé, aux 1 et 4 de sinople à trois mouches d'or, aux 2 et 3 de gueules à l'aigle éployée d'argent.

la terre de Vauloger avec son vieux manoir féodal à toit aigu, tourelle engagée, fenêtres à meneaux et porte en anse de panier. A l'extrémité orientale de ce manoir, on remarque, dans le pignon, une vieille cheminée et une porte cintrée qui indiquent, à n'en pas douter, que, de ce côté, existaient jadis d'autres constructions beaucoup plus anciennes, et sans doute plus importantes, se reliant au logis actuel et qui ont été remplacées par un bas côté moderne1.

L'intérieur présente deux vastes pièces répétées au premier étage et même au grenier; de grandes cheminées en sont le seul ornement. Un escalier François I, en pierres blanches jusqu'au premier étage et en bois à partir de là, donne accès à ces pièces et descend jusqu'aux caves souterraines. La tourelle engagée, se trouvant à l'angle du vieux castel, paraît avoir été dans l'origine une niche d'escalier; elle est actuellement divisée en trois étages.

Les constructions portent le caractère de la première moitié du XVI siècle et, peut-être, de la fin du XV. La cour, carrée, assez vaste, est fermée au centre par deux portes cintrées d'inégale dimension. Enfin un colombier bien conservé donne un caractère seigneurial à cette vieille gentilhommière, devenue, comme tant d'autres, la résidence d'un fermier2.

Mais la seigneurie de Vauloger n'était pas le seul bien que la famille ainsi appelée possédât à Sentilli et ses domaines portaient le nom même de Sentilli comme s'étendant sur la plus grande partie de cette paroisse3.

1 Les anciens bâtiments, seuls, devaient remonter au temps des sires de Vauloger primitifs.

* Ces détails sont copiés dans le livre de M. des Diguères, sur Sévigni p. 180, 181.

3 Voici, d'après l'Almanach argenténois, de L. J. Chrétien, pour l'année 1842 (voir p. 221), la description féodale de Sentilli. Il y avait dans cette paroisse sept fiefs, savoir :- 1o Le tiers du fief de chevalier de Sentilli, tenu de Cuy; 2o et 3° les huitièmes de fief de Prulay et de Raveton, tenus 4o et 5o Le quart de fief du Bois de Commeaux, et le quart de fief de Vauloger tenus du roi sous Hiesmes; 6° et 7° le quart du fief de

de Sentilli;

Quels étaient ces autres biens?

On conçoit qu'aujourd'hui, en l'absence de documents détaillés, il est impossible de le préciser. La seule terre qu'on puisse désigner d'une manière certaine1 est le fief de Sentilli proprement dit, tiers de fief de Haubert, tenu de la baronnie de Cuy, alors possédée successivement par les maisons de Tilly et d'Harcourt, possessionnées aussi du comté de Montgommery dont cette baronnie relevait. De ce domaine dépendaient les deux arrière-fiefs de Prulay et de Raveton, huitièmes de fief de Haubert l'un et l'autre. Il est fort probable qu'originairement ils appartenaient aux sires de Vauloger, mais on ne peut l'affirmer que par le second2.

La seigneurie de Sentilli, un peu plus étendue que celle de Vauloger, était composée de la même manière, mais n'avait pas de château, ses possesseurs ayant fixé leur résidence sur le domaine voisin. Elle les obligeait aux mêmes services envers leur suzerain et leur donnait les mêmes pouvoirs sur leurs vassaux. Seulement, elle leur attribuait en outre, au moins en ces temps reculés, deux droits fort recherchés des gentilshommes et dont l'un surtout, le second, était considérable le droit de patronage et le droit de haute justice3. Le patronage consistait pour les seigneurs dans la désignation à chaque vacance de la cure de la paroisse où ils

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Mesley et le quart de fief de La Noë, tenus du Bois de Commeaux.

Il y a là une erreur et un oubli Mesley et La Noë n'étaient que des huitièmes de fief (d'après l'Extrait des fiefs existant à l'époque de 1758 dans la circonscription des domaines d'Argentan et d'Exmes, dressé par M. Raousset, inten lant de ce domaine et publiés dans l'Annuaire du département de l'Orne pour 1875; Alençon, de Broise, partie historique, voir p. 57). Les arrière-fiefs Dreux et Le Broillart, tenus de Vauloger, sont omis, - à moins qu'il y ait eu, depuis le XII siècle, pour ces deux terres, changement de nom et de mouvance et qu'on doive les confondre avec Prulay, Meslay ou La Noë.

1 Sévigni, p. 186.

2 D'après une charte de Richard de Sentilli-Vauloger, évêque de Séez (Voir ci-après.)

D'après une charte de Robert II de Vauloger (Voir ci-après.)

étaient patrons du nouveau prêtre destiné à y remplir les fonctions de curé. L'évêque diocésain ne pouvait se refuser à la nomination de ce prêtre que pour des raisons tout à fait majeures, tirées de ses mœurs, par exemple. Le patronage donnait lieu à des avantages marqués, privilèges honorifiques qui comprenaient particulièrement le droit de préséance sur toutes les autres personnes nobles habitant dans la paroisse; le même droit de primauté dans la distribution de l'eau bénite et du pain bénit; le droit d'occuper une place et un banc seigneurial d'honneur dans l'église, d'y être encensé, d'y avoir des prières nominales (Domine, salvum fac, etc.); le droit de faire sonner les cloches pendant quarante jours après le décès du seigneur patron; le droit de litres ou placement de ceintures funèbres armoriées peintes sur les murs de l'église; enfin le droit d'y recevoir sépulture ou d'avoir un caveau dans le sanctuaire, etc1.

La haute justice s'étendait aux causes civiles et criminelles les plus importantes. Elle comprenait la répression du meurtre, du rapt, de l'incendie, etc. Le seigneur haut-justicier pouvait condamner à tous les supplices alors en usage: les fers, l'exposition au pilori, la pendaison. Il avait le droit de dresser près de son château des fourches patibulaires*.

Les vassaux étaient convoqués par les sonneries des cloches aux plaids de justice qui se tenaient sous le porche de l'église paroissiale.

La seigneurie de Sentilli cessa d'appartenir aux Vauloger en 1393 aussi et passa par le même contrat de vente que Vauloger, aux mains des Guyon qui ne la conservèrent pas. Possédée

'Ces détails sont copiés dans le savant ouvrage de M. du Buisson de Courson, ancien sous-préfet, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, intitulé: Histoire généalogique des sires du Buisson : Caen, Le Blanc-Hardel, 1876, voir p. 81, 84, etc.

• Consulter à cet égard le Précis d'histoire du Droit français, par A. Gautier, p. 190.

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