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Il ne paraît pas que le comité ait fait une observation à cette arrestation absolument illégale. Il s'empresse d'arrêter que l'un de ses membres « se transportera sur-le-champ au bourg de Penhars accompagné d'un piquet de quinze volontaires de la garnison pour prendre des renseignements, et conduire au comité le citoyen Lagadec, curé ».

Le commissaire part aussitôt et sur les onze heures du soir il rentre. Il déclare que n'ayant pas trouvé le curé à « Penhars il a dû se transporter en compagnie du piquet à « la succursale de Pluguffan, lieu ordinaire de son domicile, où il a trouvé le curé, qu'il a sommé de se transporter à l'église pour vérifier les bannières. On a trouvé une ban<<nière parsemée de fleurs de lys et d'hermines qui a été << saisie. » Le maire et le curé sont entendus et laissés provisoirement en liberté.

Le 25 juin on écrit au comité qu'il y a « encore des armoiries sur diverses maisons de ci-devant en la commune d'Ergué Gabéric ». Le comité s'empresse de signaler le fait au district.

Enfin le 2 août, le comté reçoit cet important avis : « Il y a à Kerfeuntun, chez le citoyen Pennanguer, une selle revêtue des signes de la royauté, c'est-à-dire apparemment une vieille selle dont le pommeau est armorié. Le comité invite l'agent national à assurer l'exécution de la loi.

Est-ce assez d'exemples de niaiseries? Hélas! nous allons en trouver d'autres.

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Les comités n'avaient été chargés originairement que de l'arrestation et de la surveillance des suspects; mais le décret des 14-16 frimaire an II, (4-6 décembre 1793), confirmé le 18 nivôse suivant, miodifia la loi des 11 août, 30 septembre 1792, et associa le comité à la municipalité dans les fonctions de la police de Sûreté générale. Les comités pouvaient tout faire rentrer dans cette vague dénomination; et les représentants encouragèrent leur disposition à se mêler de tout.

Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, un caprice des représentants à Brest autorise la pêche de nuit. C'est le comité qu'il chargera de l'exécution de cet arrêté (13 mars 1794).

Le comité se flatte d'assurer l'ordre et la paix à Quimper et voici comme l'ordre est assuré le 28 février, Brutus David, adjudant général, donne avis que les gardes sont très mal composées, n'étant pour la plupart formées que de gens ivres. On vient de s'apercevoir que des malveillants ont pratiqué un trou à la poudrière. » Le comité arrête pour le lendemain « une conférencé générale du comité, de la municipalité et des officiers nationaux pour établir une garde propre à maintenir l'ordre. >>

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C'est pour le mieux; mais en prétendant assurer l'exécution des lois révolutionnaires, le comité lui-même fomentait l'agitation il froissait de vieilles habitudes qui devaient être plus fortes que ses vaines menaces. Ainsi il se mit en tête de faire observer rigoureusement le décadi, d'interdire les danses le dimanche, et (entreprise encore plus difficile) de faire porter la cocarde aux femmes qui s'obstinaient à ne pas s'en parer. Voici le texte des trois arrêtés, pris à cet égard. Sans y penser, le comité va nous apprendre combien le décadi était impopulaire.

Du 13 février « Cons' 1° Que la loi fixe le jour de la décade pour le jour du repos et qu'elle n'en reconnaît pas d'autre ; 2° Que cette loi n'est pas exécutée à Quimper ;

3° Qu'il est de son devoir d'en opérer l'exécution;

Arrête. Art. 1er. Toutes les boutiques seront ouvertes le dimanche, excepté le dimanche où se trouvera le décadi;

II. Elles seront fermées le décadi sans néanmoins préjudicier aux subsistances des citoyens ;

III. Ce jour tous les citoyens s'abstiendront de leurs travaux accoutumés. »

«Le comité de surveillance invite le corps municipal à veiller scrupuleusement à l'exécution de la loi qui concerne cet objet, à donner son adhésion à cet arrêté, et à faire connaître à

tous les citoyens ses sentiments à ce sujet; il invite de plus tous les vrais républicains à dénoncer tous les infracteurs ».

Pour la première fois, le comité doute de son pouvoir; il sollicite l'appui et l'influence de l'administration municipale. Encore n'est-ce pas assez, il fait appel à la délation; mais cet appel sera-t-il entendu ? Le lendemain (14 février) le comité arrête que « les dénonciations devront être signées. »>

Du 6 mai (17 floréal). « C' que les danses et autres divertissements se font, comme sous le régime barbare, dans les maisons et autres places publiques les fêtes et dimanches (vieux style), et qu'il n'y a de jours de repos et d'amusement dans le régime républicain que les jours de décadi, a arrêté d'écrire à la commune pour l'inviter à faire défense à tous aubergistes et autres personnes qui louent des appartements de les céder, pour de pareils divertissements, pour quelque prétexte que ce soit'.

Ainsi défense de danser autre jour que le décadi sous quelque prétexte que ce soit! Mais comment une noce se passerait-elle à Quimper sans danse ou sur la voie publique ou dans la salle de l'auberge? Faudra-t-il donc se marier le décadi? Mais l'officier municipal ne s'y prêtera pas. Le comité avait-il prévu cette difficulté ? Et puis, la sanction?... Le comité n'en parle pas.

Voici quelque chose de bien plus ridicule: Un décret du 21 septembre 1793 a enjoint aux femmes de porter la cocarde2. La coquetterie des Quimpéroises se rit de cette loi. Le comité n'entend pas la plaisanterie; et il va faire arrêter toute la population féminine de Quimper !

Du 1" ventôse (19 février). — - « Le comité justement surpris << que le décret relatif aux cocardes nationales se trouve pour ainsi dire paralysé par son inexécution presque générale

<< surtout de la part des femmes et filles de notre ville de

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'La phrase est incomplète : il est clair que la défense de louer est faite seulement pour les dimanches et fêtes du régime barbare.

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Quimper, arrête d'inviter la municipalité de faire faire une • bannie publique à l'effet de faire ponctueellment exécuter cette loi, à peine à tout contrevenant d'être arrêté et consigné par les gardes et patrouilles. >>

Ah! c'en est trop! une pareille menace est une maladresse parce que tout le monde sait qu'elle est inexécutable.

Mais ce n'est pas tout! Ces pauvres mendiants aveugles ou autres qui vont chantant par les rues, ils n'ont pas changé leur répertoire; et ils disent encore les vieux cantiques qu'ils ont appris enfants sur les genoux de leurs mères. Le comité ne leur fera pas grâce : vous allez voir en quels termes il en parle :

Du 17 floréal (2 mai)'. — « Arrête de l'inviter (la commune) à veiller à ce que les mendiants et autres personnes qui chantent dans le public des cantiques et chansons propres à propager le fanatisme et à renouveler le régime barbare... >

La phrase n'est pas finie et c'est grand dommage! Quelle exagération! Quelle importance donnée à ces pauvres rapsodes qui chantent pour gagner un morceau de pain! « Renouveler le régime barbare, c'est dans le style du comité, rétablir la royauté. » S'imagine-t-il donc que des chansons menacent l'existence d'une constitution que chaque jour luimême proclame impérissable!

La manie de toucher à tout, de se mêler de tout, entraîne le comité à de ridicules minuties. Ainsi on exploitait alors des mines de charbon de terre auprès de l'hospice; on minait; et les explosions avaient lieu un peu à toute heure. Le comité invite « le maire à faire bannir que les citoyens n'ont pas à. « s'inquiéter à quelle heure de jour ou de nuit qu'ils entendent le bruit de l'exploitation. » C'est supposer les citoyens bien craintifs (30 juin).

Une mutinerie a lieu dans une école primaire: Le comité envoie deux commissaires « pour observer aux jeunes élèves

Cet arrêté est la suite de celui concernant les danses le dimanche.

« l'ordre et le respect qu'ils doivent aux instituteurs. »

(3 septembre 1794).

Heureuse la ville de Quimper si son comité s'était borné à rassurer les citoyens ayant peur du bruit et à sermonner les enfants qui font tapage à l'école !

Mais voici un fait qui passe ce que je viens de dire.

A force de voir le comité se mêler de tout, les habitants ont pris l'habitude de recourir à lui. Le 9 juin, trois citoyens et deux citoyennes lui fournirent l'occasion dont il s'empara au plus vite de se couvrir de ridicule.

Les plaignants signalèrent deux pièces d'eau-de-vie déposées pour le compte du citoyen M... « dans la maison dite du gouvernement », et qui auraient été falsifiées.

Le comité s'indigne et nomme deux commissaires qui agiront d'accord avec deux commissaires de la police municipale. Le lendemain, rapport est fait au comité. L'expertise a démontré que l'eau-de-vie a perdu un degré elle n'est plus que de 17° et 18°. Le comité arrête la vente, ordonne l'apposition des scellés. Le lendemain (11 juin) le falsificateur est frappé d'un mandat d'arrêt: le 14 juin, le mandat a été exécuté et le comité déclare se décharger de la personne de M... mis à la disposition de la police municipale.

En vertu de quelle loi le comité s'est-il emparé de cette affaire? Le 11 juin il en cite deux : 1° l'art. 21 de la loi du 18 juillet 1791. Cet article renvoie les falsifications au tribunal de police correctionnelle, et ne regarde en rien le comité. 2° l'art. 3 de la loi du 18 nivôse an II (7 janvier 1794). L'article 3 dit que le comité et la police municipale informeront concurremment sur les délits prévus par le décret. Mais quels sont ces délits ? Les voici : (art. 1er) « crimes attentatoires à la liberté, à l'égalité, à l'unité, à l'indivisibilité de la République, à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat... complots tendant à rétablir la royauté... « tous crimes punis

1 Duvergier, III-135.
* Duvergier, VI, p. 473.

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