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un officier fit quelques pas à leur rencontre. Les trois hommes se saluèrent. Les troupes adverses observaient anxieusement les parlementaires, lorsqu'un coup de fusil, parti on ne sait d'où provoqua de part et d'autre une décharge générale. Durocher, Damanie et l'officier du 31 eurent leurs vêtements criblés de balles, mais, par une chance extraordinaire, aucun d'eux ne fut blessé et ils purent rejoindre leurs corps respectifs. Comme la fusillade continuait sans résultats appréciables, la Rochemacé monta à cheval, et, se plaçant à la tête des siens, il commanda la charge à la baïonnette. Cette charge fut exécutée avec une telle vigueur que les rouges firent immédiatement demi-tour, abandonnant leur terrain aux chouans.

AURÉLIEN DE COURSON.

(A suivre).

ORIGINES DES PETITES ANTILLES1

LA COMPAGNIE DES ILES D'AMÉRIQUE

GUILLAUME D'ORANGE & LE PÈRE DUTERTRE

1609-1674

« Nos colonies des îles Antilles sont admirables elles ont des objets de commerce que nous n'avons ni ne pouvons avoir; elles manquent de ce qui fait l'objet du nôtre. »

(MONTESQUIEU, Esprit des Lois, t. 1, ch. XXI.)

En considérant sur un planisphère la route occidentale qui mène aux deux Amériques, entre les 10° et 20° de latitude nord et les 62° et 68° de longitude ouest, on observe que l'ensemble des Petites-Antilles présente la forme d'un arc, dont la corde serait une ligne droite partant de l'extrémité N. E. de la côte de Venezuela et aboutissant à la pointe N. E. de Porto-Rico où commencent les Grandes-Antilles. A espace égal des deux extrémités de cet arc idéal, est située La Dominique, éloignée de 1270 lieues marines de Brest, notre prin

1 Dans son ouvrage : Le colonel François de Collart et la Martinique de son temps, de 1625 à 1720, publié par la Revue (1891-1893), et du reste couronné par l'Académie de Rouen, l'auteur nous a montré combien nos provinces de l'Ouest, et surtout le port de Nantes, avaient eu de relations maritimes et d'attaches parentuelles avec la Martinique. En étendant son travail d'origines aux autres Petites-Antilles, M. Guët aura l'occasion d'étendre dans le même sens le résultat de ses recherches sur nos anciennes colonies de l'Amérique centrale.

* Environ 1600 lieues terrestres.

N. D. L. R.

cipal port breton. C'est approximativement la distance moyenne entre les côtes françaises de l'Ouest et les PetitesAntilles. La Trinité, la plus considérable d'entre elles à 4 lieues N. environ de la côte de Venezuela est la première au sud, et Bièques (l'une des Vierges) à 3 lieues E. de PortoRico la dernière au nord de la belle courbe que décrivent les nombreuses créations volcaniques qui ont peuplé l'archipel.

Ainsi se trouve fixé géographiquement et limité le domaine assez vaste encore de notre étude. On voit que ce domaine ne s'étend pas au-delà des Petites-Antilles proprement dites.

Ces îles montagneuses, dont chaque tête se montre couverte de la sombre verdure forestière, ont toujours été d'une incomparable fertilité. Leurs premiers habitants furent les Caraïbes émigrés de la Guyane. Le nom de ces peuples sauvages, auxquels les événements ont donné une place mémorable dans la découverte de l'Amérique, est justement demeuré à la mer qui baigne les Antilles, encore appelée « Mer des Caraïbes ».

Les commencements des colonies que la France a formées dans cette partie du Nouveau-Monde, jusque vers le milieu du XVII siècle, sont aujourd'hui généralement ignorés. Assurément l'ouvrage dans lequel le Père Dutertre les a racontés jusqu'à la paix de Bréda (1667), avec tout le soin dont il était capable, est fort intéressant pour l'histoire francoaméricaine. Mais, bien que l'auteur brille par le style, son abondance narrative souvent confuse exige trop d'application pour satisfaire aisément. D'ailleurs contraint par de nombreux voyages à publier son immense travail en plusieurs temps, il s'est résigné à manquer de suite. L'ordre des faits subit chez lui de fréquentes atteintes. Il en convient et s'en excuse, ce qui ne peut nous empêcher de lui appliquer, ainsi modifiée, la douce critique d'Horace sur Homère : « Le bon Dutertre sommeille quelquefois'. »>

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Malgré tout, il intéresse. Lorsqu'on le replace au rayon, ce n'est pas sans retour. On sent qu'il faut s'habituer à la fine bonhomie de Dutertre, en tenant compte de ses faiblesses, pour l'apprécier comme historien à sa juste valeur.

Au point de vue purement descriptif, l'admiration lui est acquise sans réserve. Nul avant lui n'a décrit comme lui, dans notre langue, avec plus de vérité, de réelle poésie, la tempête, l'oiseau, une chasse, un combat, un pays accidenté... Il séduit alors, il enchante... L'occasion de prouver combien ce génie d'écrivain naturaliste est d'une originalité peu commune nous sera plus d'une fois offerte'...

En relisant les documents sur lesquels Dutertre s'est appuyé, et beaucoup d'autres qu'il n'a certes pas connus, on est frappé de tout ce que l'on en pourrait tirer d'inédit, aussi bien pour l'utilité pratique actuelle que pour nos origines américaines envisagées sous deux aspects: dans la métropole d'une part, aux îles de l'autre.

Ces documents comprennent, pour la période de 1635 à 1648, les Ordres et actes d'assemblée de la Société commerciale qui a présidé au défrichement des Petites-Antilles.

La Compagnie dite de Saint-Christophe puis des îles d'Amérique a été fondée à Paris en 1626, avec le patronage de Richelieu. Réorganisée par lui en 1635, afin d'étendre à tout l'archipel des Caraïbes la colonisation française, commencée avant 1625, elle a prolongé son existence, en deux périodes, pendant vingt-quatre ans. Peu active durant la première au milieu des embarras croissants du siège de la Rochelle et à la suite d'autres circonstances défavorables, la Compagnie s'est efforcée, durant la seconde, d'appliquer les sages me

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Les trois volumes in-4° de l'Histoire des Antilles, par Dutertre, - chacun de 600 pages environ sont devenus d'une extrême rareté. Nous devons la communication de l'exemplaire qui nous sert encore à M. le baron Hulot de Collart, dont la collection de livres précieux, de brochures introuvables, surtout consacrée aux Antilles, est complaisamment ouverte à ses amis. Qu'il veuille bien recevoir ici l'expression de notre gratitude pour son obligeance inépuisable.

sures édictées en sa faveur et à l'avantage des îles, sous l'inspiration du grand ministre.

Présenter l'historique de ladite Société, ensemble celui de son personnel et de son action sur les colonies, nous a paru devoir être instructif et attachant.

C'est en effet tout un monde, plus ou moins connu dans l'histoire et dans l'administration du pays, que l'on voit revivre par la pensée en ce coin d'époque déjà bien ancienne. Aussi les mille détails que peuvent comporter un tel sujet, viennent d'eux-mêmes à l'esprit. La difficulté consiste à les mettre en œuvre. Elle est considérable pour mener utilement le récit à travers tant de colonies où l'intérêt peut se perdre. Comment surmonter cette difficulté sans cesse renaissante? Nous allons le dire tout à l'heure.

L'histoire française, principalement soucieuse d'occuper la scène de son théâtre européen, s'est contentée le plus souvent d'effleurer les faits relatifs à nos colonies. Ne lui en voulons pas! Nous pouvons ainsi chercher à la suppléer en explorant nos archives d'outre-mers, où plus d'une célébrité locale séculaire, attend son heure de résurrection..

Vous, par exemple, héroïque d'Orange, que l'illustre du Parquet élevait si haut dans son estime, comme type du dévouement toujours prêt au sacrifice, et vous, charmant Du tertre que Buffon et Chateaubriand prisaient à l'égal d'un maître, comme chantre de la nature, tous deux vous avez consacré votre existence laborieuse à soutenir notre enfance coloniale en Amérique; que sont devenues vos sympathiques figures dans la brume du passé? Elles y sont presque effacées. A peine quelques lettrés français savent que les isles (suivant l'ancienne expression), vous ont connus imprimant dans les cœurs la trace de vos rares vertus.

Mais combien devra-t-on mesurer l'espace au souvenir de vos modestes gloires, aujourd'hui que tout ce qui se publie doit être profitable au présent, sous peine d'être banni des yeux du lecteur! Nous aurions tort de l'oublier.

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