entre les mains du créancier qui l'aura obtenue? Non; le droit de propriété du locataire sur la construction est résoluble, ce qui n'altère en aucune façon le caractère immobilier de ce droit (1); l'hypothèque pourra donc se résoudre suivant l'événement (voy. le commentaire de l'article suivant). C'est un autre côté de la question, et l'on aperçoit que la solution, ici, ne peut être donnée d'une manière absolue. Il y a deux situations qui peuvent se présenter: ou les constructions ont été élevées par le locataire sans le consentement du propriétaire du sol, ou elles ont été élevées avec l'assentiment de ce propriétaire et comme condition du bail. Dans le premier cas, il faudra distinguer encore suivant que le propriétaire, usant de l'alternatiye que lui laisse l'art. 555 du Code Napoléon, exigera l'enlèvement des constructions ou les retiendra. Si les constructions sont enlevées, on examinera comment et à quel moment l'hypothèque est mise en mouvement par le créancier hypothécaire. Supposons qu'il saisisse les bâtiments et les fasse vendre quand ils sont encore debout, l'hypothèque produira son effet, et le prix sera distribué comme une chose immobilière, car les bâtiments étant encore adhérents au sol au moment de la saisie et de la vente, ont retenu par cela même leur nature immobilière. Supposons au contraire que le créancier ne se présente qu'après la démolition, il n'y a plus d'immeuble alors, cet immeuble a péri et se trouve remplacé par des matériaux qui ont repris leur nature de meubles; et, l'hypothèque périssant avec l'immeuble, il en résulte que le prix des matériaux, s'ils sont vendus après la démolition, sera distribué par contribution entre tous les créanciers du débiteur sans aucun égard aux hypothèques. Au lieu d'une saisie pratiquée par le créancier hypothécaire, supposons une vente volontaire par le fermier des constructions pendant qu'elles sont adhérentes au sol : ici, le créancier hypothécaire sauvegarde son droit pourvu qu'il se présente avant que le prix soit sorti des mains de l'acquéreur, soit par le payement qu'il en aurait fait, soit par la distribution qui aurait eu lieu par voie d'ordre; dans ce cas, la vente eût-elle même été faite à charge de démolition, comme c'est un immeuble en définitive qui a été vendu, puisque nous supposons que les constructions étaient adhérentes au moment de la vente, le prix (en tant qu'il existerait encore aux mains de l'acquéreur, comme nous venons de le dire) en devrait être distribué par ordre d'hypothèque. Tels sont les résultats divers qui peuvent se produire dans le cas où le propriétaire du sol opte pour l'enlèvement des matériaux. Que s'il retient les constructions au lieu de les faire enlever, l'hypothèque donnée par le locataire à son créancier est résolue comme le droit de propriété de ce locataire. Ici, en effet, le propriétaire du sol est censé avoir été toujours propriétaire des bâtiments par droit d'acces sion, c'est-à-dire par un droit qui est né au jour même où les constructions ont été élevées, et qui par cela même, bien qu'il pût être exercé ou ne pas l'être, remonte à ce jour même dès l'instant que celui en faveur (1) Voy. les motifs des arrêts cités à la note précédente. de qui il était ouvert croit devoir en user. Quant au locataire, son droit, dans ce cas, se résume dans l'indemnité qui lui est due; or cette indem- nité est une chose purement mobilière; c'est pourquoi l'hypothèque du créancier ne saurait s'y attacher. Dans le second cas, c'est-à-dire si les constructions ont été élevées avec le consentement du propriétaire du sol ou comme une condition du bail à la charge de les laisser sur le sol avec ou sans indemnité, à l'expiration du bail, l'hypothèque donnée par le locataire serait encore inefficace entre les mains du créancier qui l'aurait obtenue. Car si leś bâtiments doivent être laissés sans indemnité à l'expiration du bail, c'est le propriétaire du sol qui est réputé avoir eu toujours la propriété des bâtiments; et s'ils doivent être laissés sauf indemnité, le droit du locataire se serait résumé dans cette indemnité qui aurait été réglée d'avancé. La Cour de cassation a justement décidé dans le sens de ces solutions que les constructions élevées par un locataire sur le terrain qui lui a été donné à bail ne peuvent être l'objet d'une saisie immobilière de la part de ses créanciers, alors surtout qu'il a été expressément convenu entre le bailleur et le preneur que ces constructions demeureraient en fin de bail la propriété du bailleur au prix d'estimation (1). Ce que la Cour dit ici de la saisie immobilière, il faut le dire également de l'hypothèque, par application des principes généraux que nous avons exposés plus haut (voy. suprà, no 355). 635. La question serait moins compliquée s'il s'agissait de constructions élevées par un usufruitier. Le second paragraphe de l'art. 559 du Code Napoléon dit que « l'usufruitier ne peut, à la cessation de l'usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu'il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fùt augmentée : » cela suppose que ces améliorations appartiennent au nu propriétaire; dès lors elles ne peuvent pas être hypothéquées utilement par l'usu-. fruitier. --2125. Ceux qui n'ont sur l'immeuble qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, ne peuvent consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes conditions ou à la même rescision. SOMMAIRE. I.. Liaison de cet article avec le précédent. II. Celui qui, sans avoir actuellement la possession d'un immeuble y a un droit suspendu par une condition, y peut conférer une hypothèque, laquelle est conditionnelle comme le droit du constituant lui-même. Application: de l'hypothèque consentie par un cohéritier ou un autre communiste sur l'immeuble indivis; de l'hypothèque consentie par le vendeur sous faculté de réméré, etc. III. Quid de celui qui, sans avoir actuellement la possession d'un immeuble, a le droit de s'en faire reconnaître propriétaire au moyen d'une action en revendication, en nullité ou en rescision? IV. Celui dont le droit est résoluble ou rescindable en certains cas peut aussi con (1). Voy. Req., 14 fév. 1849 (Dev., 49, 1, 261; Dall., 49, 1, 166). férer hypothèque. Quel est le sort de l'hypothèque si le droit vient à être résolu ou rescindé, 1o dans le cas de résolution amiable, 2o dans le cas où la résolution où la rescisión est prononcée judiciairement? Le créancier qui n'aurait pas été partie au jugement pourrait-il y former tierce-opposition? I.636. L'une des conditions constitutives de la capacité à l'effet de donner hypothèque, c'est d'être propriétaire; nous venons de l'établir dans notre commentaire de l'article précédent. Mais n'est-on propriétaire d'une chose que lorsqu'on la possède matériellement, qu'on la détient et qu'on en a la propriété certaine, incommutable? Et faut-il nécessairement se trouver dans ce cas pour constituer valablement hypothèque? Non assurément. Nous sommes propriétaires non-seulement des choses qui sont dans notre domaine, mais encore de celles que nous y pouvons faire rentrer; non-seulement de celles sur lesquelles nous avons un droit de propriété reconnu, mais encore de celles auxquelles nous avons un droit de propriété que nous pouvons faire reconnaître.* « Verbum illud pertinere, dit Pomponius, latissimè patet: nam et eis rebus petendis aptum est, quæ dominii nostri sint, et eis, quas jure aliquo possideamus, quamvis non sint nostri dominii: pertinere ad nos etiam ea dicimus, quæ in nulla eorum causa sint, sed esse possint. » (L. 181, ff. De Verb. signif.) Ulpien dit pareillement : « Id apud se quis habere videtur, de quo habet actionem habetur enim, quod peti potest.» (L. 143, eod. tit.) Ainsi, celui qui au moyen d'une action en revendicatión, en nullité ou en rescision, peut être reconnu et déclaré propriétaire d'un immeuble, ou qui a sur cet immeuble un droit suspendu par une condition, est bien propriétaire dès à présent, en ce sens que si l'action est exercée avec succès ou si la condition s'accomplit, le jugement ou l'événement de la condition n'aura fait que déclárér un droit préexistant en sa faveur et ne l'aura pas créé. Il est donc vrai de dire qu'il est propriétaire même avant le jugement ou l'événement de la condition, en sorte que si, en outre, il a la capacité d'aliéner, rien ne peut faire obstacle à ce qu'il constitue valablement hypothèque sur l'immeuble, même quand son droit à cet immeuble est litigieux ou conditionnel. La chose est de celles que la loi déclare susceptibles d'hypothèque (voy. suprà, no 396); le constituant réunit en lui les deux conditions auxquelles est subordonnée la capacité d'hypothéquer (voy. suprà, no 609 et suiv.): comment donc la constitution d'hypothèque pourrait-elle n'être pas valable? : Mais de ce que la capacité du constituant est pleine et entière, s'ensuit-il que la constitution qu'il aura faite donnera à son créancier un droit fixe, certain, incommutable? Non, car il répugnerait à la raison que le constituant pût transmettre des droits plus étendus que ceux qu'il a lui-même : aussi notre article nous dit-il (et c'est par là qu'il se lie à celui qui précède) que celui qui n'a sur l'immeuble qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, ne peut consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes conditions ou à la même rescision. Nous avons à prendre cette disposition de la loi dans les diverses ་་ hypothèses qu'elle prévoit, et à suivre les applications du principe qu'elle pose. II. 637. Et d'abord, elle part de cette idée, certaine en principe, que celui qui n'a sur un immeuble qu'un droit suspendu par une condition peut néanmoins constituer hypothèque sur cet immeuble. L'art. 2129, dont nous avons déjà rappelé le texte par anticipation (voy. suprà, no 625), nous parlera bien, en indiquant les énonciations nécessaires à la validité de la constitution d'hypothèque, « des immeubles actuellement appartenant au débiteur, sur lesquels il consent l'hypothèque de la créance; » mais évidemment les mots actuellement appartenant y devront être pris dans le sens large que nous indiquions tout à l'heure d'après Pomponius et Ulpien; et, ainsi entenduc, la disposition ne contredira nullement au principe, supposé par notre article, que celui qui n'a sur un immeuble qu'un droit suspendu par upe condition y peut néanmoins consentir l'hypothèque d'une créance: seulement, remarquons-lc, notre article ne part de cette idée que pour fixer le sort 'de l'hypothèque donnée dans cette situation, pour arriver à dire que l'hypothèque est subordonnée tout comme le droit du débiteur qui l'a conférée, de la même manière et dans les mêmes termes; c'est-à-dire que la condition suspensive agissant par rapport à l'hypothèque comme par rapport au droit de propriété du débiteur qui l'a constituée, il arrivera de deux choses l'une ou l'événement prévu se réalisera, et alors l'hypothèque restera sur l'immeuble et sera censée y avoir été fixée du jour même où elle a été donnée; ou l'événement ne se réalisera pas, auquel cas l'hypothèque s'évanouira et se détachera de l'immeuble, qui sera censé n'en avoir été jamais affecté. 638. Ces idées, généralement admises, ne semblent pas susceptibles d'être contestées; elles découlent, en effet, des principes les plus certains sur les conditions suspensives. Cependant elles sont méconnues par M. Grenier dans quelques situations particulières. Il suppose que tel immeuble a été vendu ou légué à Pierre sous la condition que l'acquéreur ou le légataire devra rendre cet immeuble à Joseph si celui-ci parvient à sa vingt-cinquième année; ou bien encore il suppose que Joseph, propriétaire d'un immeuble, en a consenti la vente et l'a livré à Pierre, mais qu'en le vendant il s'est réservé la faculté de le racheter dans un délai déterminé. M. Grenier soutient que, dans l'une et l'autre hypo- . thèse, Pierre seul a pu conférer hypothèque, parce que c'est sur sa tête seulement que réside la propriété, et que Joseph ne l'a pas pu; tellement que si l'immeuble venait ultérieurement entre ses mains, dans la première hypothèse, parce que lui, Joseph, aurait atteint sa vingt-cinquième année, et, dans la seconde, parce qu'il aurait exercé le réméré qu'il avait stipulé, il n'y aurait pas confirmation ou consolidation de l'hypothèque par lui consentie lorsque, la condition était encore pendante (1). Rien n'est moins admissible assurément qu'une telle proposition. (1) Voy. M. Grenier (t. I, u" 153)., Que Pierre, dans la première hypothèse, puisse donner hypothèque, cela n'est pas contestable notre article le dit positivement dans la disposition (dont nous nous occuperons tout à l'heure) où il parle de ceux, qui ont un droit résoluble en certains cas. Mais il parle en même temps de ceux qui ont un droit suspendu par une condition, et il dit que l'hypothèque par eux consentie serait soumise à la même condition. Or la situation de Joseph, dans l'hypothèse proposée, est bien celle qui est prévue par la loi. Quand je vous vends ou que je vous lègue tel immeuble, à la charge par vous de le rendre à Joseph si celui-ci atteint sa vingt-cinquième année, il est bien clair qu'en même temps que je vous confère un droit résoluble, je transmets à Joseph un droit suspendu par une condition; il est clair que le même événement, c'est-à-dire l'accomplissement de la vingt-cinquième année de Joseph, en même temps qu'il résoudra votre droit, déclarera et rendra certain le droit de celui-ci Ce sont précisément deux des situations prévues par notre article; et de même que le créancier auquel vous auriez conféré hypothèque aurait eu le bénéfice de l'une si l'événement ne s'était pas réalisé, de même le créancier auquel Joseph aurait conféré hypothèque doit avoir le bénéfice de l'autre si l'événement se réalise (1). Encore une fois, ceci est de toute évidence; et l'on ne peut contester, dans l'espèce.proposée, le droit qu'a Joseph de constituer une hypothèque que l'événement de la condition confirmera, sans nier l'une des dispositions précises de notre article et méconnaître les notions les plus élémentaires sur les effets de la condition suspensive. 639. Ce que nous disons de la première hypothèse, nous le dirons de la seconde et par les mêmes motifs : le vendeur en réméré est, en effet, dans la position de celui dont le droit sur l'immeuble est suspendu par une condition; la condition, ici, c'est que le vendeur exercera le réméré dans le délai et aux conditions convenus. Et cependant, bien que la situation soit la même, l'opinion de M. Grenier ne marche pas, dans cette hypothèse, complétement isolée. Elle a été consacrée, soit virtuellement, soit d'une manière expresse, par plusieurs cours impériales, notamment par les Cours de Colmar, de Besançon et de Bordeaux (2). L'expression en est reproduite dans les Observations de la Cour d'Angers sur les projets de réforme préparés en 1841: «Comment admettre, disait cette Cour, cette singularité que nous appellerions volontiers monstrueuse, de deux personnes donnant en même temps hypothèque sur le même bien: Titius, par exemple, parce que ne l'ayant vendu qu'à réméré, il est encore dans le délai qui lui permet de redevenir propriétaire en restituant les prix et les loyaux coûts; et Movius, parce qu'il le détient à titre d'acquéreur, bien qu'exposé à l'éviction la plus prochaine au moyen du rachat qui a été stipulé; » et la Cour, en arrivant à cette conclusion que l'acquéreur seul, tant qu'il n'est pas évincé, a droit de conférer hypothèque, ne craint pas d'ajouter que, donner ce droit en (1) Voy. M. Troplong (n° 468 quater). (2) Voy. Colmar, 12 juill. 1816; Besançon, 22 nov. 1822; Bordeaux, 5 janv. 1833 (Dev., 33, 2, 188). |