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Le premier mouvement du roi et de Dumouriez, 'fut de courir à l'assemblée pour l'informer de cette note. L'assemblée fut indignée et devait l'être; le cri de guerre fut général. Ce que Dumouriez ne lui dit pas, c'est que l'Autriche, qu'il avait menacée d'une nouvelle révolution à Liége, avait envoyé un agent pour traiter de cet objet avec lui; que le langage de cet agent était tout différent de celui que tenait en ce moment le ministère autrichien, et que bien évidemment cette note était l'effet d'une résolution soudaine et suggérée. L'assemblée leva le décret d'accusation porté contre Noailles, et exigea un prompt rapport. Le roi ne pouvait plus reculer; cette guerre fatale allait être enfin déclarée. Dans aucun cas elle ne favorisait ses intérêts. Vainqueurs, les Français en devenaient plus exigeans et plus inexorables sur l'observation de laloi nouvelle; vaincus, ils allaient s'en prendre au roi, et l'accuser d'avoir mal soutenu la guerre. Il sentait parfaitement ce double péril, et cette résolution fut une de celles qui lui coutèrent le plus. (9) Dumouriez rédigea son rapport avec sa célérité ordinaire, et le porta au roi qui le garda trois jours. Il s'agissait de savoir si le roi, réduit à prendre l'initiative

auprès de l'assemblée, l'engagerait à déclarer la guerre, ou bien se contenterait de la consulter à cet égard, en lui annonçant que, d'après les injonctions faites, la France se trouvait en état de guerre. Les ministres Roland et Clavières opinaient pour le premier parti. Tous les membres de la Gironde étaient de ce même avis, et ils voulaient dicter le discours du roi. Il répugnait à Louis XVI de déclarer la guerre, et il préférait déclarer l'état de guerre. La différence était peu importante, cependant elle était préférable à son cœur. On pouvait avoir une telle condescendance pour sa situation. Dumouriez, plus facile, n'écouta aucun des ministres ; et, soutenu par Degrasses, Lacoste et Duranthon, il fit adopter l'avis du roi. Ce fut là son premier différend avec la Gironde et ses chefs. Le roi composa lui-même son discours et se rendit en personne à l'assemblée, suivi de tous ses ministres. Une affluence considérable de spectateurs ajoutait à l'effet de cette séance qui allait décider du sort de la France et de l'Europe. Les traits du roi étaient changés, et annonçaient une préoccupation profonde. Dumouriez lut un rapport détaillé des négociations de la France avec l'empire; il démontra que le traité

de 1756 se trouvait rompu par le fait, et que d'après le dernier ultimatum la France se trouvait en état de guerre. Il ajouta que le roi, pour consulter l'assemblée, n'ayant d'autre moyen légal que la proposition formelle de guerre, il se résignait à la consulter par cette voie. Louis XVI alors prenant la parole avec dignité, mais avec une voix altérée : « Messieurs, dit-il, vous venez d'entendre le résultat des négociations que j'ai suivies avec la cour de Vienne. Les conclusions du rapport ont été l'avis unanime de mon conseil je les ai adoptées moi-même. Elles sont conformes au vœu que m'a manifesté plusieurs fois l'assemblée nationale et aux sentimens que m'ont témoignés un grand nombre de citoyens des différentes parties du royaume; tous préfèrent la guerre à voir plus long-temps la dignité du peuple français outragée et la sûreté nationale menacée.

» J'avais dû préalablement épuiser tous les moyens de maintenir la paix. Je viens aujourd'hui, aux termes de la constitution, proposer à l'assemblée nationale la guerre contre le roi de Hongrie et de Bohème. »

Le meilleur accueil fut fait à cette proposition, des cris de vive le roi retentirent de toutes

parts. L'assemblée répondit à Louis XVI qu'elle allait délibérer, et qu'il serait instruit par un message du résultat de sa délibération. La discussion la plus orageuse fut commencée alors, et se prolongea bien avant dans la nuit. Les raisons déjà données pour et contre furent répétées ici; enfin le décret fut rendu, et la guerre résolue à une grande majorité:

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Considérant, disait l'assemblée, que la cour de Vienne, au mépris des traités, n'a cessé d'accorder une protection ouverte aux Français rebelles; qu'elle a provoqué et formé un concert avec plusieurs puissances de l'Europe, contre l'indépendance et la sûreté de la nation française;

» Que François Ier, roi de Hongrie et de Bohème, a, par ses notes des 18 mars et 7 avril derniers, refusé de renoncer à ce

concert ;

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Que, malgré la proposition qui lui a été faite par la note du 11 mars 1792, de réduire de part et d'autre à l'état de paix les troupes sur les frontières, il a continué et augmenté ses préparatifs hostiles;

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raineté de la nation française, en déclarant vouloir soutenir les prétentions des princes allemands possessionnés en France auxquels la nation française n'a cessé d'offrir des indemnités ;

D

Qu'il a cherché à diviser les citoyens français, et à les armer les uns contre les autres, en offrant aux mécontens un appui dans le concert des puissances;

» Considérant enfin que le refus de répondre aux dernières dépêches du roi des Français ne laisse plus d'espoir d'obtenir, par

la voie d'une négociation amicale, le redressement de ces différens griefs, et équivaut à une déclaration de guerre; etc., l'assemblée déclare qu'il y a urgence.... »

Il faut en convenir, cette guerre cruelle, qui a si long-temps déchiré l'Europe, n'a pas été provoquée par la France, mais par les puissances étrangères. La France, en la déclarant, n'a fait que reconnaître par un dé cret l'état où on l'avait placée. Condorcet fut chargé de faire un exposé des motifs de la nation. L'histoire doit recueillir ce morceau, précieux modèle de raison et de mesure (10).

La guerre causa une joie générale. Les patriotes y voyaient la fin des craintes que leur

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