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pouvoir qui ne lui fût volontairement accordée par les Français, sans le concours et l'intervention d'aucune puissance étrangère, et librement délibérée dans les formes constitutionnelles.

» On observe même à cet égard que plusieurs membres de l'assemblée nationale savent que cette déclaration a été proposée au roi, lorsqu'il fit la proposition de la guerre au roi de Hongrie, et qu'il ne jugea pas à propos de la faire.

» Mais ce qui suffirait peut-être pour rétablir sa confiance, ce serait que le roi parvint à faire reconnaître aux puissances coalisées l'indépendance de la nation. française, à faire cesser toutes hostilités, et retirer les cordons de troupes qui menacent nos frontières.

» Il est impossible qu'une très-grande partie de la nation ne soit convaincue que le roi ne soit le maître de faire cesser cette coalisation; et tant qu'elle mettra la liberté publique en péril, on ne doit pas se flatter que la confiance renaisse.

>> Si les efforts du roi pour cet objet étaient impuissans au moins devrait-il aider la nation par tous les moyens qui sont en son pouvoir, à repousser l'attaque extérieure, et ne rien négliger pour éloigner de lui le soupçon de la favoriser.

» Dans cette supposition, il est aisé de concevoir que les soupçons et la méfiance tiennent à des circonstances malheureuses qu'il est impossible de changer.

» En faire un crime lorsque le danger est réel et ne peut être méconnu, c'est le plus sûr moyen d'augmenter les soupçons : se plaindre de l'exagération, attaquer les clubs, supposer des agitateurs lorsque

l'effervescence et l'agitation sont l'effet naturel des circonstances, c'est leur donner une force nouvelle, c'est accroître le mouvement du peuple par les moyens mêmes qu'on emploie pour les calmer.

» Tant qu'il y aura contre la liberté une action subsistante et connue, la réaction est inévitable, et le développement de l'une et de l'autre aura les mêmes progrès.

» Dans une situation aussi pénible, le calme ne peut se rétablir que par l'absence de tous les dangers; et jusqu'à ce que cette heureuse époque soit arrivée, ce qu'il importe le plus à la nation et au roi, c'est que ces circonstances malheureuses ne soient pas continuellement envenimées par une conduite, au moins équivoque, de la part des agens du pouvoir exécutif.

» 1o. Pourquoi le roi ne choisit-il pas ses ministres parmi les hommes les plus prononcés pour la révolution? Pourquoi, dans les momens les plus critiques, n'est-il entouré que d'hommes inconnus ou suspects ? S'il pouvait être utile au roi d'augmenter la méfiance et d'exciter le peuple à des mouvemens, s'y prendrait-on autrement pour les fomenter?

» Le choix du ministère a été dans tous les temps l'une des fonctions les plus importantes du pouvoir dont le roi est revêtu; c'est le thermomètre d'après lequel l'opinion publique a toujours jugé les dispositions de la cour et on conçoit quel peut être aujourd'hui l'effet de ces choix qui, dans tout autre temps, auraient excité les plus violens murmures.

>> Un ministère bien patriote serait donc un des grands moyens que le roi peut employer pour rappeler

la confiance. Mais ce serait étrangement s'abuser que de croire que, par une seule démarche de ce genre, elle puisse être facilement regagnée. Ce n'est que par du temps et par des efforts continus qu'on peut se flatter d'effacer des impressions trop profondément gravées pour en dissiper à l'instant jusqu'au moindre vestige.

» 2o. Dans un moment où tous les moyens de défense doivent être employés, où la France ne peut pas armer tous ses défenseurs, pourquoi le roi n'a-t-il pas offert les fusils et les chevaux de sa garde?

» 3°. Pourquoi le roi ne sollicite-t-il pas lui-même une loi qui assujétisse la liste civile à une forme de comptabilité qui puisse garantir à la nation qu'elle n'est pas détournée de son légitime emploi, et divertie à d'autres usages?

» 4°. Un des grands moyens de tranquilliser le peuple sur les dispositions personnelles du roi, serait qu'il sollicitât lui-même la loi sur l'éducation du prince royal, et qu'il accélérât ainsi l'instant où la garde de ce jeune prince sera remise à un gouverneur revêtu de la confiance de la nation.

» 5o. On se plaint encore de ce que ce décret sur un licenciement de l'état-major de la garde nationale n'est pas sanctionné. Ces refus multipliés de sanction sur des dispositions législatives que l'opinion publique réclame avec instance, et dont l'urgence ne peut être méconnue, provoquent l'examen de la question constitutionnelle sur l'application du veto aux lois de circonstance, et ne sont pas de nature à dissiper les alarmes et le mécontentement.

» 6o. Il serait bien important que le roi retirât des mains de M. Lafayette le commandement de l'armée. Il est au moins évident qu'il ne peut plus y servir utilement la chose publique.

» Nous terminerons ce simple aperçu par une observation générale : c'est que tout ce qui peut éloigner les soupçons et ranimer la confiance, ne peut ni ne doit être négligé. La constitution est sauvée si le roi prend cette résolution avec courage, et s'il y persiste avec fermeté.

» Nous sommes, etc. »

Copie de la lettre écrite à Boze, par Thierry.

« Je viens d'être querellé pour la seconde fois d'avoir reçu la lettre que, par zèle, je me suis déterminé à

remettre.

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Cependant le roi m'a permis de répondre :

» 1° Qu'il n'avait garde de négliger le choix des ministres ;

» 2° Qu'on ne devait la déclaration de guerre qu'à des ministres soi-disant patriotes;

» 3° Qu'il avait mis tout en œuvre dans le temps pour empêcher la coalisation des puissances, et qu'aujourd'hui, pour éloigner les armées de nos frontières, il n'y avait que les moyens généraux ;

» 4° Que, depuis son acceptation, il avait très-scrupuleusement observé les lois de la constitution, mais que beaucoup d'autres gens travaillaient maintenant

en sens contraire. »

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