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du matin, le roi irait à l'assemblée, accompagné de Luckner et de moi; et soit que nous eussions un bataillon, soit que nous eussions cinquante hommes à cheval de gens dévoués au roi, ou de mes amis, nous verrions si le roi, la famille royale, Luckner et moi serions arrêtés.

» Je suppose que nous le fussions; Luckner et moi rentrerions à l'assemblée pour nous plaindre et la menacer de nos armées. Lorsque le rọi serait rentré, sa position ne serait pas plus mauvaise, car il ne serait pas sorti de la constitution; il n'aurait contre lui que les ennemis de cette constitution, et Luckner et moi amènerions facilement des détachemens de Compiègne. Remarquez que ceci ne compromet pas autant le roi qu'il le sera nécessairement par les événemens qui se préparent.

» On a tellement gaspillé dans des niaiseries aristocratiques les fonds dont le roi peut disposer, qu'il doit lui rester peu de disponible. Il n'y a pas de doute qu'il ne faille emprunter, s'il est nécessaire, pour s'emparer des trois jours de la fédération.

» y a encore une chose à prévoir, celle où l'assemblée décréterait que les généraux ne doivent pas venir dans la capitale. Il suffit que le roi y refuse im

médiatement sa sanction.

» Si par une fatalité inconcevable le roi avait déjà donné sa sanction, qu'il nous donne rendez-vous à Compiègne, dût-il être arrêté en partant. Nous lui ouvrirons les moyens d'y venir libre et triomphant. Il est inutile d'observer que dans tous les cas, arrivé à

Compiègne, il y établira sa garde personnelle, telle que la lui donne la constitution.

» En vérité, quand je me vois entouré d'habitans de la campagne qui viennent de dix lieues et plus pour me voir et pour me jurer qu'ils n'ont confiance qu'en moi, que mes amis et mes ennemis sont les leurs ; quand je me vois chéri de mon armée, sur laquelle les efforts jacobins n'ont aucune influence; quand je vois de toutes les parties du royaume arriver des témoignages d'adhésion à mes opinions, je ne puis croire que tout est perdu, et que je n'ai aucun moyen d'être utile. »

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NOTE 19. Page 205.

La réponse suivante est extraite du même recueil de pièces, cité dans la note précédente.

Réponse de la main du roi.

« Il faut lui répondre que je suis infiniment sensible à l'attachement pour moi qui le porterait à se mettre aussi en avant; mais que la manière me paraît impraticable. Ce n'est point par crainte personnelle, mais tout serait mis en jeu à la fois, et, quoi qu'il en dise, ce projet manqué ferait retomber tout pire que jamais, et de plus en plus, sous la férule des factieux. Fontainebleau n'est qu'un cul-de-sac, ce serait une mauvaise retraite, et du côté du Midi : du côté du Nord, cela aurait l'air d'aller au-devant des Autrichiens. On lui répond sur son mandé, ainsi je n'ai rien à dire ici. La présence des généraux à la fédération pourrait être utile; elle pourrait d'ailleurs avoir pour motif de voir le nouveau ministre, et de convenir avec lui des besoins de l'armée. Le meilleur conseil à donner à M. Lafayette est de servir toujours d'épouvantail aux factieux, en remplissant bien son métier de général. Par là il s'assurera de plus en plus la confiance de son armée, et pourra s'en servir comme il voudra au besoin. »

NOTE 20. Page 213.

Détails des événemens du 10 août.

(Ils sont tirés d'un écrit signé Carra, et intitulé : Précis historique et très-exact sur l'origine et les véritables auteurs de la célèbre insurrection du 10 août, qui a sauvé la république. L'auteur assuré que le maire n'eut pas la moindre part au succès, mais qu'il s'est trouvé en place, dans cette occasion, comme une véritable Providence pour les patriotes. Ce morceau est tiré des Annales politiques du 30 novembre dernier.)

« Les hommes, dit Jérôme Pétion, dans son excel» lent discours sur l'accusation intentée contre Maximi>> lien Robespierre, qui se sont attribué la gloire de » cette journée, sont les hommes à qui elle appartient » le moins. Elle est due à ceux qui l'ont préparée, » elle est due à la nature impérieuse des choses; elle » est due aux braves fédérés, et à leur directoire secret

qui concertait depuis long-temps le plan de l'insurrec» tion; elle est due enfin au génie tutélaire qui préside >> constamment aux destins de la France, depuis la >> première assemblée de ses représentans. >>

« C'est de ce directoire secret dont parle Jérôme Pétion que je vais parler à mon tour, et comme membre de ce directoire, et comme acteur dans toutes ses opérations. Ce directoire secret fut formé par le comité

central des fédérés établi dans la salle de correspondance aux Jacobins Saint-Honoré. Ce fut des quarantetrois membres qui s'assemblaient journellement depuis le commencement de juillet dans cette salle, qu'on en tira cinq pour le directoire d'insurrection. Ces cinq membres étaient Vaugeois, grand-vicaire de l'évêque de Blois; Debessé, du département de la Drôme; Guillaume, professeur à Caen ; Simon, journaliste de Strasbourg; et Galissot, de Langres. Je fus adjoint à cinq membres à l'instant même de la formation du directoire; et quelques jours après on y invita Fournier l'Américain; Westermann; Kienlin, de Strasbourg; Santerre; Alexandre, commandant du faubourg SaintMarceau ; Lazouski, capitaine des canonniers de SaintMarceau; Antoine, de Metz, l'ex-constituant; Lagrey, et Garin, électeur de 1789.

» La première séance de ce directoire se tint dans un petit cabaret, au Soleil-d'Or, rue Saint-Antoine, près la Bastille, dans la nuit du jeudi au vendredi 26 juillet, après la fête civique donnée aux fédérés, sur l'emplacement de la Bastille. Le patriote Gorsas parut dans le cabaret, d'où nous sortîmes à deux heures du matin, pour nous porter près de la colonne de la liberté, sur l'emplacement de la Bastille, et y mourir s'il fallait pour la patrie. Ce fut dans ce cabaret du Soleil-d'Or, que Fournier l'Américain nous apporta le drapeau rouge, dont j'avais proposé l'invention, et sur lequel j'avais fait écrire ces mots : Loi martiale du peuple souverain, contre la rébellion du pouvoir exécutif. Ce fut aussi dans ce même cabaret que j'apportai cinq cents exemplaires d'une affiche où étaient ces mots :

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