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NOTE 17. Page 204.

Voici ce que raconte madame Campan sur les craintes de la famille royale:

« La police de M. de Laporte, intendant de la liste civile, le fit prévenir, dès la fin de 1791, qu'un homme des officiers du roi, qui s'était établi pâtissier au PalaisRoyal, allait rentrer dans les fonctions de sa charge que lui rendait la mort d'un survivancier; que c'était un jacobin si effréné, qu'il avait osé dire que l'on ferait un grand bien à la France en abrégeant les jours du roi. Ses fonctions se bornaient aux seuls détails de la pâtisserie; il était très-observé par les chefs de la bouche, gens dévoués à sa majesté; mais un poison subtil peut être si aisément introduit dans les mets, qu'il fut décidé que le roi et la reine ne mangeraient plus que du rôti: que leur pain serait apporté par M. Thierry de Ville-d'Avray, intendant des petits appartemens, et qu'il se chargerait de même de fournir le vin. Le roi aimait les pâtisseries; j'eus ordre d'en commander, comme pour moi, tantôt chez un pâtissier, tantôt chez un autre. Le sucre râpé était de même dans ma chambre. Le roi, la reine, madame Élisabeth mangeaient ensemble, et il ne restait personne du service. Ils avaient chacun une servante d'acajou et une sonnette pour faire entrer quand ils le désiraient. M. Thierry venait lui-même m'apporter le pain et le vin de leurs

majestés, et je serrais tous ces objets dans une armoire particulière du cabinet du roi, au rez-de-chaussée. Aussitôt que le roi était à table, j'apportais la pâtisserie et le pain. Tout se cachait sous la table, dans la crainte que l'on eût besoin de faire entrer le service. Le roi pensait qu'il était aussi dangereux qu'affligeant de montrer cette crainte d'attentats contre sa personne, et cette défiance du service de sa bouche. Comme il ne buvait jamais une bouteille de vin entière à ses repas (les princesses ne buvaient que de l'eau), il remplis sait celle dont il avait bu à peu près la moitié avec la bouteille servie par les officiers de son gobelet. Je l'emportais après le dîner. Quoiqu'on ne mangeât d'autre pâtisserie que celle que j'avais apportée, on observait de même de paraître avoir mangé de celle qui était servie sur la table. La dame qui me remplaça trouva ce service secret organisé, et l'exécuta de même ; jamais on ne sut dans le public ces détails, ni les craintes qui y avaient donné lieu. Au bout de trois ou quatre mois, les avis de la même police furent que l'on n'avait plus à redouter ce genre de complot contre les jours du roi; que le plan était entièrement changé; que les coups que l'on voulait porter seraient autant dirigés contre le trône que contre la personne du souverain. »

(Mémoires de madame Campan, tom. II, pag. 188.)

NOTE 18. Page 205.,

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Lorsque M. Lafayette fut enfermé à Olmutz, M. de Lally-Tolendal écrivit en sa faveur une lettre très-éloquente au roi de Prusse. Il y énumérait tout ce que général avait fait pour sauver Louis XVI, et en donnait les preuves à l'appui. Dans le nombre des pièces se trouvent les lettres suivantes, qui font connaître les projets et les efforts des constitutionnels à cette époque.

Copie d'une lettre de M. de Lally-Tolendal au roi.

Paris, lundi 9 juillet 1792.

« Je suis chargé, par M. Lafayette, de faire proposer directement à S. M., pour le 15 de ce mois, le même projet qu'il avait proposé pour le 12, et qui ne peut plus s'exécuter à cette époque, depuis l'engagement pris par S. M. de se trouver à la cérémonie du 14.

» S. M. a dû voir le plan du projet envoyé par M. Lafayette, car M. Duport a dû le porter à M. Montciel, pour qu'il le montrât à S. M.

» M. Lafayette veut être ici le 15; il y sera avec le vieux général Luckner. Tous deux viennent de se voir, tous deux se le sont promis, tous deux ont un même sentiment et un même projet.

» Ils proposent que S. M. sorte publiquement de la

ville, entre eux deux, en l'écrivant à l'assemblée nationale, en lui annonçant qu'elle ne dépassera pas la ligne constitutionnelle, et qu'elle se rend à Compiègne.

» S. M. et toute la famille royale seront dans une seule voiture. Il est aisé de trouver cent bons cavaliers qui l'escorteront. Les Suisses, au besoin, et une partie de la garde nationale, protégeront le départ. Les deux généraux resteront près de S. M. Arrivée à Compiègne, elle aura pour garde un détachement de l'endroit, qui est très-bon, un de la capitale, qui sera choisi, et un de l'armée.

» M. Lafayette, toutes ses places garnies, ainsi que son camp de retraite, a de disponible pour cet objet, dans son armée, dix escadrons et l'artillerie à cheval. Deux marches forcées peuvent amener toute cette division à Compiègne.

» Si, contre toute vraisemblance, S. M. ne pouvait sortir de la ville, les lois étant bien évidemment violées, les deux généraux marcheraient sur la capitale avec une armée.

» Les suites de ce projet se montrent d'elles-mêmes : » La paix avec toute l'Europe, par la médiation du roi; » Le roi rétabli dans tout son pouvoir légal;

» Une large et nécessaire extension de ses prérogatives sacrées;

» Une véritable monarchie, un véritable monarque, une véritable liberté;

» Une véritable représentation nationale, dont le roi sera chef et partie intégrante ;

» Un véritable pouvoir exécutif;

» Une véritable représentation nationale, choisie parmi les propriétaires;

>> La constitution révisée, abolie en partie, en partie améliorée et rétablie sur une meilleure base;

» Le nouveau corps législatif tenant ses séances seulement trois mois par an;

» L'ancienne noblesse rétablie dans ses anciens priviléges, non pas politiques, mais civils, dépendans de l'opinion, comme titres, armes, livrées, etc.

» Je remplis ma commission sans oser me permettre ni un conseil, ni une réflexion. J'ai l'imagination trop frappée de la rage qui va s'emparer de toutes ces têtes perdues à la première ville qui va nous être prise, pour ne pas me récuser moi-même ; j'en suis au point que cette scène de samedi, qui paraît tranquilliser beaucoup de gens, a doublé mon inquiétude. Tous ces baisers m'ont rappelé celui de Judas.

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» Je demande seulement à être un des quatre-vingt ou cent cavaliers qui escorteront S. M., si elle agrée le projet, et je me flatte que je n'ai pas besoin de l'assurer qu'on n'arriverait pas à elle ni à aucun membre de sa royale famille, qu'après avoir passé sur mon cadavre. J'ajouterai un mot : j'ai été l'ami de M. Lafayette avant la révolution. J'avais rompu tout commerce avec lui depuis le 22 mars de la seconde année: à cette époque, je voulais qu'il fût ce qu'il est aujourd'hui ; je lui écrivis que son devoir, son honneur, son intérêt, tout lui prescrivait cette conduite; je lui traçais longuement le plan tel que ma conscience me le suggérait. Il me promit; je ne vis point d'effet à sa promesse. Je n'examinerai pas si c'était impuissance ou mauvaise

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