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étaient excellentes, et paraissaient données de bonne foi. Il les engageait à faire cesser, par leur retour, les méfiances que les malveillans se plaisaient à répandre. Il les priait de ne pas le réduire à employer contre eux des mesures sévères; et quant à son défaut de liberté, sur lequel on s'appuyait pour ne pas lui obéir, il leur donnait pour preuve du contraire le veto qu'il venait d'opposer en leur faveur (3). Quoiqu'il en soit, ces raisons ne produisirent ni à Coblentz ni à Paris l'effet qu'elles étaient ou paraissaient destinées à produire. Les émigrés ne rentrèrent pas; et dans l'assemblée on trouva le ton de sa proclamation trop doux; on contesta même au pouvoir exécutif le droit d'en faire une. On était en effet trop irrité pour se contenter d'une proclamation, et surtout pour souffrir que le roi substituât une mesure inutile aux mesures vigoureuses qu'on venait de prendre.

Une épreuve semblable était au même instant imposée à Louis XVI, et amenait un résultat aussi malheureux. Les premiers troubles religieux avaient éclaté dans l'Ouest ; l'assemblée constituante y avait envoyé deux commissaires, dont l'un était Gensonné, si célèbre plus tard dans le parti de la Gironde. Leur rapport avait été fait à l'assemblée législative,

et, quoique très-modéré, ce rapport l'avait remplie d'indignation. On se souvient que l'assemblée constituante, en privant les prêtres qui avaient refusé le serment de leurs fonctions, leur avait cependant laissé une pension et la liberté d'exercer leur culte à part. Ils n'avaient cessé depuis lors d'exciter le peuple contre leurs confrères assermentés, de les lui montrer comme des impies dont le ministère était nul et dangereux. Ils traînaient les paysans à leur suite pour leur dire la messe. à de longues distances. Ceux-ci s'irritaient de voir leur église occupée par un culte qu'ils croyaient mauvais, et d'être obligés d'aller chercher si loin celui qu'ils croyaient bon. Souvent ils s'en prenaient aux prêtres assermentés et à leurs partisans. La guerre civile était imminente (4). De nouveaux renseignemens furent fournis à l'assemblée et lui montrèrent le danger encore plus grand; elle voulut alors prendre contre ces nouveaux ennemis de la constitution des mesures semblables à celles qu'elle avait prises contre les ennemis armés d'outre-Rhin, et faire un nouvel essai des dispositions du roi.

L'assemblée constituante avait ordonné à tous les prêtres le serment civique. Ceux qui

refusaient de le prêter, en perdant la qualité de ministres du culte publie et payé par l'état, conservaient leurs pensions de simples ecclésiastiques et la liberté d'exercer privément leur ministère. Rien n'était plus doux et plus modéré qu'une répression pareille. L'assemblée législative exigea de nouveau le serment, et priva ceux qui le refuseraient de tout traitement. Comme ils abusaient de leur liberté en excitant la guerre civile, elle ordonna que selon leur conduite ils seraient transportés d'un lieu dans un autre, et même condamnés à une détention s'ils refusaient d'obéir. Enfin elle leur défendit le libre exercice de leur culte particulier, et voulut que les corps administratifs lui fissent parvenir à elle-même une liste de chacun d'eux, avec des notes sur leur compte.

Cette mesure, ainsi que celle prise contre les émigrés, tenait au désir de se conserver, désir qui s'empare des gouvernemens menacés, et qui les porte à s'entourer de précautions excessives. Ce n'est plus le fait réalisé qu'ils punissent, c'est l'attaque présumée qu'ils poursuivent; et leurs mesures deviennent arbitraires et cruelles comme le soupçon.

Les évêques et les prêtres qui étaient de

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meurés à Paris et avaient conservé des relations avec le roi, lui adressèrent aussitôt un mémoire contre le décret. Le roi, dont la religion était si scrupuleuse et qui s'était reproché toujours d'avoir sanctionné le décret de la constituante, n'avait pas besoin d'encouragement à ce refus, « Pour celui-ci, dit-il, en parlant du nouveau projet, on m'ôtera plutôt la vie que de m'obliger à le sanctionner. >> Les ministres partageaient à peu près cet avis. Barnave et Lameth, que le roi consultait quelquefois, lui conseillèrent de refuser sa sanetion; mais à ce conseil ils en ajoutaient d'autres que le roi ne pouvait se décider à suivre : c'était, en s'opposant au décret, de ne laisser aucun doute sur ses dispositions, et pour cela d'éloigner de sa personne tous les prêtres qui refusaient le serment, et de ne composer sa chapelle que d'ecclésiastiques constitutionnels. Mais de tous les avis qu'on lui donnait le roi ne prenait que la partie qui concordait avec sa faiblesse ou sa dévotion. Duport-Dutertre, garde des sceaux et organe du parti constitutionnel auprès du ministère y fit approuver leur avis; et lorsque le conseil eut délibéré, à la grande satisfaction de Louis XVI, que le veto serait apposé, il ajouta

comme avis, qu'il serait convenable d'entourer la personne du roi de prêtres non suspects. A cette proposition, Louis XVI, ordinairement si flexible, montra une opiniâtreté invincible, et dit que la liberté des cultes décrétée pour tout le monde devait l'être pour lui comme pour ses sujets, et qu'il devait avoir la faculté de s'entourer de qui lui plaisait. On n'insista pas; et, sans en donner connaissance encore à l'assemblée, le veto fut décidé.

Le parti constitutionnel, auquel le roi semblait se livrer en ce moment, lui prêta un nouveau secours; ce fut celui du directoire du département. Ce directoire était composé des membres les plus considérés de l'assemblée constituante. On y comptait le duc de Larochefoucault, l'évêque d'Autun, Baumetz, Desmeuniers, Ansons, etc. Il fit une pétition au roi, non comme corps administratif, mais comme réunion de pétitionnaires, et provoqua l'opposition du veto au décret contre les prêtres.

L'assemblée nationale, disait-il, a certainement voulu le bien; nous aimons à la venger ici de ses coupables détracteurs; mais un si louable dessein l'a poussée vers des mesures que la constitution, que la justice,

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