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» la servir utilement, il serait nécessaire qu'elle eût la » bonté de me faire connaître quel est son plan rela>>tivement à la constitution, et quelle est la conduite » qu'elle désire que tiennent ses ministres. - C'est » juste, répondit le roi; je ne regarde pas cette consti>> tution comme un chef-d'œuvre, à beaucoup près, je >> crois qu'il y a de très-grands défauts, et que si j'avais >> eu la liberté d'adresser des observations à l'assemblée, >> il en serait résulté des réformes très-avantageuses; » mais aujourd'hui il n'est plus temps; je l'ai acceptée » telle qu'elle est; j'ai juré de la faire exécuter, je » dois et je veux être strictement fidèle à mon serment, » d'autant plus que je crois que l'exécution la plus » exacte de la constitution est le moyen le plus sûr de » la faire bien connaître à la nation, et de lui faire » apercevoir les changemens qu'il convient d'y faire. » Je n'ai ni ne puis avoir d'autre plan que celui-là; je » ne m'en écarterai certainement pas, et je désire que » les ministres s'y conforment. - Ce plan me paraît >> infiniment sage, sire; je me sens en état de le suivre, » et j'en prends l'engagement. Je n'ai pas assez étudié » la nouvelle constitution dans son ensemble, ni dans » ses détails, pour en avoir une opinion arrêtée, et » je m'abstiendrai d'en adopter une, quelle qu'elle soit, » avant que son exécution ait mis la nation à portée » de l'apprécier par ses effets. Mais me serait-il permis » de demander à votre majesté si l'opinion de la reine, » sur ce point, est conforme à celle du roi ?

>> absolument, elle vous le dira elle-même. »

Oui,

» Je descendis chez la reine, qui, après m'avoir témoigné avec une extrême bonté combien elle parta

geait l'obligation que le roi m'avait d'accepter le ministère dans des circonstances aussi critiques, ajouta ces mots : « Le roi vous a fait connaître ses intentions >> relativement à la constitution; ne pensez-vous pas » que le seul plan qu'il ait à suivre, est d'être fidèle à » son serment? Oui, certainement, madame. - Eh » bien! soyez sûr qu'on ne nous fera pas changer. Allons, M. Bertrand, du courage; j'espère qu'avec » de la patience, de la fermeté et de la suite, tout n'est » pas encore perdu. »

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(Bertrand de Molleville, tome VI, page 22.)

Au témoignage de Bertrand de Molleville, se joint celui de madame Campan, qui, quoique suspect quelquefois, a dans cette occasion un grand air de vérité.

« La constitution avait été, comme je l'ai dit, présentée au roi le 3 septembre; je reviens sur cette présentation, parce qu'elle offrait un sujet de délibération bien important. Tous les ministres, excepté M. de Montmorin, insistèrent sur la nécessité d'accepter l'acte constitutionnel dans son entier. Ce fut aussi l'avis du prince de Kaunitz. Malouet désirait que le roi s'expliquât avec sincérité sur les vices et les dangers qu'il remarquait dans la constitution. Mais Duport et Barnave, alarmés de l'esprit qui régnait dans la société des Jacobins, et même dans l'assemblée où Robespierre les avait déjà dénoncés comme traîtres à la patrie, et craignant de grands malheurs, unirent leurs avis à ceux de la majorité des ministres et de M. de Kaunitz. Ceux qui voulaient franchement maintenir la constitution, conseillaient de ne point l'accepter

purement et simplement; de ce nombre étaient, comme je l'ai dit, MM. Montmorin et Malouet. Le roi paraissait goûter leur avis; et c'est une des plus grandes preuves de la sincérité de l'infortuné monarque. »

(Mémoires de madame Campan, tome 11,

page 161.)

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C'est madame Campan qui s'est chargée de nous apprendre que le roi avait une correspondance secrète avec Coblentz.

<< Pendant que des courriers portaient les lettres confidentielles du roi aux princes ses frères et aux princes étrangers, l'assemblée fit inviter le roi à écrire aux princes, pour les engager à rentrer en France. Le roi chargea l'abbé de Montesquiou de lui faire la lettre qu'il voulait envoyer. Cette lettre parfaitement écrite, d'un stile touchant et simple, analogue au caractère de Louis XVI, et remplie d'argumens très-forts sur l'avantage de se rallier aux principes de la constitution, me fut confiée par le roi qui me chargea de lui en faire une copie.

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» A cette époque M. Mor...., un des intendans de la maison de Monsieur, obtint de l'assemblée un passeport pour se rendre près du prince, à raison d'un travail indispensable sur sa maison. La reine le choisit pour porter cette lettre; elle voulut la lui remettre ellemême et lui en fit connaître le motif. Le choix de ce courrier m'étonnait : la reine m'assura qu'il était parfait, qu'elle comptait même sur son indiscrétion, et qu'il était seulement essentiel que l'on eût connaissance de la lettre du roi à ses frères. Les princes étaient sans doute prévenus par la correspondance particulière,

Monsieur montra cependant quelque surprise; et le messager revint plus affligé que satisfait d'une semblable marque de confiance qui pensa lui coûter la vie pendant les années de terreur. »

(Mémoires de madame Campan, tome II,

page 172.)

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