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Le roi, malgré une extrême bonté, était susceptible de mouvemens d'humeur, que les courtisans appelaient coups de boutoir. La vue de Pétion, qu'on accusait d'avoir favorisé les scènes de la veille, dut irriter le prince, et produire la conversation que nous venons de rapporter. Tout Paris la connut bientôt. Deux proclamations furent immédiatement répandues, l'une du roi et l'autre de la municipalité; et il sembla que ces deux autorités entraient en lutte.

La municipalité disait aux citoyens de demeurer calmes, de respecter le roi, de respecter et de faire respecter l'assemblée nationale; de ne pas se réunir en armes, parce que les lois le défendaient, et surtout de se défier des malintentionnés qui tâchaient de les remettre de nouveau en mouvement.

On répandait en effet que la cour cherchait à soulever le peuple une seconde fois, pour avoir l'occasion de le mitrailler. Ainsi le château supposait le projet d'un assassinat, les faubourgs supposaient celui d'un massacre.

Le roi disait : « Les Français n'auront pas

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appris sans douleur qu'une multitude égarée » par quelques factieux, est venue à main

» armée dans l'habitation du roi... Le roi n'a

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opposé aux menaces et aux insultes des fac» tieux que så conscience et son amour pour » le bien public.

» Il ignore quel sera le terme où ils voudront » s'arrêter; mais, à quelque excès qu'ils se por» tent, ils ne lui arracheront jamais un con» sentement à tout ce qu'il croira contraire à l'intérêt public, etc....

» Si ceux qui veulent renverser la monarchie » ont besoin d'un crime de plus, ils peuvent » le commettre...

» Le roi ordonne à tous les corps adminis»tratifs et municipalités, de veiller à la sûreté personnes et des propriétés.

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des

Ces deux langages opposés répondaient aux deux opinions qui se formaient alors. Tous ceux que la conduite de la cour avait désespérés, n'en furent que plus irrités contre elle, et plus décidés à déjouer ses projets par tous les moyens possibles. Les sociétés populaires, les municipalités, les hommes à piques, une portion de la garde nationale, le côté gauche de l'assemblée comprirent la proclamation du maire de Paris, et se promirent de n'être pru

dens qu'autant qu'il le faudrait, pour ne pas se faire mitrailler, sans résultat décisif. Incertains encore des moyens à employer, ils attendaient, pleins de la même méfiance et de la même aversion. Leur premier soin fut d'obliger les ministres à comparaître à l'assemblée, pour rendre compte des précautions qu'ils avaient prises sur deux points essentiels.

1° Sur les troubles religieux, excités par les prêtres ;

2° Sur la sûreté de la capitale, que le camp de vingt mille hommes, refusé par le roi, était destiné à couvrir.

Ceux qu'on appelait aristocrates, les constitutionnels sincères, une partie des gardes nationales, plusieurs provinces, et surtout les directoires de département, se prononcèrent dans cette occasion, et d'une manière énergique. Les lois ayant été violées, ils avaient tout l'avantage de la parole, et ils en usèrent hautement. Une foule d'adresses arrivèrent au roi. A Rouen, à Paris, on prépara une pétition qui fut couverte de vingt mille signatures, et qui fut associée dans la haine du peuple à celle déjà signée par huit mille Parisiens, contre le camp sous Paris. Enfin une information fut ordonnée par le département, contre le maire

Pétion et le procureur de la commune Manuel, qu'on accusait tous deux d'avoir favorisé, par leur inertie, l'irruption du 20 juin. On parlait, dans ce moment, avec admiration de la conduite du roi pendant cette fatale journée; il y avait un retour général sur son caractère, qu'on se reprochait d'avoir accusé de faiblesse. Mais on vit bientôt que ce courage passif qui résiste, n'est pas cet autre courage actif, hasardeux, entreprenant qui prévient les dangers, au lieu de les attendre avec résignation.

Le parti constitutionnel s'agita de nouveau avec la plus extrême activité. Tous ceux qui avaient entouré Lafayette pour concerter avec lui la lettre du 16 juin, se réunirent encore, afin de tenter une grande démarche. Lafayette avait été indigné en apprenant ce qui s'était passé au château; et on le trouva parfai→ tement disposé. On lui fit arriver plusieurs adresses de ses régimens, qui exprimaient la même indignation. Que ces adresses fussent concertées ou spontanées, il les arrêta par un ordre du jour, en promettant d'exprimer luimême et en personne les sentimens de toute l'armée. Il résolut donc de venir répéter au corps législatif ce qu'il lui avait écrit le

16 juin. Il s'entendit avec Luckner, facile à conduire comme un vieux guerrier, qui n'était jamais sorti de son camp. Il lui fit écrire une lettre destinée au roi, et renfermant les mêmes sentimens qu'il allait exprimer de vive voix, à la barre du corps législatif. Il prit ensuite toutes les mesures nécessaires pour que son absence ne pût pas nuire aux opérations militaires, et il s'arracha à l'amour de ses soldats, pour se rendre à Paris au milieu des plus grands dangers.

Lafayette comptait sur sa fidèle garde nationale, et sur un nouvel élan de sa part. Il comptait sur la cour, qu'il ne pouvait pas croire son ennemie, quand il venait se sacrifier pour elle. Après avoir prouvé son amour chevaleresque pour la liberté, il voulait prouver son attachement sincère au roi; et, dans son exaltation héroïque, il est probable que son cœur n'était pas insensible à la gloire de ce double dévouement. Il arriva le 20 juin au matin. Le bruit s'en répandit, et partout on se disait avec étonnement et curiosité, général Lafayette était à Paris.

que le

Avant qu'il arrivât, l'assemblée avait été agitée par un grand nombre de pétitions contraires. Celles de Rouen, du Havre, de l'Ain,

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