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» avaient été forcés, il nous restait la Corse; » la Corse où les Génois et les Français n'ont ,pu naturaliser la tyrannie; qui n'attend que » des bras pour être fertile, et des philosophes pour l'éclairer. *»

Il était naturel que des habitans du Midi songeassent à se réfugier dans leurs provinces, si Paris était envahi. Ils ne négligeaient cependant pas le Nord, puisqu'ils convinrent d'écrire dans leurs départemens, pour qu'on formât spontanément le camp de vingt mille hommes, bien que le décret relatif à ce camp n'eût pas été sanctionné. Ils comptaient beaucoup sur Marseille, ville riche, considérablement peuplée, et singulièrement démocratique. Elle avait envoyé Mirabeau aux étatsgénéraux, et depuis elle avait répandu dans tout le Midi l'esprit dont elle était animée. Le maire de cette ville était ami de Barbaroux et partageait ses opinions. Barbaroux lui écrivit de s'approvisionner de grains, d'envoyer des hommes sûrs soit dans les départemens voisins, soit aux armées des Alpes, de l'Italie et des Pyrénées, afin d'y préparer l'opinion publique ; de faire sonder Montesquiou, gé

Mémoires de Barbaroux, page 38 et 39.

néral de l'armée des Alpes, et d'utiliser son ambition au profit de la liberté; enfin de se concerter avec Paoli et les Corses, de manière à se préparer un dernier secours et un dernier asile. On recommanda en outre à ce même maire de retenir le produit des impôts pour en priver le pouvoir exécutif, et au besoin pour en user contre lui. Ce que Barbaroux faisait pour Marseille, d'autres le faisaient pour leur département, et songeaient à s'assurer un refuge. Ainsi la méfiance changée en désespoir, préparait l'insurrection générale; et dans ces préparatifs de l'insurrection, une différence s'établissait déjà entre Paris et les départemens.

Le maire Pétion, lié avec tous les Girondins, et plus tard rangé et proscrit avec eux, entretenait par ses fonctions plus de rapports avec les agitateurs de Paris. Il avait beaucoup de calme, une apparence de froideur que ses ennemis prirent d'abord pour de la stupidité, et une probité qui fut exaltée par ses partiet que ses détracteurs n'ont jamais attaquée. Le peuple, qui surnomme tous ceux dont il s'occupe, l'appelait la Vertu Pétion. Nous avons déjà parlé de lui à l'occasion du voyage de Varennes, et de la préférence que

sans,

la cour lui donna sur Lafayette, pour la mairie de Paris. La cour désira de le corrompre; et des escrocs promirent d'y réussir. Ils demandèrent une somme, et la gardèrent pour eux, sans avoir même fait auprès de Pétion des ouvertures, que son caractère connu rendait impossibles. La joie qu'éprouva la cour de se donner un soutien, et de corrompre un magistrat populaire, fut de courte durée. Elle reconnut bientôt qu'on l'avait trompée, et que les vertus de ses adversaires n'étaient pas aussi vénales qu'elle l'avait cru.

Pétion avait été des premiers à penser que les penchans d'un roi né absolu ne se modifient jamais; il était républicain avant même que personne songeât à la république ; et dans la constituante il fut par conviction, ce que Robespierre était par l'âcreté de son humeur. Sous la législative, il se convainquit davantage encore de l'incorrigibilité de la cour; il se persuada qu'elle appelait l'étranger, et tandis qu'il avait été républicain par système, il le devint alors par raison de sûreté. Dès lors il songea, dit-il, à favoriser une nouvelle révolution; il arrêtait les mouvemens qui étaient mal dirigés, favorisait au contraire ceux qui l'étaient bien, et tâchait surtout de les conci

lier avec la loi, dont il était rigide observateur, et qu'il ne voulait violer qu'à l'extrémité.

Sans bien connaître la participation de Pétion aux mouvemens qui se préparaient, sans savoir s'il consulta ses amis de la Giconde pour les favoriser, on peut dire, d'après sa conduite, qu'il ne fit rien pour y mettre obstacle. On prétend que vers la fin de juin, il se rendit chez Santerre avec Robespierre, Manuel, procureur syndic de la commune, et Sylleri, ex-constituant; que Chabot, ex-capucin et député, harangua la section des Quinze-Vingt, et s'adressant au peuple, lui dit que l'assemblée l'attendait. Quoi qu'il en soit de ces faits, il est certain que des conciliabules eurent lieu; et il n'est pas croyable, d'après leur opinion connue et leur conduite ultérieure, que les personnages qu'on vient de nommer se fissent un scrupule d'y assister. (16) Dès cet instant on parla dans les faubourgs d'une fête pour le 20 juin, anniversaire du serment du jeu de paume. On devait, disaiton, planter un arbre de la liberté sur la terrasse des feuillans, et adressér une pétition à l'assemblée, ainsi qu'au roi. Cette pétition devait être présentée en armes. On voit assez par là, que l'intention véritable de ce projet

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était d'effrayer le château par la vue de quarante mille piques.

Le 16 juin une demande formelle fut adressée au conseil général de la commune, pour autoriser les citoyens du faubourg SaintAntoine à se réunir le 20 en armes, et à faire une pétition à l'assemblée et au roi. Le conseil général de la commune passa à l'ordre du jour, et ordonna que son arrêté serait communiqué au directoire et au corps municipal. Les pétitionnaires ne se tinrent pas pour condamnés, et crièrent hautement qu'ils ne s'en réuniraient pas moins. Le maire Pétion ne fit que le 18 les communications ordonnées le 16; de plus il ne les fit qu'au département et point au corps municipal.

Le 19, le directoire du département qu'on a vu se signaler dans toutes les occasions contre les agitateurs, rendit un arrêté qui défendait tous les attroupemens armés, et qui enjoignait au commandant général et au maire de prendre les mesures nécessaires pour les dissiper. Cet arrêté fut signifié à l'assemblée par le ministre de l'intérieur, et on y agita aussitôt la question de savoir si la lecture en serait écoutée.

Vergniaux s'opposait à ce qu'on l'entendit;

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