Page images
PDF
EPUB

791. lequel on devoit s'attendre que le roi y entreroit. Je le priai de me donner avis de l'arrivée de sa majesté, par deux officiers que je lui enverrois. L'un des deux étoit mon second fils. Leurs instructions étoient de rester tranquillement dans l'auberge où seroient les chevaux destinés au roi, de n'en point sortir, afin de n'être point vu, et d'y attendre M. de Goguelas.

Quant à moi, je me portai entre Dun et Stenay, pour y attendre le roi avec un attelage de mes chevaux, et un détachement de RoyalAllemand, destiné à lui servir d'escorte jusqu'à Montmédi. Le reste du régiment devoit suivre immédiatement. Je recommandai encore à M. de Goguelas d'informer les commandans des différens détachemens, que si le roi n'étoit pas reconnu, et s'il ne remarquoit pas de mouvemens extraordinaires dans le peuple, de le laisser passer incognito, et de ne monter à cheval que quelques heures après, pour le suivre à Montmédi; mais au contraire, si le roi étoit arrêté, de m'informer immédiatement de cet événement, de réunir toutes leurs forces, et sous le commandement de M. de N***, de faire tous leurs efforts pour lui rendre sa liberté.

Toutes

Toutes ces dispositions, sans en excepter 1791 la plus minutieuse, avoient été approuvées par sa majesté. Elle avoit été aussi informée de l'endroit où je devois me poster, afin de pouvoir avec facilité rassembler mes troupes, et marcher à son secours, si les circonstances l'exigeoient. Tout étant donc ainsi arrangé, et par bonheur, sans exciter le moindre soupçon dans l'esprit du peuple des villes et des villages environnans, à neuf heures du soir, je partis de Stenay. A mon arrivée à Dun, connoissant les mauvaises dispositions des habitans, je n'entrai point dans la ville, mais je restai à cheval près de la porte. J'imaginai que le roi arriveroit à cette place entre deux et trois heures du matin, et que son courier le précéderoit au moins de deux heures.

J'attendis donc là jusqu'à quatre heures. Le jour commençant alors à paroître, et n'ayant reçu aucune nouvelle du roi, je me hâtai de retourner à Stenay, afin de pouvoir donner mes ordres au général Klinglin et au régiment de Royal-Allemand, en cas qu'il fût arrivé au roi quelque accident, auquel je pusse remédier. En une demi-heure, j'arrivai à Stenay. J'en avois à peine atteint la porte, que les deux officiers que j'avois envoyés à Varennes, et (à Tome II.

E

1791. mon grand étonnement) le commandant de l'escadron de hussards stationné dans cette ville, me rejoignirent, et m'apprirent qu'environ à onze heures et demie du soir, le roi y avoit été arrêté. Si je fus surpris de voir le commandant des hussards venir lui-même m'annoncer cette nouvelle, je ne le fus pas moins de l'apprendre si tard. Après avoir bien questionné ces trois officiers, tout ce que je pus savoir, ce fut ies

que troupes avoient été séduites, et n'avoient pas fait leur devoir. Ils me dirent aussi qu'à l'instant où le peuple avoit entendu sonner l'alarme, il avoit couru aux armes, et que les gardes nationales se rassembloient de toutes parts à Varennes.

Après avoir reçu ces informations, je résolus de me mettre moi-même à la tête de RoyalAllemand, qui faisoit ma principale force, de marcher au secours du roi, et de l'accompagner ainsi jusqu'à Montmédi, afin de le protéger contre la ville de Stenay qui étoit malintentionnée, et contre celle de Sedan, beaucoup plus dangereuse encore, à cause des mauvaises dispositions de ses nombreux habitans et de sa garnison. En conséquence, j'ordonnai à ce régiment de monter à cheval. Le général Klinglin eut ordre de se rendre à Stenay, avec

deux escadrons, et d'y rester; d'envoyer à Dun 1791. un bataillon du régiment allemand de Nassau, qui étoit à Montmédi, afin de garder le passage de la Meuse, ce qui, dans la circonstance étoit extrêmement important, et de diriger vers Stenay la marche du régiment suisse de Castella, alors en route, pour Montmédi. Enfin je commandai à une partie de l'escadron des hussards stationnés à Dun, et au détachement de Royal-Allemand, posté entre cette ville et Stenay, de marcher en diligence sur Varennes, me flattant qu'ils parviendroient du moins à empêcher la jonction des gardes nationales des environs avec celles de la ville. Le commandant de cet escadron de hussards n'avoit pas attendu mes ordres. Il s'étoit mis en marche, dès qu'il avoit appris l'arrestation du roi.

Toutes mes mesures ainsi prises, je n'attendois plus que le régiment de Royal-Allemand. Il fut très-long-tems avant de sortir de la ville, quoique la veille j'eusse donné l'ordre qu'il fût prêt à monter à cheval avant la pointe du jour. En-vain j'envoyai mon fils cinq à six fois presser le commandant ; je ne pouvois rien entreprendre sans ce régiment, et j'avoue que je ne m'en rapportois qu'à moi seul pour le conduire. Aussi-tôt qu'il fut sorti de la ville, j'informai

1791.

les soldats

que le roi venoit d'être arrêté à Varennes. Je leur lus les ordres de sa majesté, qui enjoignoient aux troupes de l'escorter et de faire les derniers efforts, afin d'assurer sa retraite et celle de la famille royale. Je les trouvai dans les meilleures dispositions. Je leur distribuai quatre cents louis d'or. Je me plaçai à leur tête, et me mis en marche. De Stenay à Varennes, il y a environ neuf lieues. La route qui traverse un pays montagneux, est très - mauvaise. Je regretai bien d'avoir été informé si tard de la détention du roi. J'aurois pu l'apprendre deux heures plutôt, si on m'eût dépêché un courier dès l'instant de son arrivée à Varennes. Conséquemment, au lieu de commencer à me mettre en marche à cinq heures, j'aurois pu partir à trois. J'étois désespéré de ce tems perdu, non que je craignisse de ne plus trouver la famille royale à Varennes ; il ne me vint pas même à l'idée que la municipalité de cette ville oseroit forcer le roi de retourner à Paris. D'ailleurs je supposois qu'on avoit au moins obéi à cette partie de mes instructions, qui défen

it, après que le roi seroit passé, de laisser aller ou venir aucun courier sur la route de Clermont ou de Varennes, et, qu'en consé

« PreviousContinue »