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1791. commandement, soit en Alsace. La reine ré pondit qu'elle en feroit part à sa majesté. En conséquence, le roi fit ses remerciemens à M. Heyman, en l'assurant qu'il étoit résolu à ne pas quitter Paris, et que d'ailleurs il n'étoit pas assez certain de mes sentimens, pour placer en moi une pareille confiance.

Le roi m'instruisit lui-même dans une de ses lettres, de toute cette affaire. Ni le duc de Biron, ni le général Heyman ne m'en avoient jamais parlé. Cette anecdote me parut si extraordinaire, que j'ai cru de mon devoir de l'insérer dans ces mémoires. On en peut conclure que bien des hommes se sont trouvés engagés dans la révolution, et dans toutes les horreurs qu'elle a enfantées, plutôt par la facilité de leur caractère, par le désir d'améliorer le sort du peuple, et de contribuer au bien public, que par des vues d'ambition personnelle. Cela peut être particulièrement appliqué au parti constitutionnel. Presque tous ceux qui le composoient, ont reculé d'horreur à la vue des crimes auxquels la révolution a donné naissance, et d'abord les dupes, sont bientôt devenus les victimes des jacobins.

Dans le courant d'avril, je dépêchai M. de N*** à Paris. Je lui remis une lettre en chiffres

pour le roi, et après lui avoir communiqué 1791. toutes les dispositions que j'avois faites, je le chargeai de les bien faire connoître à sa majesté, de prendre ses ordres, et de revenir vers la fin du mois ou au commencement de mai, avec ses dernières instructions. Le régiment de cet officier étoit dans les environs de Nancy, et un de ceux que je destinois pour Montmédi. Il s'étoit engagé à fournir le premier relais, qui devoit être placé à Varennes; je m'étois chargé duse cond que je me proposois de placer entre cette ville et Montmédi. J'informai le roi qu'il ne se faisoit pas le moindre mouvement dans les troupes autrichiennes, et je le conjurai encore une fois d'attendre leur arrivée sur la frontière, avant de déterminer le jour de son départ.

M. de N*** revint dans les premiers jours de mai. Il m'apporta une lettre du roi, dans laquelle ce prince m'informoit qu'il avoit des raisons de croire que les troupes autrichiennes seroient rendues à Arlon avant le milieu de juin, et qu'en conséquence il se proposoit de quitter Paris vers le quinze du même mois. Il me disoit cependant, qu'il m'informeroit d'une manière plus particulière du jour de son départ, et il m'enjoignoit de completter toutes les dis

1791 positions et tous les préparatifs nécessaires. Dans ma réponse, j'assurai sa majesté que toutes mes mesures seroient prises dès le commencement de juin, et que je lui en ferois passer le détail exact, pour le soumettre à son approbation, par l'entremise de M. de N*** et de M. de Goguelas.

Voici quel étoit mon plan : J'avois donné les ordres pour rassembler un petit corps de troupes destiné à couvrir Montmédi, et à assurer la route du roi, depuis Châlons jusqu'à cette place. J'avois placé huit bataillons étrangers, la seule infanterie sur laquelle je pusse compter, à la distance d'un, de deux ou de trois jours de marche de cette dernière ville. Ces huit bataillons et trente escadrons faisoient toute ma force. J'avois à Montmédi un train d'artillerie, composé de soixante pièces de canon, indépendamment de la nombreuse artillerie de la place. Tout ce qui étoit nécessaire à l'entretien et au service d'une aussi petite armée, étoit déja renfermé dans la ville. Le régiment de Royal-Allemand fut posté à Stenay, un escadron de hussards à Dun, et un autre à Varennes. Deux escadrons de dragons devoient se trouver à Clermont, le jour du passage du roi. Ils étoient commandés par le comte

Charles de Damas, dans lequel j'avois la plus 1791. entière confiance. Il étoit chargé de placer un détachement à Sainte-Menehould; cinquante hussards devoient être de la même manière postés à Pont-de-Somvèle, entre Châlons et Sainte-Menehould. Afin que ces deux derniers détachemens n'excitassent aucun soupçon, je me proposois de dire qu'ils étoient destinés à escorter un convoi d'argent, venant de Paris pour la paie des troupes. Ainsi, conformément au désir exprimé par sa majesté, toute la route depuis Pont-de-Somvèle jusqu'à Montmédi, étoit garnie de troupes chargées d'assurer et de protèger sa retraite.

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Le 27 mai, le roi m'écrivit qu'il comptoit partir le du mois suivant, entre minuit et une heure du matin, qu'il iroit jusqu'à Bondy, à deux lieues de Paris, dans une voiture ordinaire, et que là il prendroit celle qu'il avoit fait faire pour son voyage; qu'il placeroit dans cet endroit un de ses gardes du corps, destiné à lui servir de courier, avec l'instruction formelle, en cas que le roi ne fût pas arrivé à Bondy à deux heures du matin, (ce qui seroit une preuve qu'il n'avoit pas pu effectuer son départ) de partir sur-le-champ pour Pont-de-Somvèle, afin que je pusse être informé de cette nouvelle

1791.

assez à tems pour pourvoir à ma sûreté et à celle de tous ceux que cette affaire pourroit compromettre. Le roi ajoutoit que s'il n'étoit point reconnu sur la route, et s'il ne remarquoit point de mouvement extraordinaire parmi le peuple, il passeroit sans se faire connoître, et sans faire usage de l'escorte qui devroit toujours le suivre quelques heures après. Il me témoignoit le désir que je lui envoyasse M. de N***, ou M. de Goguelas, pour lui donner tous les renseignemens nécessaires sur la route qu'il avoit à suivre. Le lendemain de la réception de cette lettre, je mandai à Metz ces deux gentilshommes. J'ordonnai au premier de repartir pour Paris, et d'y attendre les ordres du roi. Je lui recommandai de quitter cette capitale douze heures avant sa majesté, et d'ordonner à ses gens de se trouver à Varennes le 18, avec ses chevaux, après leur avoir bien désigné l'endroit où ils devoient les placer. A son retour de Paris, il devoit s'arrêter à Pont-de-Somvele, pour y prendre le commandement du détachement de hussards qui y seroit stationné, et conduire le roi jusqu'à Sainte-Menehould. Arrivé dans cette ville, il devoit y laisser les cinquante hussards destinés à escorter le roi, après leur avoir donné

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