sur le peuple. Sa foiblesse alors se montra 179 1 toute entière, et son rôle est maintenant sur le point de finir. Dès le commencement de janvier, le roi avoit considérablement diminué les sommes qu'il avoit jusque-là réguliérement données à Lafayette; celui-ci, au lieu de les employer, comme il l'avoit promis, à acheter des partisans au roi, ne s'en servoit qu'à payer des écrivains défenseurs de sa cause; bien plutôt que de celle de son souverain. Cette réduction diminua beaucoup son crédit et son influence. Je ne reçus plus de lettres de lui, et toute correspondance cessa entre nous. Les Lameth, ses ennemis, me firent proposer de me réunir à eux. Je répondis avec honnêteté, mais d'une manière vague, et dans des termes' qui ne m'engageoient à rien. CHAPITRE X I. Anecdotes sur le duc de Biron. Mesures -- prises par moi pour assurer la retraite du Beauharnois. Lettre de M. de 1791. DANS les premiers jours d'avril, je reçus Metz la visite du duc de Biron. Il étoit membre de l'assemblée constituante, et ani intime du duc d'Orléans, dont il défendit constamment le parti, quoiqu'il n'ait jamais été, du moins je le crois, le complice ni le confident des crimes de ce prince. Il avoit servi sous moi. Non-seulement son amabilité, mais sa probité, sa sincérité et son esprit chevaleresque m'avoient inspiré la plus tendre amitié pour lui. Dans notre conversation, il me parla avec justesse de la situation du royaume, avec sensibilité de celle du roi, et avec le plus pro fond mépris de l'assemblée et de tous les partis 179 1. qui la divisoient. Il me parut désirer vivement que Je ne pus m'empêcher de lui témoigner Il chercha à excuser le duc d'Orléans, en m'assurant qu'il n'avoit d'abord agi que par des motifs d'animosité personnelle contre le roi et sur-tout contre la reine; (1) qu'il avoit été (1) Il y avoit plusieurs causes des différens qui existoient déja depuis long-tems, entre le duc d'Orléans et la cour. La première étoit le refus qu'on lui avoit fait 1791. ensuite entraîné plus loin qu'il ne le vouloit, 1 pendant la guerre d'Amérique, de la survivance de la place de grand-amiral de France, alors occupée par le duc de Penthievre, son beau-père. La seconde, son exil en 1788, qui avoit eu pour cause șa conduite à la séance royale, tenue au parlement de Paris. La troisième enfin, l'empêchement mis, à l'instigation de la reine, au mariage de sa fille avec le duc d'Angoulême. (1) Comment les hommes peuvent-ils profaner ainsi ce nom sacré ? Le parjure est vertu, quand on promit le crime. ソ » sur votre ami assez d'ascendant, pour diri- 179 » ger ses actions vers le bien public? » » Le duc d'Orléans, me répondit-il, est >> foible, et je le suis encore plus. Mais quoique » le défaut de résolution l'ait mis à la dispo>>sition d'hommes très-dangereux, qui l'ont » égaré, soyez assuré, néanmoins, que c'est >> notre parti qui sauvera le roi et le royaume. >> Le lendemain, Biron vint me voir, et me remit par écrit la substance de tout ce qu'il m'avoit dit la veille. C'étoit la profession de foi d'un aristocrate déterminé; en me la remettant, il ne dit: « Prenez cet écrit, je l'ai signé; » et si mon parti et moi ne tenons pas tout ce » que je vous ai promis, faites-en l'usage que >> vous jugerez à propos. >> J'ai gardé quelque tems ce papier; mais depuis je l'ai brûlé. Je ne doutai pas de la sincérité de sa profession de foi, mais il étoit trompé, et je le plaignis. Bientôt après il retourna à Paris, et avec lui le général Heyman notre ami commun, qui commandoit sous moi à Metz. Ce dernier à peine arrivé, demanda et obtint une audience de la reine. Son objet étoit de proposer un plan concerté avec le duc de Biron, pour tirer le roi et la famille royale de Paris, et pour assurer leur retraite, soit dans une des villes de mon |