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»neur et la gloire qui en seroient la récom- 1791.

» pense.

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Adieu, mon cher cousin; je vous renouvelle les assurances de mon tendre attacheBOUILLÉ. »

>> ment.

Cette lettre fut un dernier effort que je fis pour ouvrir les yeux à Lafayette, sur le danger de sa position. Je lui fais part de mes sentimens avec franchise et sincérité. Je lui indique la route qu'il lui falloit suivre pour se débarrasser de toutes les difficultés, dont il étoit environné, tirer le roi de l'état de dégradation où on l'avoit réduit, et enfin, pour détourner de dessus la France, le nuage effrayant de calamités prêt à fondre sur elle.

Instruit que le lendemain du départ du comte de ***, pour Metz, Lafayette avoit deinandé et obtenu une conférence de trois heures avec Mirabeau, chez Emeri, à Paris, j'en conçus les plus grandes espérances. Je crus que, soit qu'il eût soupçonné ou connu réellement l'existence du projet dont j'ai parlé plus haut, il désiroit lui prêter son secours et son appui, bien convaincu enfin, qu'il n'y avoit pas d'autre chemin pour sortir de l'inextricable labyrinthe, dans lequel il se trouvoit lui-même perdu. Dans le fait, s'il avoit été

possible d'établir une union véritable entre des hommes de principes et de caractères aussi opposés que Mirabeau, Lafayette et moi, nous eussions encore pu sauver la nation. Mirabeau disposoit, en quelque sorte, de la majorité de l'assemblée. Il avoit, de plus, une trèsgrande influence sur les jacobins. Lafayette, quoiqu'il eut beaucoup perdu de son pouvoir, avoit encore bien des partisans à Paris, et même dans les provinces. J'étois parvenu à reconquérir la confiance des troupes, et même une partie de mon ancienne autorité. Je jouissois aussi, comme je l'ai déja dit, de la plus grande faveur, auprès des gardes nationales et des autorités constituées des provinces frontières. L'appui de ces deux hommes eût augmenté mes forces, et réciproquement, je leur eusse été d'un grand secours. Mais toutes ces belles espérances ne tardèrent pas à s'évanouir. Mirabeau, peu de jours après, fut attaqué d'une maladie violente, et mourut. Les chefs de la faction d'Orléans furent violemment soupçonnés de l'avoir empoisonné. Lafayette reprit de nouveau ses petites intrigues. Mon crédit, ma popularité, mes ressources diminuèrent tous les jours. Aussi, peu de mois après, lorsque le roi voulut en faire usage,

mes moyens étoient devenus trop foibles pour le servir.

Tandis que Lafayette dirigeoit toute sa colère et toute sa vengeance, contre les royalistes et les aristocrates, tandis que chaque jour, il exposoit la famille royale aux insultes du peuple, auquel il sembloit, en quelque sorte, se réunir pour réduire son souverain à un état encore plus humiliant, tandis qu'il s'efforçoit de déraciner de tous les cœurs, les sentimens de respect et d'affection dûs à la majesté royale, il étoit lui-même ouvertement attaqué par le duc d'Orléans. Vers la fin de février, il fut obligé à Vincennes, d'engager un combat avec les sans-culottes, commandés par Santerre, l'un des principaux partisans de ce prince. Il vint à bout de les dissiper,inais en leur laissant les moyens de rassembler des forces plus considérables et plus formidables.

Le duc d'Orléans avoit des agens secrets dispersés dans toutes les parties de la France. Le club des jacobins à Paris, dont il dirigeoit les opérations, avoit établi une correspondance générale avec toutes les villes du royaume. Il n'y en avoit point de si petite, qu'elle n'eût sa société populaire, présidée et conduite par des hommes audacieux, entreprenans, et consom

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1791. més dans le crime et la scélératesse. Le jacobinisme devintinsensiblement un monstre,dont

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la tête étoit à Paris, et dont les bras s'étendoient sur la France entière. Pour arriver à leur but destructeur, les jacobins firent alternativement usage de la force et de l'adresse. Ils montrèrent des dispositions favorables aux constitutionnels, tout en méditant la perte de Lafayette, leur chef, qu'ils poursuivoient avec acharnement, plutôt pour satisfaire la vengeance du duc d'Orléans, que par crainte de son pou voir. Ils s'associèrent aux amis de la constitution, ils firent servir cette même constitution à leurs projets, tandis qu'ils n'attendoient pour la détruire, que l'instant où l'autorité royale seroit anéantie. S'il a jamais existé une cons-. piration plus vaste, jamais, certainement, aucune n'a été conduite avec plus de méthode et d'adresse. Jamais conspirateurs n'ont montré plus d'audace et d'énergie.

Vers le commencement de mars, je reçus une lettre de Lafayette; ce fut la dernière qu'il m'écrivit.

Paris, 7 mars 1791.

«Je vous fais mon compliment, mon cher » cousin, du mariage de madame de Contades, » et j'espère que vous ne doutez pas de l'in

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nos

» térêt que j'y prends. Nous avons été, ces
» jours derniers, dans une position infini-
»ment désagréable, sur-tout le 28 février.
» Cependant, les deux affaires de Vincennes
» et des Tuileries, nous délivrent, au moins
» pour un tems, des attaques de
>> ennemis. Vous avez dû savoir ce qui s'étoit
» passé, par votre correspondance avec Emeri;
» ainsi je me bornerai à vous parler de la
» nomination de M. de Gelb, au commande-
» ment des départemens du Rhin. Ce choix
» du roi, je le sais, vous est le plus agréable
» de tous ceux qu'il auroit pu faire. Les ta-
» lens, les vertus et le patriotisme de M. de
» Gelb, le rendent très-propre à remplir son
»> nouvel emploi. J'ai, mon cher cousin, à
» vous prier de solliciter pour moi une grâce
auprès de lui; c'est de vouloir bien l'engager
» à prendre pour un de ses aides-de-camp
>> Desmottes, que les décrets de l'assemblée
› rendent éligible à ce grade. Son courage,
» son intelligence, son zèle dans la garde
›› nationale, et son attachement pour nous
» deux, me font désirer vivement de le voir

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placer de manière à pouvoir être utile, et >> à faire connoître ses talens. J'aurai une obligation particulière à M. de Gelb, peur Tome II.

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