1791. Pour parvenir à ce but, il se proposoit d'établir en principe, que les représentans du peuple à cette assemblée, n'étoient point investis des pouvoirs nécessaires pour faire un changement quelconque dans l'ancienne constitution, parce qu'ils avoient reçu de leurs provinces des instructions directement contraires; instructions qui n'avoient été, ni al térées, ni révoquées; et parce que le roi privé de sa liberté personnelle, n'avoit pu donner aux nouvelles loix une véritable sanction. La validité de ces objections une fois admise, son intention étoit de faire venir des adresses des différens départemens, pour demander la dissolution de l'assemblée actuelle, la convocation d'une nouvelle,investie de pouvoirs suffisans pour faire à la constitution les chan gemens qui lui paroîtroient indispensables. et enfin que l'on rendît au roi sa liberté, et une autorité raisonnable. Ces adresses eussent été appuyées par le peuple de Paris, dont Mirabeau se flattoit de pouvoir disposer quand il auroit éloigné quelques uns des meneurs des jacobins, qu'il avoit déja dénoncés à l'assemblée. Le comte de *** ajouta que Mirabeau comploit sur trente-six départemens, dont il dirigeroit la conduite. J'en avois moi-même six à ma disposition. D'ailleurs, je l'ai déja dit, il n'y en avoit peut-être pas un seul qui ne fût affectionné à la cause de la royauté. Enfin, le projet de Mirabeau étoit de remettre entre mes mains le roi et la famille royale, soit à Fontainebleau, soit à Compiègne, où je leur aurois fait un rempart de mes meilleures troupes. Quand il eut fini, je dis au comte de ***, que j'approuvois entiérement le plan qu'il venoit de me communiquer, et je lui promis de l'appuyer de tout mon pouvoir. Je le priai d'assurer Mirabeau, qu'il pouvoit compter sur moi. J'écrivis ensuite au roi, pour lui faire part de mon opinion sur ce projet, que je préférois à celui de sa retraite à Montmédi Je lui conseillai de consentir à son exécution, de charger d'or Mirabeau, de lui donner et de lui promettre tout ce qu'il demanderoit. Je l'assurai que désormais les gens d'honneur lės gens intègres, ne pouvoient plus le sauver et rétablir la monarchie; qu'ils ne pouvoient, dans des circonstances pareilles, que former de vains et d'inutiles souhaits, tandis que ces mêmes hommes sans foi, sans principes, dont l'audace et l'adresse avoient causé tout le mal, 1791. 179 1. en connoissoient aussi le remède, et possé On s'étonnera sans doute de me voir si con- Il est probable que Lafayette avoit eu connoissance des avances que Mirabeau m'avoit faites; car le 7 février, il m'écrivit la lettre suivante : Paris, 7 février. « Il y a bien long-tems, mon cher cousin » que » » que je ne vous ai écrit, et depuis ma con- 1791. >>versation avec votre fils, je n'ai pas été à » portée de vous donner des nouvelles inté»ressantes. Paris a été divisé par des factions, » et le royaume fatigué par l'anarchie; les >> aristocrates enragés rêvent contre-révolution; » les prêtres y concourent par le fanatisme; >> les aristocrates modérés n'ont pas le courage » de faire des sottises, mais en disent beau» coup; les monarchistes impartiaux, et toutes » les, nuances du côté droit, ne cherchent qu'à jouer un rôle, n'en ont les moyens, »> ni au physique, ni au moral, et seroient >> aussi, s'ils parvenoient à être quelque » chose, des aristocrates. A gauche, vous » avez un grand nombre d'honnêtes gens qui » attendent; un club de 1789, qui se perd » dans les spéculations philosophiques un >> club de jacobins, dont le fond veut aussi le » bien, mais dont le directoire met par-tout le >> trouble, tout cela multiplié par les associés » de la capitale et des provinces, et malheu>> reusement, on vise plus au nombre qu'au » choix, parce que les chefs sont conduits » par des intérêts et des passions personnels. >> Quant aux ministres, ils sont dans la révo>>lution, et n'ont de règle après celle-là, Tome II. B 1791 >> » que de céder à ceux du parti populaire, >> dont ils craignent les dénonciations; les >>> courtisans sont, comme ci-devant bien » bêtes, bien vils, bien aristocrates; la reine » est résignée à la révolution, espérant que l'opinion changera un peu, mais redoutant la guerre; le roi ne veut que le bonheur du peuple, et la tranquillité générale, à com» mencer par la sienne. J'oubliois de parler » de moi; je suis violemment attaqué par >>> tous les chefs de parti, qui me regardent » comme un obstacle incompatible, et im possible à intimider; et le premier article >> de tout mauvais projet, est de me renverser; joignez-y deux haînes très-méritées, des >> aristocrates et du parti d'Orléans, qui a plus » de moyens qu'il ne paroît en avoir; joi» gnez y la colère des Lameth, avec lesquels » j'ai été lié, de Mirabeau, qui dit que je » l'ai méprisé; joignez y de l'argent répandu, » des libelles, et l'humeur que je donne à » ceux que j'empêche de piller Paris, et vous >> aurez la somme de tout ce qui agit contre » moi. Mais à l'exception d'un petit nombre » de têtes exaltées, qu'on égare, tous les >> honnêtes gens, depuis la partie la moins, » aisée du peuple, jusqu'à ce qui n'est pas |