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1791. rope, voulussent agir avec énergie et sincérité, en faveur de ce prince; mais il comptoit beaucoup sur l'influence et la puissante intervention de Catherine II. Les événemens ont prouvé qu'il se trompoit.

A mon retour à Luxembourg, j'eus la satisfaction momentanée d'apprendre, par le moyen des correspondans que je conservois encore en France, que la situation du roi étoit absolument la même qu'avant son arrestation à Varennes, que ses nouveaux malheurs lui avoient fait quelques partisans parmi les meneurs de l'assemblée, et avoient ranimé l'affection de la partie la moins corrompue de ses sujets. C'étoit malheureusement la moins nom breuse, et sa fuite avoit encore augmenté la rage et le pouvoir des jacobins, et avoit procuré au duc d'Orléans beaucoup de crédit et d'influence.

Vers ce tems, je reçus une lettre d'un de mes amis, attaché au parti constitutionnel, et intimément lié avec ses chefs 11 me confirma dans l'opinion que l'assemblée, ou plutôt · les membres les plus sages et les plus éclairés désiroient sincèrement un accómodement, et n'attendoient qu'une occasion favorable d'entrer en négociation avec sa majesté, et de

revenir sur presque tout ce qui avoit été fait, 179 1. afin d'établir une forme de gouvernement raisonnable, dont on pût se promettre la durée. Il m'informa que la majorité des révolutionnaires de l'assemblée, avoit été fâchée de l'arrestation du roi à Varennes, parce qu'ils croyoient que si sa majesté fût parvenue à Montmédi, son séjour dans cette ville eût facilité un arrangement. J'avois déja été instruit de cette particu larité, par une autre voie. Il me développoit dans cette lettre les dangers d'une guerre étrangère, dont je n'étois pas assez convaincu, mais que je regardois, néanmoins, comme une me-, sure violente, la dernière qu'on dût employer, et sans jamais cesser de l'accompagner de propositions conciliatoires. Voici la copie de cette lettre :

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Paris, 5 juillet 1791.

«Ne croyant pas nécessaire, mon général, d'exposer ma lettre à tomber entre les mains » du comité des recherches, uniquement pour » vous asssurer de mon inaltérable attache>ment, j'ai attendu une occasion favorable » de vous écrire avec sûreté : ayant été assez heureux pour la trouver, je ne vous ferai point perdre votre tems par de longs et d'inu» tiles détails; mais quoique cela puisse encore

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1791.

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» ajouter à vos chagrins, je vous dirai que d'après toutes mes observations pendant » l'absence du roi, et d'après celles que j'ai >> faites dans mes conversations avec les dépu»tés, je suis persuadé que si le roi fût arrivé » à Montmédi, la crise politique actuelle se » seroit, dans l'espace d'un mois, terminée par » une bonne constitution, et cela, sans l'effu»sion d'une seule goutte de sang.

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J'ignorois quels étoient les intentions de >> sa majesté; mais je connoissois votre mo» dération, et c'est sur elle que je fondois mes » espérances d'un accomodement certain. Je » suis loin maintenant de trouver les choses » dans une situation aussi favorable, Si nous » sommes bien informés, rien n'égale l'extra>vagance de tout ce qui vous environne; cette >> extravagance enfantera des projets qui ren» contreront une juste résistance, et plus d'obs>> tacles à leur exécution, qu'on ne se l'imagine. Si nos armes ne suffisent pas à notre » défense, nous ne manquerons pas d'autres >> moyens; mais en supposant qu'il soit possible de réduire un pays aussi vaste que la » France, encore ne seroit ce que pour un »tems très-court.

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» Il appartient à vous seul, mon général,

» et à votre probité, au milieu de la plus vio- 179.12 » lente agitation dont un homme puisse être » tourmenté, de vous souvenir que vous êtes

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français. Non vous n'emploierez jamais >> votre courage et vos talens, à démembrer » ou à asservir votre patrie! Ce n'étoit point » là votre projet, quand vous avez voulu con » duire le roi à Montmédi. Je suis persuadé, >> au contraire, que vous désiriez sauver la na» tion de la honte d'un joug étranger. Peut-on » supposer que vous vouliez maintenant lui >> en imposer un vous-même. Vous, mon général, qui connoissez ce que c'est que » vraie gloire, vous savez qu'on n'y arrive point par cette route. Rappelez-vous qu'au » milieu de leurs plus grands excès, les représentans de la nation vous ont accordé, ce qu'ils accordoient rarement, leurs éloges et >> leur confiance. Ils avoient mis en vous toutes » leurs espérances ; ils vous regardoient comme » le sauveur de leur pays. Je n'ignore, pas » que leur extravagance a rendu le bien impraticable. Je connois les maux sans >> nombre qu'ils nous ont faits, et on ne me » soupçonnera pas de les louer; cependant, » j'ose vous représenter que vous êtes la personne » de l'empire qui a le moins à se plaindre

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1791 de la majorité de l'assemblée nationale. Songez, mon général, que le premier coup » de fusil tiré dans le Nord, peut être le signal » du massacre de tous les prêtres et de tous les >> nobles dans le Midi. Ils seront vengés. Quelle >> consolation! Ce ne sera qu'un malheur de » plus. Si je vous exprime ainsi mes inquié»tudes, c'est parce que je crois encore que les » choses peuvent s'arranger. Il est encore tems » de négocier, et c'est incontestablement le plus » sûr et le meilleur des moyens. Si vous in»clinez à faire des propositions modérées, » souvenez-vous de moi. Je n'hésite point à >> vous offrir mes services, et je me flatte que » vous n'y aurez pas eu recours inutilement.

» Adieu, mon général; j'espère que vous » trouverez dans ma lettre la confirmation des >> sentimens d'estime et de respect, que je » conserverai toujours pour vous. Je vous de» mande en retour, la continuation de l'ami»tié dont vous m'avez honoré jusqu'ici.

Il est certain que la majorité de l'assemblée étoit alors bien convaincue de ses erreurs. Mais ce changement d'opinions fut rendu inutile les événemens subséquens dont je fus informé par un autre de mes correspondans.

par

J'insérerai ici sa lettre : elle est datée du 26

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