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puissances, pour le maintien de la tranquillité publique et pour la sûreté et l'honneur des couronnes.

Premier éclaircissement relatif aux ordres donnés au maréchal de Bender,

L'empereur, sans attendre qu'il en fût requis par la France, a soumis le premier dans ses états, la réception des émigrés français, aux règles les plus strictes de l'asile innocent, et ce n'est aussi plus un secret dans toute l'Europe, que depuis les rassemblemens des émigrés, l'empereur n'a cessé d'employer les conseils et les discours les plus énergiques pour les détourner de tout éclat propre à troubler la tranquillité publique. Sur quel fondement, à quel dessein M. de Lessart reproche-t-il donc à la cour de Vienne d'avoir paru indifférente sur les mouvemens des émigrés ?

Les ordres au maréchal de Bender dont il s'agit, ont été liés, comme une condition absolue, à ce que la promesse de M. l'électeur de Trèves, de faire exécuter chez lui les mêmes règles qui sont en vigueur aux Pays-Bas, relativement aux émigrés, fût pleinement remplie. M. de Lessart avoue qu'on le sait en France; ce point ne demandoit donc pas un éclaircissement; car je ne sais que penser du reproche que nous fait ce ministre de ce que « cette disposition n'avoit pas été exprimée dans la note du 21 décembre, tandis que l'assistance demandée par l'électeur y est rap, portée en propres termes, au cas que la tranquillité de ses frontières et états fût troublée, nonobstant la sage mesure de ce prince d'adopter les mêmes principes qui ont été mis en vigueur dans les Pays-Bas autrichiens, tandis que dans ina seconde note du 5 janvier, la déclaration d'assistance de notre part est positivement limitée au cas d'invasion qui surviendroit, malgré les dispositions modérées et prudentes des princes de l'Empire de faire observer les mêmes

réglemens qui sont en vigueur aux Pays-Bas. » Si des indications si précises ne suffisoient pas pour dissiper tous les doutes, si en soi-même il étoit possible de se figurer que l'empereur voulût soutenir ailleurs des armemens qu'il a a proscrits chez lui-même, que pouvoit-il rester à desirer après la lettre que M. le comte de Mercy vous adressa le 7 janvier, et dont vous me mandez, monsieur, avoir aussitôt communiqué les propres termes à M. de Lessart, par laquelle cet ambassadeur nous enjoignoit de communiquer au ministère français, que l'empereur n'avoit promis du secours à l'électeur, « qu'autant qu'il aura pleinement satisfait à la demande de la France, de ne perinettre chez lui ni rassemblement d'émigrés, ni aucun préparatif, ni mesures hostiles, de quelque genre que ce soit, et qu'il n'adopte en tout point la conduite impartiale que l'on a tenue dans les Pays-Bas relativement aux émigrés français. » Cette explication officielle, jointe aux indications ci-dessus, est confirmée le fait et par par les propres rapports de M. de Sainte-Croix, sur l'exécution des ordres donnés pour faire cesser les rassemblemens: ne mettoit-il pas entre les mains du ministère des moyens suffisans de caliner et d'anéantir les doutes des plus opiniâtres et des plus malveillans?

Comment, enfin, M. de Lessart peut-il borner les motifs des ordres donnés à M. le maréchal de Bender, à la suppo sition de quelques violences et de quelques incursions commises par des municipalités ? Pourquoi passe-t-il sous silence les autres motifs que ma note du 21 décembre annonce, en disant « que l'expérience journalière ne rassuroit pas assez sur la stabilité et la prépondérance des principes modérés en France, et sur la subordination des pouvoirs, et sur-tout des départemens et des municipalités? » De tout ce passage, le dernier mot est seul relevé ; est-ce que les autres motifs qu'il exprime, et qui se trouvent encore plus dėtaillés dans ma note du 5 janvier, sur laquelle on garde

également le silence, ne sont pas aussi vrais qu'importans? il est sûrement plus facile de les dissimuler d'en combattre l'existence et la réalité.

que

Il étoit donc plus clair que le jour que l'empereur, loin de vouloir menacer la France, n'a voulu que lui rappeler l'obligation où il se trouveroit, comme chef de l'Empire, co-état et voisin, de secourir un autre état d'Empire contre d'injustes attaques, dont menaçoit évidemment la violence extrême qui se manifestoit dans les dispositions de l'assemblée nationale, ainsi que des départemens et municipalités les plus voisines, joint à une telle précipitation, les disproportions de mesure qui ne permettent aucun délai dans les ordres du secours éventuel ; et comme il est d'une égale évidence qu'il n'étoit pas resté un doute à la France sur les véritables intentions de l'empereur, il s'ensuit en résultat, que le premier chef des explications demandées, ne fournissoit pas le moindre objet d'éclaircissement, si on n'avoit voulu absolument en faire naître,

Deuxième éclaircissement sur le concours des puissances.

« Il a été une époque, sans doute, dit M. de Lessart, où leur cause, où celle des émigrés qui paroissoit liée à celle du roi, a pu exciter l'intérêt des souverains, et plus particulièrement celui de l'empereur. »

A cette époque, que le ministre fixe avant le temps que le roi, par l'acceptation de la constitution, s'est mis à la tête d'un nouveau gouvernement, la France offroit à l'Europe le spectacle d'un roi légitime forcé par des violences atroces à s'enfuir, protestant solemnellement contre les acquiescemens qu'on lui avoit extorqués, et peu après arrêté et détenu prisonnier avec sa famille par son peuple.

Oui, c'étoit alors au beau-frère et à l'allié du roi à inviter

les autres puissances de l'Europe de se concerter avec lui déclarer à la France :

pour

«

Qu'ils regardent tous la cause du roi très- chrétien comme la leur propre ;

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Qu'ils demandent que ce prince et sa famille soient mis sur-le-champ en liberté entière, en leur accordant de pouvoir se porter par-tout où il croira convenable, et réclament pour toutes ces personnes royales l'inviolabilité et le respect auxquels le droit de nature et des gens obligent les sujets envers leurs princes;

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1

Qu'ils se réuniroient pour venger, avec le plus grand éclat, tous les attentats ultérieurs quelconques que l'on commettroit ou se permettroit de commettre contre la liberté, l'honneur et la sûreté du roi, de la reine et de la famille royale ;

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Qu'enfin, ils ne reconnoîtront comme lois constitutionnelles, légitimement établies en France, que celles qui seront munies du consentement volontaire du roi, jouissant d'une liberté parfaite; mais qu'au cas contraire, ils emploieront de concert tous les moyens qui sont en leur puissance, pour faire cesser le scandale d'une usurpation de pouvoir qui porteroit le caractère d'une révolte ouverte, et dont il importeroit à tous les gouvernemens de l'Europe de réprimer le funeste exemple.

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Tels sont les termes de la déclaration que l'empereur proposa, au mois de juillet 1791, `aux principaux souverains de l'Europe, de faire à la France, et d'adopter pour base d'un concert général,

On défie d'y trouver une syllabe qui ne fût avouée, par ce que tous les principes du droit des gens ont de plus sacré; et prétendit-on que la nation française, par sa nouvelle constitution, se soit élevée au-dessus de la jurisprudence universelle de tous les siècles et de tous les peuples, encore ne sauroit-on, sans contredire la constitution elle

même, caractériser de ligue contre la France, la réunion des puissances pour contraindre le roi et la nation à accepter les lois qu'ils auront faites, un concert dont le seul but étoit de venir à l'appui de cette inviolabilité du roi et de la monarchie française, que la nouvelle constitution reconnoit et sanctionne comine une base iminuable.

A cette époque de la détention du roi et de sa famille, se rapporte la stipulation d'une alliance préliminaire, d'une alliance défensive entre les cours de Vienne et de Berlin, signée le 25 juillet de la même année, portant « que les deux cours s'entendront et s'emploieront pour effectuer incessamment le concert auquel sa majesté impériale vient d'inviter les principales puissances de l'Europe sur les affaires de la France; » stipulation qui repose entièrement, comme on le voit, sur les principes et le but du concert, ainsi que la déclaration signée en commun par les souverains de l'Autriche et de la Prusse, lors de leur entrevue à Pilnitz, le 27 août.

ce

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Ce concert étoit près de se consolider, lorsque le roi et sa famille furent relâchés, l'autorité royale réintégrée, le maintien du gouvernement monarchique adopté comme loi fondamentale de la constitution, et que sa majesté trèschrétienne déclara par sa lettre à l'assemblée nationale du 13 septembre, « qu'elle acceptoit la constitution; qu'à la vérité elle n'appercevoit point dans les moyens d'administration, toute l'énergie qui seroit nécessaire pour imprimer le mouvement et pour conserver l'unité dans toutes les parties d'un si vaste empire; mais qu'elle consentoit que l'expérience seule en demeurât juge. » Alors l'empereur s'adressa une seconde fois aux puissances qu'il avoit invitées au concert, pour leur proposer d'en suspendre l'effet, suivant le témoignage de la dépêche circulaire que recurent à cette fin les ministres officieux impériaux respectifs, dans le courant du mois de novembre, et dont vous ne ferez

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