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de grandes difficultés, et que l'entreprise pourrait être terminée assez rapidement. Un décret du 27 judet 1808 fixa, pour l'achèvement des plans générax, un délai de deux ans, qui a été prorogé par deux ordonnances royales des 29 mai 1816 et 18 mars 1818, sans que l'opération ait pu atteindre sen terme. A l'expiration du délai déterminé par la dernière ordonnance, on n'a pas jugé convenable d'en décréter un nouveau. Mais, comme le refus par les conseils municipaux de voter les fonds nécessaires pour acquitter les dépenses résultant de la confection des plans, était un des principaux obstacles qui empêchait l'exécution de la loi de 1807, les frais des plans d'alignement ont été mis par le législateur dans la classe des dépenses communales obligatoires, c'est-à-dire de celles que Tautorité supérieure peut inscrire d'office au budget des communes. (L. 18 juillet 1837, art. 50.)

En attendant que les plans généraux d'alignement des villes aient été arrêtés, on ne pouvait ni empêcher les citoyens de batir, ni leur laisser la faculté de bâtir selon leur gré. On a dù, en conséquence, prendre des mesures provisoires : les maires ont été autorisés à donner des alignements, après l'avis des genieurs, et sous l'approbation des préfets. (Décr. juillet 1808.)

Toutefois, ce droit n'existe que pour des alignements individuels : lorsque des villes ne veulent pas proceder par voie d'alignement spécial et limité à une seule propriété, lorsqu'il s'agit d'une mesure embrassant nécessairement plusieurs maisons contigues, par exemple, de l'agrandissement d'une place (1), et en même temps de l'isolement d'une egse (2), un arrêté municipal rendu sous l'approbation du préfet ne peut suffire; il faut arrêter un plan général ou partiel dans les formes tracées par Tarticle 52 de la loi du 16 septembre 1807.

Nous avons vu, ci-dessus, que le droit des maires quant aux alignements à donner dans les rues des villes se trouve modifié, pour les rues qui sont des parties de route. Ce droit reçoit encore d'autres modifications qu'il convient de signaler. Ainsi, d'après l'article 75 du décret du 24 décembre 1811, dans les places de guerre, l'autorité civile doit concerter avec l'autorité militaire les plans d'alignements: 1o des rues qui servent de communication directe avec la place d'armes, les bâtiments ou établissements militaires et la rue du rempart; 2o des rues, carrefours et places qui environnent les batiments ou établissements militaires, ou qui sont consacrés, par le temps et l'usage, aux exercices ou rassemblements des troupes.

En matière de voirie vicinale. Quant aux chemins vicinaux, on tenait pour constant, avant la loi du 21 mai 1836, que les propriétaires riverains de tes chemins pouvaient élever des constructions ou des clôtures sur les bords, sans demander alignement, mais en courant la chance des poursuites à exercer contre eux, au cas où ils auraient empiété sur le sol de la voie publique. Le législateur a pensé qu'il pouvait être utile d'appliquer aux chemins vieinaux, selon les cas et dans certaine mesure, les regles établies pour les autres voies publiques en ce qui concerne l'alignement. En conséquence, les préfets out été chargés de faire, chacun dans son departement, un règlement qui doit statuer, entre autres points, sur ce qui est relatif aux alignements, aux autorisations de construire le long des chemins et aux plantations. Des instructions pour l'exécuon de cette disposition ont été adressées aux pré(1) Arr. cons 25 juillet 1834, Dames Gressent et Deshaies C. Pivent.

(2) Arr. cons. 10 septembre 1835, ville de Bordeaux C. Fabre de Rieunègre.

fets, par M. le ministre de l'intérieur, notamment dans la circulaire du 24 juin 1856. Il résulte de ces instructions que les préfets doivent se réserver le droit de donner l'alignement pour les constructions et clôtures à élever le long des chemins vicinaux de grande communication, mais qu'ils peuvent déléguer aux maires, sous l'approbation des sous-préfets, le droit de délivrer les alignements relatifs aux chemins vicinaux ordinaires.

§ 2. Formes dans lesquelles l'alignement est délivré.- La forme dans laquelle les alignements doivent être délivrés aux particuliers n'a pas été déterminée, mais au moins faut-il qu'il y ait un acte administratif dont l'existence et la teneur ne puissent être contestées.

Le conseil d'Etat a déclaré qu'une autorisation verbale de construire donnée par l'autorité municipale à un particulier ne peut tenir lieu de l'alignement exigé par la loi du 16 septembre 1807; que cet alignement doit être délivré dans la forme et avec les précautions prescrites par les lois et règlements de la matière; que le ministre de l'intérieur avait justement déclaré nul un alignement résultant d'une autorisation verbale (Arr. Cons. 25 février 1859, Lasnier-Lemaître). On a pensé qu'on ouvrirait la porte aux abus et aux contestations, si l'on admettait qu'un alignement put être donné régulièrement sous forme orale. Comment établir, en effet, qu'un propriétaire aurait ou n'aurait pas rempli des conditions qu'aucun acte écrit ne con

staterait?

La règle que le conseil d'État a posée pour les alignements concernant la voirie urbaine, il l'établirait sans aucun doute pour les alignements relatifs à la grande voirie et à la voirie vicinale, si l'occasion s'en présentait, car les raisons de décider sont les mêmes.

Droits de voirie. Les alignements sont généralement délivrés sans frais; toutefois, il peut être perçu, au profit des communes, des droits de voirie, conformément à un tarif arrêté par le roi en conseil d'Etat.

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Un édit de novembre 1697 avait autorisé la perception dans les villes de droits de voirie, destinés à indemniser les voyers experts, priseurs et arpenteurs jurés et les greffiers de l'écritoire. L'administration considéra cet édit comme ayant été maintenu en vigueur par la loi des 19-22 juillet 1791, et longtemps aucune difficulté ne s'éleva à cet égard. Il y a plus, un décret du 27 octobre 1808 régla de nouveau les droits de voirie dans la capitale, de manière à en faire une source de revenus pour la cité, et il n'y eut point de réclamation. Plus tard, des serupules constitutionnels s'éveillèrent et les chambres autorisèrent la perception « des droits de voirie dont les tarifs auraient été approuvés par le gouvernement, sur la demande et au profit des communes, conformément à l'édit de novembre 1697, maintenu en vigueur par la loi du 22 juillet 1791.» (L. des recettes du 21 avril 1852, art. 3). Mais, postérieurement, le pouvoir législatif a adopté l'idée de faire, pour toutes les communes comme pour la capitale, une ressource municipale des droits de voirie. En conséquence, la loi du 18 juillet 1837 a compris parmi les ressources ordinaires des communes le produit des droits de voirie (Art. 51, 8), sans se renfermer dans les termes de l'édit de 4697; seulement, pour éviter les abus, il a été établi que les tarifs de ces droits seraient réglés par ordonnance du roi, rendue dans la forme des règlements d'administration publique (Art. 40). Chaque année, les chambres confirment dans la loi du budget l'autorisation de percevoir les droits de voirie, dont les tarifs ont été approu

vés par le gouvernement, sur la demande et au profit des communes. »

Un certain nombre de communes ont déjà profité de la faculté qui leur est ainsi donnée. Les ordonnances royales intervenues pour régulariser la perception des droits de voirie au profit de ces communes stipulent ordinairement que a cette perception, en ce qui concerne les délivrances d'alignements, ne doit avoir lieu qu'après que ces aligne«ments ont été obtenus dans les formes détermi«nées par les lois et règlements sur la matière.»

a

Droits de timbre et enregistrement.-Les alignements donnent lieu, d'un autre côté, à la perception de droits de timbre et d'enregistrement, à raison soit des alignements eux-mêmes, soit des actes relatifs à des concessions ou à des acquisitions de terrain par suite d'alignement.

La perception de ces droits a donné lieu à une question très-importante pour les communes. La loi du 7 juillet 1855, relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique, a exempté du droit d'enregistrement les contrats et autres actes faits en vertu de ses dispositions. (Art. 58.) (1) De cette disposition les communes ont conclu qu'il y avait exemption de droit en faveur de tous les actes passés pour arriver à une expropriation commandée par f'utilité publique; qu'ainsi les actes d'acquisition qu'elles pouvaient faire pour l'exécution d'un plan d'alignement arrêté par l'autorité compétente devaient être enregistrés gratis. L'administration de l'enregistrement n'a pas admis ces prétentions; elle a soutenu que l'exemption ne devait être accordée que dans les cas où les formalités établies par les lois sur l'expropriation pour cause d'utilité publique avaient été remplies; que, dès lors, si les communes procédaient à l'exécution des plans d'alignement en vertu de la loi du 16 septembre 1807, et non pas en vertu des lois sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, elles ne pouvaient réclamer le bénéfice d'une disposition spéciale à ces lois. Cette interprétation rigoureuse parait avoir prévalu devant la cour de cassation (2), mais avoir été repoussée par le conseil d'Etat. Ainsi une ordonnance royale du 23 février 1844, rendue sur le rapport du comité de législation et après délibération de l'assemblée générale du conseil, annulant un arrêté du conseil de préfecture du Calvados, a autorisé la ville de Lisieux à défendre à une action que l'administration de l'enregistrement se proposait d'intenter contre elle, à l'effet d'obtenir le payement de droits portant sur des immeubles acquis par cette ville, pour parvenir à l'élargissement de voies publiques comprises dans le plan d'alignement approuvé par une autre ordonnance du 5 octobre 1823. Cette décision du conseil d'Etat, comme cela a lieu ordinairement en matière d'autorisations de plaider, n'est pas motivée, mais il est facile de suppléer les motifs. En effet, le conseil tient pour certain que l'approbation des plans d'alignement par l'autorité compétente vaut déclaration d'utilité publique à l'égard des particuliers, contre lesquels on peut, en vertu du plan approuvé, requérir immédiatement la démolition des constructions qui empiètent sur l'alignement et la réunion du sol à la voie publique (5). Il y a donc là une véritable expropriation pour cause d'utilité publique; seulement elle a lieu dans des formes qui ne sont pas identiquement celles que les lois de 1853 et de 1841 ont tracées. Mais pour appliquer l'immunité du droit

(1) La loi du 3 mai 1841, qui a remplacé celle du 7 juillet 1833, contient une disposition semblable dans son article 48. (2) V. notamment arr. 19 juin 1844, villes de Saint-Etienne et de Montpellier.

(8) Av. Cons. 7 juin 1843, voir ci-apres p. 48.

d'enregistrement n'est-ce pas à la nature de l'opération et à son objet plutôt qu'à ses formes qu'il convient de s'attacher? La dignité du gouvernement parait intéressée à ce que l'on ne dispute pas aux communes, par des subtilités, le bénéfice d'une exemption qui est un bien faible avantage en comparaison des charges qu'elles supportent pour des améliorations dont l'Etat retire des profits de plus d'un genre. Aussi nous ne saurions admettre la distinction qu'on a voulu créer entre le cas où les acquisitions ont lieu contre le gré du propriétaire et celui où elles se font à l'amiable. Une pareille distinction n'aurait d'autre résultat que de conduire les communes à simuler une contestation, alors qu'el es seraint d'accord avec les propriétaires pour l'exécution d'un plan d'alignement. Une administration qui se respecte et veut être respectée ne peut provoquer et encourager de semblables jeux. Du reste, d'après un arrêt de la cour de cassation (19 juin 1844, ville d'Evreux, affaire Péclet), qu'on regrette de ne pas trouver au Bulletin officiel des arrêts de cette cour (1), il est permis de penser que cette cour tend à se rapprocher de l'opinion admise le conseil d'Etat.

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§ 3. Des modifications d'alignements. alignements peuvent être modifiés sur les diverses voies publiques de communication, lorsque les besoins du service public l'exigent. (Av. Cons. 7 aout 1839.)

Les mêmes autorités qui ont le droit d'arrêter et de donner l'alignement ont celui de le modifier.

Ainsi, les préfets peuvent modifier les alignements de grande voirie par eux donnés, en l'absence d'un plan général (Arr. Cons. 15 février 1835, Poisiau); mais ils ne peuvent modifier les aligne ments arrêtés par l'autorité supérieure. (Arr. Cons. 20 février 1840, Chapelain.)

On doit, d'ailleurs, observer pour les modifications les formes indiquées ci-dessus; et ce n'est qu'en vertu d'une déclaration expresse de l'administration que les plans peuvent cesser d'être exécutoires. Tant que cette déclaration n'a pas eu lieu, les propriétés restent soumises aux servitudes légales qu'entraine l'exécution du plan. Pour se soustraire à l'application de ces servitudes, on n'est pas fondé à soutenir que le plan est tombé en désuétude, des travaux ordonnés par l'administration elle-même ayant rendu nécessaire un plan nouveau. En admettant la nécessité de ce nouveau plan, tant qu'il n'a pas été arrêté par l'autorite compétente, l'ancien conserve sa force. (Arr. Cons. 12 décembre 1854, Pihet.) On ne pourrait non plus se prévaloir de ce que les ingénieurs des ponts et chaussées et le préfet auraient proposé un nouveau tracé à l'administration supérieure. (Arr. Cons. 25 décembre 1844, Wagner.)

II. OBLIGATIONS ET DROITS DES PARTICULIERS EN MATIÈRE D'ALIGNEMENT.

Après avoir dit ce qu'on entend par alignement, quelles sont les autorités chargées de l'arrêter et de le délivrer aux propriétaires riverains de la voie publique, puis la forme à suivre dans ces opérations, il importe de déterminer, d'une manière plus précise, la nature et l'étendue des obligations que cette servitude fait peser sur les citoyens il faut aussi indiquer quelles compensations à ces charges le législateur a pris soin d'accorder. En ce qui concerne la grande voirie, l'arrêt du conseil du 27 février 1765 a posé les règles principales qui gouvernent encore aujourd'hui la matière.

1° En matière de grande voirie.

D'abord, il est à remarquer que cet arrêt impose

(1) On trouve cet arrêt dans la collection Devilleneuve, vol. 1844, p. 496.

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Tebligation de demander alignement pour les conédifi⚫structions ou reconstructions de maisons, ⚫ces, ou bâtiments généralement quelconques, en tout ou en partie, étant le long et joignant les routes construites, soit dans les traverses des villes, bourgs et villages, soit en pleine campa• gne. » Et que, d'après la jurisprudence du conseil d'Etat, cette disposition est applicable aux seules constructions qui touchent immédiatement la voie publique; qu'elle ne peut être étendue à celles qui sont séparées de cette voie par une zone quelconque (1), alors même que cette zone serait la propriété de l'État (2). Mais si les particuliers peuvent construire sans autorisation en arrière de l'alignement, l'administration peut les forcer à se clore sur l'alignement, afin de faire disparaitre les angles et renfoncements contraires à la salubrité ou dangereux pour la sûreté publique. (Av. Cons. 21 août 1859.)

Ce n'est pas seulement l'obligation de demander alignement pour les constructions ou reconstructions qui est imposée par l'arrêt du conseil de février 1765 aux propriétaires qui touchent la voie publique; comme conséquence de cette obligation, te méme arrêt leur interdit de faire aucune espèce d'ouvrages aux façades de leurs édifices, à titre de réparation ou autrement, de poser aucune échoppe ou chose saillante, sans la permission de l'autorité administrative.

L'infraction à ces dispositions est punie de la démolition des ouvrages exécutés en contravention, de la confiscation des matériaux, et de trois cents livres d'amende contre le propriétaire ou autre auteur de la contravention, sans préjudice d'une pareille amende contre les maçons, charpentiers et ouvriers.

Le conseil d'État, en maintenant l'autorité de l'arrêt de 1765, tempère cependant la rigueur de ces prescriptions: ainsi, la peine de la confiscation des matériaux n'est plus appliquée, et la démolition des ouvrages exécutés sans la permission de l'administration n'est ordonnée que dans les cas où ces travaux ont pour effet de réconforter un mur de face qui serait sujet à reculement par suite de l'alignement arrété. Il y a plus le conseil d'Etat admet que, pour des travaux à exécuter sur la partie retranchable elle-même, mais qui ne sont pas confortatifs du mur de face, les propriétaires ne sont pas tenus d'obtenir l'autorisation préalable de l'administration (3), et qu'ils ne peuvent pas même être astreints à une déclaration préalable, à titre d'avertissement donné à l'autorité publique pour l'exercice des droits de surveillance qui lui appartiennent (4). Malgré ces concessions faites à l'exercice du droit de propriété, l'administration ne reste pas désarmée. Ainsi, elle a la faculté de pénétrer dans Tintérieur des maisons, d'y vérifier si les travaux effectués n'ont pas pour effet de réconforter, directement ou indirectement, le mur de face, et, selon les cas, de constater les réconfortations et de pour

(1) Arrêts du conseil du 4 février 1824, Legros; du 2 avril 1828, Marteau d'Ayiry; du 15 mars 1844, Dupin.

(2) Arrêt du conseil du 29 juin 1842, Hardy. A l'égard de cette zone, qui n'est pas comprise dans le domaine public, l'Etat se trouve, vis-à-vis des propriétaires qui la bordent, dans la situation où serait un simple particulier: il a droit de faire respecter sa propriété, mais il ne le peut que par les moyens da droit commun.

(3) Arr. Cons. 1er septembre 1832, Laffitte; 20 décembre 1836, Moreau; 14 juin 1837, Forgeron et Hubert; 19 juillet 1837, Boullard et Vergnon; 22 août 1838, de Bligny; 3 février 1843, Maréchal; 4 mai 1843, Jousserau et Maret; 22 juin 1843, Campy et consorts; 12 janvier 1844, Piquet et consorts; 27 décembre 1844, Tho

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suivre la démolition des ouvrages illicites (1). Elle a aussi le droit, ou, pour mieux dire, le devoir, lorsque le mur de face d'une maison sujette à retranchement vient à tomber, ou lorsque la sûreté publique exige sa destruction, de poursuivre la démolition de tous les ouvrages compris dans la partie retranchable (2).

Parmi les obligations qui pèsent sur les riverains de la voie publique, nous devons signaler encore celles qui résultent du droit que possède l'administration de modifier les alignements précédemment arrétés par elle.

L'alignement nouveau atteint immédiatement les bâtiments qui se trouvent en avant ou en arrière du tracé. Les propriétaires de ces bâtiments sont soumis à l'obligation de les reculer ou de les avancer, selon les cas (3). L'administration peut requérir l'exécution de cette obligation sans qu'il soit besoin de remplir, à l'égard des propriétaires, les formalités prescrites par les lois sur l'expropriation pour cause d'utilité publique; ces formalités sont remplacées ici par celles qui accompagnent la préparation et l'adoption des plans d'alignement (4).

Plus ces dispositions sont rigoureuses pour les propriétaires, plus il convient de ne pas les aggraver par l'application: c'est l'esprit qui anime le conseil d'Etat.

Ainsi, il est admis par ce conseil que les particuliers qui ont commencé des constructions en vertu d'un ancien alignement, füt-ce un alignement partiel, peuvent les continuer légalement, même après une ordonnance royale fixant un autre alignement, tant que cette ordonnance ne leur a pas été notifiée par l'administration, et qu'on ne les a pas mis en demeure de demander un alignement nouveau. (Arr. Cons. 3 mai 1839, Maricot.)

Le conseil d'Etat admet même que, quand une ordonnance royale vient réunir à la voie publique des terrains qui n'en faisaient pas partie, la signification de cette ordonnance ne peut empêcher la continuation des constructions entreprises sur ces terrains, si, au moment de la signification, ces constructions sont dans un état d'avancement suffisant pour constituer un édifice, par exemple si les bâtiments se trouvent élevés jusqu'au troisième plancher. (Arr. Cons. 15 juillet 1841, de Turin.) Il en serait autrement si, lorsque l'ordonnance a été signifiée au propriétaire, ses constructions n'avaient pas atteint là hauteur du rez-de-chaussée, par exemple si elles ne consistaient qu'en trois piles isolées, élevées à deux mètres au-dessus du sol seulement. (Arr. Cons. 15 juillet 1841, de Turin.)

Si l'administration use du droit d'exiger le reculement des propriétés anciennement construites et qu'atteint le nouvel alignement, le propriétaire qui est contraint de démolir a droit à une indemnité, qui porte tout à la fois sur la valeur de la construction et sur celle du terrain où elle est établie. Il suffit qu'une portion seulement des bâtiments soit enlevée en vue du nouvel alignement pour que le propriétaire puisse exiger l'acquisition de la tota

(1) Arr. Cons. 1er septembre 1832, Laffitte; 20 décembre 1836. Moreau; 14 juin 1837, Forgeron et Hubert; 12 juillet 1837; Boullard et Vergnon; 22 août 1838, de Bli gny; 3 février 1843, Maréchal; 4 mai 1843, Jousserau et Maret; 22 juin 1843, Campy et consorts; 12 janvier 1848, Thomassin Piquet et consorts; 27 décembre 1844,, (2) Arr. Cons. 4 mai 1843, Jousserau et Maret. (3) Av. Cons. 7 août 1839.

(4) Voir l'avis du conseil d'Etat du 7 juin 1843, émis à l'occasion d'une demande formée par la commune de Poublan (Finistère), à l'effet de faire déclarer d'utilité publique l'occupation d'un terrain appartenant à un sieur Cogant, pour effectuer l'élargissement de deux rues suivant l'alignement tracé au plan.

lité. (L. 16 septembre 1807, art. 51; du 3 mai 1841, art. 50.) Mais l'administration peut attendre, pour la réalisation de l'alignement nouveau, que le propriétaire fasse volontairement démolir sa maison ou soit forcé de la démolir pour cause de vétusté; dans ce cas, il n'y a droit à indemnité que pour la valeur du terrain délaissé. (L. 16 septembre 1807, art. 51.)

Du reste, les indemnités relatives aux terrains abandonnés et aux constructions démolies sont les seules auxquelles aient droit les propriétaires riverains des voies publiques dont l'alignement est modifié. Ces propriétaires ne sont pas fondés à réclamer des indemnités pour la dépréciation qu'un alignement nouveau causerait à leur propriété, soit parce que les bâtiments déjà construits se trouvent frappés de la servitude de reculement avec toutes ses conséquences, soit parce que des constructions nouvelles, qu'ils se proposaient de bâtir, se trouveraient dans des circonstances défavorables, puisqu'on serait forcé de les placer en renfoncement des édifices anciens. (Arr. Čons. 24 avril 1837, D'Osmont.)

En échange de ces obligations, quelques avantages ont été accordés, par le législateur, aux riverains de la voie publique.

Ainsi, lorsque, par suite des alignements nouveaux, les constructions existantes sont susceptibles d'avancer sur la voie publique, les propriétaires ont le droit d'obtenir, par préférence, l'abandon du terrain placé au devant de leur propriété. Cet abandon, il est vrai, n'est pas gratuit: les riverains sont tenus de payer la valeur du terrain qui leur est abandonné, et dans la fixation de cette valeur, on doit avoir égard à ce que le plus ou le moins de profondeur de ce terrain, la nature de la propriété, le reculement du reste du terrain bâti ou non bâti loin de la nouvelle voie, peuvent ajouter ou diminuer de valeur relative pour le propriétaire. (L. 16 septembre 1807, art. 55.)

Si le propriétaire ne veut pas acquérir, l'administration est autorisée à le déposséder de l'ensemble de sa propriété, en lui payant la valeur telle qu'elle était avant l'entreprise des travaux. (L. 16 septembre 1807, art. 53.)

Une loi du 24 mai 1842, relative aux portions de routes royales délaissées par suite de changement de tracé ou d'ouverture d'une nouvelle route, a complété, en quelque sorte, la pensée du législateur de 1807 en ce qui concerne les abandons à faire aux riverains de ces voies publiques.

D'après cette loi, le sol des routes délaissées, s'il n'est pas classé parmi les routes départementales et les chemins vicinaux, doit être remis à l'administration des domaines pour être aliéné. Toutefois, il doit être réservé, lorsque la situation des propriétés riveraines l'exige, un chemin d'exploitation dont la largeur peut être portée jusqu'à cinq mètres. L'établissement de ce chemin est réglé par un arrêté du préfet en conseil de préfecture.

Quant au surplus du terrain, les riverains ont un autre droit, celui d'en devenir acquéreurs par préférence, s'ils le jugent convenable, chacun en droit soi; à cet effet, ils doivent être mis en demeure par l'administration, dans les formes tracées par l'article 61 de la loi du 3 mai 1841.

Lorsqu'un chemin d'exploitation n'est pas jugé nécessaire, le droit de préemption des riverains s'exerce, de la même manière, sur la totalité du terrain retranché de la voie publique.

Enfin, si une portion de la route royale abandonnée est classée parmi les routes départementales ou les chemins vicinaux, ce même droit de préemption existe au profit des riverains sur les

parcelles de terrain qui ne font pas partie des nouvelles voies de communication.

2o En matière de voirie urbaine. Les règles qui précèdent sont communes à la grande voirie et à la voirie urbaine, en ce qui concerne l'obligation, soit de ne faire aucune construction joignant la voie publique et de n'exécuter aucun travail au mur de face, sans autorisation préalable de l'administration (1), soit de clore les terrains placés au devant d'un édifice qui ne joindrait pas immédiatement la voie publique et qui pourraient offrir des renfoncements nuisibles; en ce qui touche la servitude de reculement par suite d'une modification d'alignement; enfin, en ce qui touche l'application de l'article 55 de la loi du 16 septembre 1807 pour les abandons de terrains à faire aux riverains.

3° En matière de voirie vicinale. Quant aux chemins vicinaux, il est reconnu, par la cour de cassation, que, aux termes de l'article 15 de la loi du 21 mai 1856, l'arrêté du préfet qui ordonne l'élargissement d'un chemin attribue définitivement au chemin, le sol compris, dans les limites qu'il détermine. Le droit des propriétaires riverains se résout en une indemnité, qui est réglée à l'amiable ou par le juge de paix du canton, sur rapport d'experts.

Lorsque l'élargissement porte sur des terrains nus et découverts, leur incorporation immédiate ne peut guère souffrir de difficulté, car le prix de ces terrains est ordinairement peu important; il en est autrement lorsqu'il s'agit de propriétés bâties; l'administration ne peut réaliser l'élargissement immédiat qu'en ordonnant la démolition des constructions, et il faut alors payer, non-seulement la valeur du sol, mais celle des constructions démolies, ce qui peut entrainer une charge considérable, surtout eu égard aux ressources d'une commune rurale.

Lors donc que l'élargissement du chemin n'est pas urgent, il y a intérêt pour les communes à attendre que les constructions soient démolies par la volonté du propriétaire ou pour cause de vétusté, de manière qu'il n'y ait à payer que la simple valeur du sol. Mais si l'élargissement peut être différé dans ce but, il faut éviter qu'il soit indéfiniment retardé par le fait des propriétaires riverains. De là est née la question de savoir si l'administration est investie, à l'égard des bâtiments bordant les chemins vicinaux et qui sont sujets à reculement, du pouvoir qui lui appartient en ce qui touche les

(1) Seulement, il faut remarquer que ce n'est pas l'amende de 300 fr. établie par l'arrêt du conseil de 1765 qui est applicable, mais celle de l'article 471 du Code pénal (1 à 5 fr.). Au reste, il peut être bon de rappeler ici que l'amende établie par l'arrêt précité pour les contraventions aux règles dont il s'agit en matière de grande voirie n'est plus une amende fixe, depuis la loi du 23 mars 1842. D'après cette loi, les

amendes fixes établies par les règlements de grande voirie antérieurs à la loi des 19-22 juillet 1791 peuvent être modérées, eu égard an degré d'importance ou aux circonstances atténuantes des délits, jusqu'au vingtième desdites amendes, sans toutefois que ce minimum puisse descendre au-dessous de 16 fr. Mais le conseil d'Etat n'avait pas attendu cette loi pour approprier aux circonstances l'application de l'arrêt de 1763:

s'il déclarait que le conseil de préfecture n'avait pas le droit de modérer l'amende, il ne faisait, quant à lui, aucune difficulté d'user de ce droit, au nom du roi, qui signe ses décisions et qui compte parmi ses prérogatives constitutionnelles celle de remettre les peines.

Nous avons déjà dit que le conseil d'État n'ordonnait, d'ailleurs, la démolition des travaux exécutés sans autorisation,

qu'autant qu'ils avaient pour effet de réconforter le mur de face d'une maison sujette à reculement. La cour de cassation ne reconnait pas aux tribunaux le droit d'admettre un semblable tempérament en matière de voirie urbaine, et sa doctrine nous parait fondée; mais l'administration qui a obtenu

la condamnation reste juge de ce que l'intérêt public exige quant à l'exécution elle peut donc ne pas exiger la démolition de travaux qu'elle ne croit pas naisibles.

mêmes bâtiments lorsqu'ils longent les routes et les rues. Le ministre de l'intérieur ayant soumis cette question à l'examen du conseil d'Etat, ce conseil a pse que la délégation faite aux préfets dans farticle 21 de la loi du 21 mai 1836 révèle, par la generalité de ses termes, l'intention du législateur d'assurer, en ce qui touche les chemins vicinaux, l'application et la mise en vigueur des règles légales, antérieurement consacrées dans les matières de grande voirie et de voirie urbaine; que les règlements des préfets peuvent, en conséquence, même dans les cas de réparations, défendre aux propriétaires dont les constructions empiètent sur les limiles d'un chemin vicinal ou joignent immédiatement ledit chemin, d'entreprendre aucuns travaux sans avoir sollicité et obtenu l'autorisation de l'administration. Mais, pour que la propriété privée puisse être soumise à une telle prescription, le conseil d'Etat juge indispensable, 1o que l'administration ait préalablement pourvu, en exécution de la loi du 9 ventose an xi (Art. 6), et de la loi du 21 mai 1856 (Art. 15), à la reconnaissance des limites et à la fixation de la largeur du chemin vicinal; ? qu'en ce qui concerne les points où il existe des estructions empiétant sur les limites du chemin joignant immédiatement le chemin, cette reconnaissance de limites et cette fixation de largeur aient été établies au moyen d'un travail d'abornement du chemin, et meme lorsque l'état des localités a pu Texiger, à l'aide de plans, régulièrement levés, publes et arrêtés. (Av. 16 juillet 1845.) »

M. le ministre de l'intérieur ayant trouvé que cette opinion satisfait aux intérêts de la viabilité et offre des garanties suffisantes aux intérêts privés, a recommandé aux préfets d'en faire la règle de leurs décisions en cette matière, en ajoutant que les seules réparations qui puissent être réputées confortatives, et, par conséquent, prohibées, sont celles qui auraient pour effet de consolider le mur de face (1).

Un droit analogue au droit de préemption dont il a été parlé ci-dessus est accordé par la loi aux riverains des chemins vicinaux. En cas de changement de direction ou d'abandon d'un de ces chemins, les propriétaires riverains de la partie de ce themin qui cesse de servir de voie de communication peuvent faire leur soumission de s'en rendre acquéreurs. La valeur est fixée par experts.' (L. 21 mai 1836, art. 19.)

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III. RECLAMATIONS ET CONTRAVENTIONS. § 1. Réclamations. 10 En matière de grande Tairie. Les réclamations relatives aux alignements des roufés suivent une voie simple et naturelle qui ne comporte pas des difficultés sérieuses.

Lorsque l'alignement a été arrêté par une ordonnance royale, les particuliers ne sont pas rerevables à attaquer cet alignement autrement qu'en te qui concerne l'application partielle qui leur en serait faite. A l'époque de l'enquête, tous ont été appelés à présenter des observations, aussi bien au point de vue de l'intérêt général qu'à celui de l'intérêt particulier. Après une longue et méthodique instruction, l'administration a pris la détermination qui lui semblait commandée par l'intérêt public, dont elle est la gardienne; les citoyens ne peuvent plus intervenir près d'elle, au nom de cet intérêt, que pour transmettre les renseignements qu'ils peuvent croire de nature à modifier son opinion, c'estdire qu'ils n'ont d'autre voie de recours que cet appel à l'administration mieux informée, toujours morisé par nos lois et par nos mœurs ils peuvent done s'adresser au ministre pour lui demander de

(1) nstruction da 15 août 1843, Bulletin officiel, p. 200

proposer au roi une nouvelle ordonnance; mais le ministre n'est pas tenu de statuer sur cette demande. Lorsque, à défaut de plans régulièrement arrétés, les préfets ont délivré des alignements provisoires, les particuliers qui croient que ces alignements n'ont pas été donnés de manière à concilier le mieux possible les intérêts publics et privés peuvent sans doute réclamer contre l'acte du préfet, devant le ministre que la matière concerne, mais là s'arrête leur droit de recours. Ainsi ils ne sont pas recevables à se pourvoir contre la décision du ministre devant le conseil d'Etat.

Il en est de même au cas où l'alignement n'a été donné qu'avec l'obligation de laisser l'espace nécessaire pour établir des fossés en sus de la largeur de la route. Le droit que l'administration tient de l'arrêt du conseil du 6 février 1776 d'établir des fossés en sus de la largeur des routes rentre dans le pouvoir discrétionnaire; les citoyens ne sont pas recevables à en critiquer l'exercice par la voie contentieuse. (Arr. Cons. 18 août 1842, Brunet de la Serve.)

Mais lorsque les citoyens croient leurs droits lésés, soit par l'application individuelle qui leur est faite d'une ordonnance royale réglant l'alignement d'une route, soit par un arrêté préfectoral portant alignement partiel et provisoire, non-seulement ils peuvent réclamer devant le ministre contre les actes du préfet, mais ils peuvent attaquer les décisions du ministre, devant le conseil d'Etat, par la voie contentieuse.

A ce recours devant la juridiction administrative les particuliers ne peuvent substituer une action judiciaire.

Ainsi, les tribunaux civils sont incompétents pour interpréter les actes de l'administration relatifs à la délivrance des alignements. (Arr. Cons. 16 avril 1841 Delarue C. l'Etat.)

Ces tribunaux sont également incompétents pour prononcer sur les réclamations des particuliers qui se plaignent que l'administration ait méconnu le droit de préemption qui leur est assuré par la loi du 24 mai 1842: telle, par exemple, la réclamation d'un particulier qui se plaint qu'un préfet ait, au préjudice du propriétaire riverain d'une portion de route royale abandonnée, cédé ce terrain à une commune pour la construction d'un édifice communal. (Arr. Cons. 17 juillet 1843, Parent Duchatelet.)

L'autorité judiciaire est aussi incompétente pour connaître des demandes en indemnité formées par des particuliers contre l'administration, à raison du préjudice qui résulterait pour eux, soit du refus de feur délivrer l'alignement demandé (Arr. Cons. 19 décembre 1833, veuve Hédé), soit d'un alignement donné à des tiers, en arrière des constructions existantes, qui se trouvent ainsi soumises à des dégradations extraordinaires. (Arr. Cons. 25 avril 1845, Dru C. l'Etat.)

Les demandes en indemnité dirigées contre l'administration à raison de dommages résultant des alignements arrêtés par elle doivent, en principe, être portées devant le conseil de perfecture, d'après l'article 4 de la loi du 28 pluviose an vIII.

L'autorité judiciaire ne peut connaître des demandes d'indemnité formées par les particuliers contre l'administration à raison des alignements, que s'il y a eu expropriation totale ou partielle, par exemple, au cas où le propriétaire, forcé de reculer ses bâtiments ou sa clôture, a cédé une partie de sa propriété à la voie publique. Encore est-il à remarquer que, dans ce cas, et depuis la loi du 7 juillet 1833 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, le règlement du prix contesté

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