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ADJUDICATAIRE. Celui qui dans une adjudication l'emporte sur ses concurrents, soit en couvrant leurs enchères, soit en faisant des offres plus favorables que les leurs. (Voy. ADJUDICATION.)

ADJUDICATION. Marché fait avec concurrence et dans le but d'obtenir des concurrents, au profit de la partie qui fait procéder à l'adjudication, les conditions les plus avantageuses. Il y a des adjudications volontaires, des adjudications judiciaires et des adjudications administratives. Nous n'avons ici à nous occuper que de ces dernières.

Trois choses sont à considérer dans les adjudicatrons administratives; leur nature, la forme dans laquelle il y est procédé, leur objet.

Quant à leur nature, on distingue les adjudications aux enchères et les adjudications au rabais. Les adjudications aux enchères sont celles auxquelles l'administration a d'ordinaire recours lorsquelle procède à une aliénation ou à une location de produits. Elle tend alors à obtenir de ce qui fait l'objet de l'adjudication le prix le plus élevé."

L'adjudication au rabais est, surtout, usitée quand l'administration s'adresse à l'industrie privée pour obtenir d'elle, soit des fournitures, soit l'exécution de travaux publics. Dans ces circonstances, l'administration tend à payer les prix les moins élevés; elle détermine elle-même un prix qu'elle est résolue à ne pas dépasser, c'est son maximum, et elle annonce qu'elle déclarera adjudicataire, c'est-à-dire quelle choisira pour fournisseur ou pour entrepreneur des travaux à effectuer celui qui fera la plus forte réduction sur le prix servant de point de départ, celui qui consentira au plus grand rabais. Dans l'adjudication aux enchères, les offres des concurrents doivent aller en montant; dans celle au rabais, au contraire, elles vont en descendant.

Quelquefois, quand il s'agit de travaux publics ayant pour but de créer des voies de communication, par exemple, des canaux, des ponts, des chemins de fer, l'administration ne traite pas avec l'industrie privée moyennant un certain prix, mais elle offre d'abandonner à cette industrie pendant un certain temps ou l'exploitation complète des voies ouvertes, ou la jouissance des péages à percevoir de ceux qui en feront usage. Dans ce cas le rabais porte sur le nombre des années de jouissance.

Quant à la forme des adjudications elles se font soit à la chaleur des enchères et à l'extinction des feux, soit sur soumission cachetée. Dans le premier mode, ainsi que chacun sait, une certaine durée est déterminée pour l'adjudication, cette durée est d'ordinaire marquée par le temps nécessaire pour brùler un certain nombre de petites bougies destinées à cet usage. L'opération commence aussitôt que la première bougie est allumée; elle est close dès que la dernière bougie s'éteint. C'est dans cet espace de temps que les offres doivent se produire. L'avantage particulier de ce mode d'opérer' est dans l'excitation qu'il donne aux concurrents. Le désir de l'emporter l'un sur l'autre, la crainte de voir la dernière bougie s'éteindre et l'avantage rester à son compétiteur, ces circonstances constituent ce qu'on appelle la chaleur des enchères et poussent les concurrents à faire des conditions plus avantageuses qu'ils n'auraient consenti à les faire s'ils eussent été de sang froid. Ce mode, comme on le voit, a ses avantages, mais il amène aussi des mécomptes. La rivalité n'est pas toujours une bonne conseillère, et si l'adjudicataire a agi follement, ou il lui est complètement impossible de remplir ses obligations, ou il essaie de tous les moyens, soit bons, soit mauvais, pour réparer le plus possible le tort de ses conditions imprudentes. En résultat, souvent, ni lui, ni l'administration n'y trouvent leur compte.

Lorsque l'adjudication a lieu sur soumissions cachetées, ceux qui veulent y prendre part rédigent à l'avance leurs propositions, les enferment dans une enveloppe cachetée et remettent ce paquet à l'autorité qui préside à l'adjudication. Les enveloppes sont enlevées en présence des concurrents, on donne à haute voix connaissance des propositions faites par chacun d'eux et celui qui a fait les plus favorables est déclaré adjudicataire.

Le mode par soumission cachetée, s'il offre, en apparence, des avantages moins brillants que le précédent, présente, en réalité, des garanties plus solides. Le fournisseur ou l'entrepreneur qui désire être déclaré adjudicataire amoindrit autant qu'il lui est possible ses prétentions, mais d'un autre côté, n'étant pas entraîné par cette chaleur des enchères dont nous parlions tout à l'heure, il prend d'autant plus soin de ses intérêts, et, s'il se borne au bénéfice le plus faible possible, il évite au moins d'aller au devant d'une perte certaine. Nous disons que tels peuvent être, que tels doivent être, le plus souvent, les effets salutaires de l'adjudication sur soumissions cachetées, mais nous devons à la vérité de reconnaître qu'il n'en est pas toujours ainsi.

Si nous envisageons maintenant les adjudications administratives quant à leurs objets, nous verrons que ce mode d'opérer est employé dans diverses matières qui intéressent soit l'Etat, soit les départements, soit les communes et les établissements publics. Ainsi, les adjudications ont pour objet, les ventes d'immeubles appartenant à l'Etat, aux départements, aux communes et aux établissements publics; les ventes de coupes de bois de l'Etat, des communes et des établissements publics; les ventes des propriétés domaniales; les fournitures, les travaux publics, travaux des communes et des établissements publics; les ventes des fruits et les baux de fermage et de loyers de propriétés des communes et des établissements publics, etc.

Nous renvoyons à chacune de ces matières les détails spéciaux relatifs aux adjudications auxquelles elles peuvent donner lieu, détails qui complèteront l'idée générale que nous voulions seulement donner ici de l'adjudication. ALF. BL.

ADMINISTRATION. Dans toutes les sociétés civiles, il y a un certain nombre de besoins communs auxquels la puissance publique est chargée de satisfaire, d'après le consentement exprès ou tacite des citoyens. Pourvoir à ces besoins collectifs est l'œuvre de l'administration publique.

Nécessairement l'état de la civilisation, la constitution politique, les mœurs et les traditions nationales influent sur la nature et l'étendue des attributions de l'administration, et aussi sur ses formes et son organisation. L'administration a donc sa physionomie particulière dans chaque état; mais il n'est peut-être aucun peuple, ancien ou moderne, chez lequel les institutions administratives aient la même importance qu'en France: à tel point qu'on peut dire que c'est surtout par elle que notre pays se distingue des autres Etats.

On conçoit aisément que de semblables institutions sont liées à l'histoire mème de la nation, qu'elles ne peuvent être le resultat d'un accident politique ou la création du génie d'un seul homme. Ecrire l'histoire de l'administration française, ce serait refaire l'histoire de France à un certain point de vue: telle ne peut être notre pensée; notre but est simplement de montrer quelle est aujourd'hui l'organisation de l'autorité administrative et quelles sont ses attributions générales.

La mission de cette autorité est surtout une mission de prévoyance et d'activité; chargée de maintenir l'ordre dans un vaste État, au milieu d'une po

pulation nombreuse et des intérêts multiples d'une civilisation avancée, de pourvoir à toutes les nécessités communes qu'embrassent les services publics, elle doit veiller incessamment ; et là où se révèle un besoin public elle doit y porter son action, sans attendre qu'on la provoque ou la requiert. De là, Tobligation de placer, dans les diverses parties du territoire, des agences qui puissent veiller et pourvoir à l'exécution des services publics.

La rapidité d'action, l'énergie de volonté sont plutot l'attribut d'un fonctionnaire unique que d'un corps délibérant; la responsabilité, d'ailleurs, ne peut être sérieuse, lorsqu'elle se partage entre les membres d'une assemblée; dès lors, il importe de remettre l'action administrative à un fonctionnaire unique, dans chaque circonscription territoriale: c'est, du moins, le principe auquel on s'est arrêté, en France, après avoir fait, de 1790 à 1800, l'essai des agences collectives.

Mais l'action des fonctionnaires distribués dans les divers arrondissements administratifs doit se combiner avec l'action générale du gouvernement, dans un pays où la constitution admet l'unité nationale et politique comme principe fondamental de l'Etat de là la nécessité d'une administration hiérarchique.

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C'est ainsi qu'on a été conduit à créer, en France, des circonscriptions administratives, qui sont, en quelque sorte, subordonnées les unes aux autres, et dans lesquelles, sous l'impulsion suprême du gouvernement, l'action descend du centre de l'empire, et se transmet, de degré en degré, jusqu'à la commune qui est la circonscription élémentaire. C'est ainsi encore qu'à la tête de chacune des divisions administratives on a placé un fonctionnaire, représentant de l'autorité centrale, qui sert d'intermédiaire à cette autorité et aux citoyens pour l'exécution de la loi et des services publics.

I. DE L'ADMINISTRATION ACTIVE.-La hiérarchie des organes de l'administration active, sous la forme unitaire, embrasse le roi, les ministres, les soussecrétaires d'Etat, les préfets, les secrétaires-généraux de préfecture, les sous-préfets, les maires et adjoints, les commissaires de police.

A ces fonctionnaires, qui représentent ce qu'on appelle assez communément l'administration civile, il faut ajouter les intendants militaires et les préfets maritimes, chargés des intérêts spéciaux de l'administration militaire et maritime.

§1. Du roi comme chef de l'administration. -Comment s'exerce l'autorité royale en matière administrative.-Des recours ouverts contre ses actes. Nous n'avons à considérer ici le roi, ni comme chef de l'État, représentant, à ce titre, d'une manière permanente, la nationalité française, ni comme l'une des trois branches du pouvoir législatif, ni même comme source de la justice: nous devons seulement l'envisager comme chef de l'admi

nistration.

A ce titre, des actes nombreux lui sont réservés, actes dont il ne peut jamais être responsable, dont la responsabilité appartient aux ministres, et que cependant ceux-ci ne pourraient faire sans excès de pouvoirs.

Les actes de l'autorité royale dans le domaine administratif se font ou sur le seul rapport d'un ministre, ou après délibération du conseil d'Etat, ou en conseil des ministres.

Sur le rapport d'un ministre, le roi fait des actes de deux espèces :

Les uns, par leur nature même, appartiennent à une autorité purement discrétionnaire et gracieuse, et ne reçoivent ordinairement qu'une application individuelle: telles sont la nomination, l'in

stitution, la révocation des fonctionnaires administratifs, la distribution des récompenses et des hon

neurs.

Les autres sont des mesures par lesquelles l'autorité royale prescrit les dispensations relatives à la marche des services publics, soit qu'il s'agisse du service intérieur des différents ministères, soit même qu'il s'agisse du service extérieur.

Il est vrai que les dispositions concernant ce dernier service sont, le plus souvent, soumises à la délibération du conseil d'Etat. Cette délibération est toujours nécessaire lorsqu'il s'agit d'un règlement d'administration publique.

Ces règlements ont une double origine. D'après l'article 15 de la Charte constitutionnelle, il appartient au roi de prendre, pour l'exécution des lois, des mesures générales réglant les points secondaires qui ne sont pas du domaine législatif. Lorsque le roi prend ces mesures réglementaires, il agit en vertu d'un pouvoir qui lui est propre, comme investi, par la constitution, de la puissance exécutive. Mais certaines matières, incontestablement législatives, sont hérissées de détails spéciaux, et exigent des soins minutieux, des connaissances locales; de grandes assemblées ne pourraient les régler, sans décider au hasard, sans disposer à l'aveugle. Aussi la législature renonce à le faire; elle délégue son droit à l'administration, mais sous la condition d'employer pour ces actes des formes quasi-législatives, c'est-à-dire de les faire délibérer par une assemblée d'hommes habitués à l'examen et à la discussion des détails, assez nombreuse et assez éclairée pour que toutes les opinions importantes puissent s'y produire, assez restreinte pour ne pas tomber dans les inconvénients des chambres législatives.

Les règlements d'administration publique sont précédés d'une instruction méthodique et régulière, dont la délibération du conseil d'Etat est, en quelque sorte, le couronnement; ils sont insérés au Bulletin des Lois.

Quelquefois, la délibération du conseil d'État est exigée, même par la loi, pour des actes de l'autorité royale qui ont le caractère de mesures individuelles. C'est ainsi qu'il est statué par des ordonnances royales rendues dans la forme des règlements d'administration publique, sur les demandes en naturalisation des étrangers, sur les demandes en changement de nom, sur différentes autorisations qui sont nécessaires aux établissements publics pour la gestion de leurs intérêts spéciaux, sur les demandes à fin d'érection des chapelles domestiques et des oratoires particuliers, etc.

Les actes d'administration que l'autorité royale doit faire en conseil des ministres sont peu nombreux et d'une nature spéciale; on peut méme penser que ces actes appartiennent à la sphère du gouvernement plutôt qu'à celle de l'administration proprement dite. Ils se rapportent :

1 A la concession des crédits supplémentaires ou extraordinaires demandés par les ministres en l'absence des chambres (L. 24 avril 1853, art. 4);

2o Au maintien dans la section d'activité du cadre de l'état-major général de l'armée, jusqu'à l'âge de 68 ans, des lieutenants généraux ayant l'âge de 65 ans accomplis (L. 4 août 1859, art. 5);

3o A la révocation des conseillers d'Etat et des maîtres des requêtes en service ordinaire (L. 19 juillet 1845, art. 6);

4o Aux décisions contentieuses qui ne seraient pas conformes à l'avis du conseil d'Etat (Ibid., art. 24).

Mais si l'autorité royale n'est obligée d'agir en conseil des ministres que dans les cas qui viennent d'être indiqués, il est beaucoup d'actes qui pourraient être faits sur le simple rapport d'un ministre,

et qui sont délibérés dans le conseil. Avec notre forme de gouvernement, cela peut être souvent convenable; mais il faut aussi prendre garde, surtout dans celles des matières administratives qui n'ont pas un rapport étroit avec la direction politique du gouvernement, de trop effacer le ministre devant le cabinet.

Divers recours sont ouverts aux parties intéressées contre les actes d'administration faits par le roi. D'abord, si la matière est contentieuse, il y a recours au conseil d'Etat par la voie contentieuse. Si la matière est purement administrative, il y a, d'ordinaire, recours au roi, mieux informé, par la voie discrétionnaire ou par la voie gracieuse, c'està-dire qu'on peut s'adresser au ministre que la matière concerne, pour lui demander de proposer au roi le rapport de l'acte qui a fait grief. On peut aussi, lorsque l'acte royal dont on croit avoir à se plaindre a été fait sur délibération du conseil d'Etat, et, bien que la matière ne soit pas contentieuse, présenter une requête pour obtenir que le roi renvoie l'affaire soit à une section du conseil d'Etat, soit à une commission prise dans le sein de ce conseil. Enfin, dans tous les cas, on peut réclamer devant les chambres législatives, par voie de pétition.

Quelquefois l'interprétation des ordonnances royales est nécessaire: il est évident qu'au roi seul il appartient de la donner. Si elle est requise, par suite d'un litige judiciaire ou administratif, à la solution duquel elle importe, la jurisprudence du conseil d'Etat admet que, quelle que soit la matière, on puisse se pourvoir en interprétation par la voie contentieuse.

§ 2. Des ministres. -Leur caractère général. -Leurs attributions. - Limites de leur autorité. Recours contre leurs actes. - Des soussecrétaires d'Etat.-Les ministres sont, au centre de l'empire, sous l'autorité du roi, les chefs de l'administration active pour les services qui ressortissent au département à la tête duquel ils sont placés. L'autorité des ministres s'exerce sur tout le territoire national, et quelquefois même hors du royaume pour l'exécution de leurs services. C'est un des points par lesquels les ministres actuels different des ministres de l'ancienne monarchie, dont l'autorité ne s'étendait souvent que sur une partie des provinces, pour tel ou tel service.

Aujourd'hui chaque ministre a des attributions spéciales, déterminées par les attributions mémes du ministère dont il est chargé. Mais les ministres ont aussi des attributions générales.

Ainsi, ils sont les ordonnateurs de toutes les dépenses, chacun dans son département; et, à ce titre, ils doivent rendre compte aux chambres; ce compte est un compte moral, ou, si l'on veut, politique ce n'est point un compte matériel comme ceux dont sont tenus les comptables en deniers ou en matières.

Les ministres ont, d'ailleurs, la direction de tous les agents qui ressortissent à leur ministère: quelquefois il leur appartient de les choisir, de les suspendre et même de les révoquer; quant aux actes, ils ont le pouvoir de les confirmer, de les réformer ou de les annuler.

Les ministres peuvent déférer au conseil d'État, dans l'intérêt économique des services qui leur sont confiés, les décisions des juridictions administratives qui ressortissent à ce conseil, à charge par eux de se pourvoir dans les délais du règlement. Lorsque ces délais sont expirés, ils peuvent encore se pourvoir, mais alors ce n'est plus que dans l'inté

rét de la loi.

Enfin les ministres ont action sur les citoyens, dans les limites tracées par la loi, pour l'exécution

des services qui rentrent dans leur département. L'autorité des ministres atteint les personnes et les choses elle s'exerce par des mesures collectives ou individuelles; mais le pouvoir réglementaire ne leur appartient qu'exceptionnellement on citerait à peine quelques cas où il leur a été délégué, soit par le législateur, soit par l'autorité royale.

Du reste, dans l'exercice de leur autorité, ces hauts fonctionnaires doivent respecter non-seulement les barrières qui séparent le pouvoir législatif du pouvoir exécutif, et l'autorité judiciaire de l'autorité administrative, mais dans l'enceinte même de cette dernière autorité, les ministres rencontrent des limites qu'ils ne peuvent franchir sans excès de pouvoirs. Dans l'administration active, par exemple, ils ne peuvent faire ni les actes réservés au roi, ni ceux qui toucheraient à des services étrangers à leur département, ni déléguer l'autorité dont ils sont dépositaires, à moins qu'ils n'y soient expressément autorisés, comme pour les sous-secrétaires d'Etat. Dans l'administration contentieuse, ils ne peuvent ni se substituer aux diverses juridictions administratives, ni intercepter les recours adressés à ces juridictions, ni suspendre leurs procédures, ni arreter l'effet de leurs décisions autrement qu'en les frappant d'appel devant les juridictions supérieures, selon les formes et dans les délais voulus. Enfin, les ministres ne peuvent révoquer leurs propres décisions, lorsqu'elles ont conféré des droits à des tiers.

Les voies de recours contre les actes des ministres varient d'abord selon le genre de réparation que les réclamants veulent obtenir, et aussi suivant la matière à laquelle l'acte attaqué se rapporte. Ainsi, lorsque les citoyens, se croyant lésés par un acte ministériel, en demandent seulement la réformation, ils peuvent, si la matière est contentieuse, se pourvoir au conseil d'Etat par la voie contentieuse; si la matière est purement administrative, il faut recourir au ministre mieux informé; enfin, les citoyens peuvent réclamer devant les chambres législatives par voie de pétition.

Mais si les citoyens veulent, à l'occasion d'un acte ministériel, intenter une action juridique à fin de réparation civile (à supposer que ce genre d'action fut admissible), ou bien une poursuite criminelle, ils doivent s'adresser à la chambre des députés, qui seule peut autoriser la mise en jugement des ministres devant la chambre des pairs.

L'institution des sous-secrétaires d'Etat, dont on a fait des essais partiels à diverses époques depuis 1816, parait avoir été empruntée à l'Angleterre, sans qu'on se soit suffisamment rendu compte de la différence qui existe dans l'organisation du pouvoir exécutif des deux pays.

Les sous-secrétaires d'Etat peuvent recevoir des ministres la délégation d'une portion de leur autorité. Lorsqu'une semblable délégation a été faite, le conseil d'Etat admet que les sous-secrétaires sont complètement substitués aux ministres en ce qui concerne les services dont la direction leur a été abandonnée. Dès lors, si pour l'exécution de ce service ils font un acte dont un citoyen croit avoir à se plaindre, et que la matière soit contentieuse, ce n'est pas devant le ministre, mais directement au conseil d'Etat, qu'il faut s'adresser pour obtenir la réformation de l'acte.

§ 5. Des préfets. -Leur double caractère. Leurs attributions.—Limites de leur autorité.Voies de recours contre leurs actes. — Des secrétaires généraux de préfecture. — Des sous-préfets. Le préfet est, sous les ordres des ministres, le représentant de la loi et du pouvoir exécutif pour la gestion des intérêts généraux dans son département.

Mais il est aussi le représentant des intérêts spéciaux du département, considéré comme personne civile. En tant qu'il représente l'intérêt général dans Tetendue du département, le préfet est investi d'une autorité de nature très-diverse: ainsi tantôt il est simple organe de transmission, de notification, d'information, de surveillance; tantôt il agit avec une autorité de tutelle; tantôt il procède par voie de nomination ou d'institution, de suspension ou de révocation; tantôt il agit avec autorité de commandement sur les personnes et sur les choses, sur ses subordonnés ou sur les citoyens; tantôt il prescrit de faire ou de ne pas faire; tantôt il agit pour provoquer la décision d'une autre autorité, soit de Fordre administratif, soit de l'ordre judiciaire, ou pour la suspendre, par exemple, lorsqu'il élève le conflit d'attributions. Enfin, aux termes de l'article 10 du Code d'instruction criminelle, les préfets dans les départements, et le préfet de police à Paris, peuvent faire personnellement et requérir les officiers de police judiciaire, chacun en ce qui le concerne, de faire tous les actes nécessaires à l'effet de constater les crimes, délits et contraventions, et en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les panir.

Le préfet, pour l'accomplissement de ces différentes missions, agit seul ou en conseil de préfecture.

Les préfets, dans notre organisation actuelle, tiennent à peu près la place qu'occupaient les intendants sous l'ancienne monarchie: leurs pouvoirs sont moins étendus quant au territoire, et, jusqu'à un certain point, quant aux matières, mais surtout en ce que leurs actes sont toujours susceptibles d'être réformés par l'administration centrale.

Le préfet, comme représentant des intérêts spéciaux du département, est l'ordonnateur des dépenses votées par le conseil général, auquel il rend des comptes annuels, comptes purement moraux, comme le sont, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, les comptes des ministres, et en général tous ceux des ordonnateurs; il gère les biens propres au département, dirige les travaux, intente ou soutient en son nom les actions juridiques devant l'autorité judiciaire ou administrative.

Indépendamment des limites générales de l'autorité administrative, il en est de particulières aux préfets: ainsi le préfet ne peut ni faire des actes réservés à l'autorité royale ou aux ministres, ni porter atteinte aux attributions des autorités collatérales, tels que les organes de l'administration contentieuse ou délibérative, par exemple les con seils de préfecture ou les conseils généraux de département. Il ne peut non plus empiéter sur les autorités subordonnées, par exemple, en faisant des ates qui leur sont attribués, alors même qu'il a droit de réformer ces actes. D'autre part, il ne peut rétracter ses propres actes, quand ils ont constitué des droits à des tiers. Enfin l'autorité du préfet est renfermée dans le territoire de son département. Les actes du préfet peuvent, ou plutot doivent toujours être attaqués devant le ministre que la matière concerne, qu'elle soit contentieuse ou purement administrative. Cependant, en cas d'incompétence ou d'excès de pouvoirs, le recours peut être porté directement au conseil d'Etat. Il est aussi certains cas où, même pour mal jugé, les actes du préfet sont déférés au conseil d'Etat, sans passer par l'intermédiaire des ministres; mais c'est qu'une isposition expresse l'a réglé ainsi, et cela n'est guere établi que pour des décisions prises en conseil de préfecture. Quelquefois on peut recourir au conseil de préfecture contre les actes des préfets. Erfin, il faut noter que parmi les décisions préfec

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torales il en est dont l'appel est soumis aux cours royales, telles sont celles qui concernent les listes électorales et du jury.

Quant aux secrétaires généraux de préfecture, ils ont la garde des archives de la préfecture; ils doivent veiller à ce que les registres sur lesquels les actes des préfets et les décisions des conseils de préfecture doivent être inscrits soient constamment à jour. Les expéditions de ces actes, délivrés et signés par eux, sont authentiques.

Les sous-préfets dont on veut quelquefois faire remonter l'origine aux subdélégués des intendants, sont des agents intermédiaires entre les préfets et les maires. Ils sont surtout des organes d'information, de transmission, de surveillance; cependant, dans certains cas, ils ont une autorité de commandement qui leur est propre.

§ 4. Des maires. -Variété de leurs fonctions. -Leur double caractère sous le rapport administratif.—Des adjoints.-Les maires appartiennent, en France, tout à la fois, à l'ordre judiciaire et à l'ordre administratif. Ainsi ils sont officiers de police judiciaire (C. I., art. 8.) et quelquefois juges de simple police (Art. 140, 166 à 171), ou officiers du ministère public près les tribunaux de simple police (Art. 144).

D'un autre côté, ils sont les représentants de la loi et du pouvoir exécutif pour l'accomplissement des services publics dans la commune, et les représentants des intérêts spéciaux de la commune considérée comme personne civile.

Enfin, les maires remplissent les fonctions d'officiers de l'état civil, fonctions judiciaires selon les uns, administratives selon les autres, et qu'ils exercent sous la surveillance des procureurs du roi.

L'autorité qui est attribuée au maire comme représentant de la loi et du pouvoir exécutif est trèsvariée. En effet, en même temps qu'il est organe de transmission, de notification, d'information, de surveillance, de controle, il est aussi investi d'une autorité de commandement. Cette dernière autorité s'exerce principalement en matière de police municipale, c'est-à-dire dans les matières qui ont pour but d'assurer la sureté, la commodité et la liberté du passage sur les voies publiques de la commune, la tranquillité et la salubrité publique, le bon ordre dans les lieux de réunion publique. Pour tous ces objets, le maire a le pouvoir de prendre des arrêtés et même des arrêtés réglementaires, que l'autorité supérieure peut réformer, mais qui sont exécu toires provisoirement. Il n'y a d'exception que pour ceux qui portent règlement permanent: ces derniers arrêtés ne sont exécutoires qu'après l'approbation du préfet, ou qu'autant qu'il a laissé passer sans s'opposer à l'exécution le délai d'un mois après la remise de l'ampliation, constatée par les récépissés donnés par le sous-préfet. Ce pouvoir réglementaire des maires, en ce qui concerne la police municipale, leur a été accordé, parce que les mesures à prendre en ces matières varient nécessairement suivant le climat, la position des localités et les habitudes de la population. Mais, en donnant à l'autorité locale le pouvoir nécessaire pour satisfaire à ces besoins spéciaux, il ne fallait pas qu'elle put s'écarter de la loi commune, des principes généraux du droit constitutionnel et administratif, et arriver ainsi insensiblement à miner l'unité nationale: voilà pourquoi les arrêtés réglementaires des maires peuvent toujours être réformés par l'autorité administrative supérieure, et pourquoi ceux qui portent règlement permanent n'ont pas même l'exécution provisoire. Le maire peut, d'ailleurs, requérir la force armée, toutes les fois qu'il le juge utile pour le maintien de la tranquillité.

Représentant les intérêts spéciaux de la commune vis-à-vis de l'État, des particuliers ou des établissements publics, le maire est l'ordonnateur des dépenses votées par le conseil municipal, auquel il rend compte en cette qualité; il gère le patrimoine communal; il dirige les travaux communaux; il intente ou soutient, au nom de la commune, les actions juridiques devant l'autorité administrative et judiciaire; enfin il exerce une sorte de patronage officieux envers les simples individus habitant sa com

mune.

Les adjoints au maire sont destinés à le remplacer en cas d'empêchement, et l'assistent aussi dans ses fonctions. Ainsi le maire peut leur confier telle partie de son administration qu'il juge convenable; ils ont, d'ailleurs, à côté de lui des attributions qu'ils tiennent de la loi ou des règlements.

Les maires et les adjoints étant tout à la fois les organes de l'intérêt général dans la commune et les représentants des intérêts particuliers de la commune, leur nomination a lieu par le concours du choix des citoyens et de l'autorité royale (1).

$5. Des commissaires de police. Les commissaires de police appartiennent à l'ordre judiciaire comme officiers de police judiciaire pour la constatation des contraventions, des délits et des crimes, et comme officiers du ministère public près les tribunaux de simple police.

Ils appartiennent à l'ordre administratif, principalement en ce qu'ils sont appelés à seconder le maire dans l'exercice de la police municipale. Ils agissent sous son autorité, ils sont rétribués par la commune, mais ils sont nommés par le roi. En effet, ce ne sont pas des agents municipaux leur mission est une mission d'intérêt général, appliquée à une localité.

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§ 6. De l'autorité préfectorale, des maires et des commissaires de police dans le département de la Seine et à Paris.-Le département de la Seine est soumis, quant à l'organisation de l'autorité administrative, à des règles spéciales dont chacun conçoit l'utilité. L'autorité préfectorale y est partagée entre deux fonctionnaires, le préfet de la Seine et le préfet de police; mais, pour compenser ce partage, leurs attributions sont grossies, au détriment des maires de la capitale, de presque toutes celles qui sont dévolues aux maires dans les autres communes. Ainsi, le préfet de la Seine, indépendamment des fonctions conférées aux préfets des autres départements, moins la police générale, est chargé, sauf quelques exceptions, de toute la gestion économique de la ville de Paris. Aussi est-il considéré comme son premier magistrat municipal, comme le maire-chef. Au préfet de police, outre les attributions de police générale conférées aux préfets des départements, et qui ont été distraites à son profit de la préfecture de la Seine, appartient tout ce qui concerne la police municipale, à Paris, et même quelques parties de cette police dans les autres communes du ressort de sa préfecture.

Les maires des douze arrondissements ont quelques attributions relatives à la garde nationale, à 'état politique, à l'instruction primaire, aux cultes, au commerce, à l'exercice de l'art médical, aux secours publics, aux sépultures, aux importations d'armes, au recrutement et aux contributions. Mais des fonctions appartenant aux maires dans les autres communes, ils n'ont conservé intactes que les fonctions d'officiers de l'état civil.

Il y a dans la capitale deux sortes de commissa

(1) Si, dans certaines communes, les maires et les adjoints sont nommés par les préfets, c'est au nom da roi. (L. 21 mars 1831, art. 3.)

riats de police: les commissariats de quartier, au nombre de quarante-huit, plus un adjoint, qui sont chargés du soin de la police dans chaque quartier de la grande cité, puis des commissariats pour des services spéciaux, tels que les voitures publiques, les poids et mesures, la librairie et Kimprimerie, etc. Les commissariats de police dépendent généralement de la préfecture de police; il en est cependant qui relèvent directement du ministère de l'intérieur.

§7. De l'intendance militaire et des préfectures maritimes.- La guerre a deux parties bien distinctes la partie stratégique et la partie administrative. Chacune de ces deux parties exige des facultés, des connaissances spéciales qu'il est difficile de trouver réunies dans un même homme. Quelles que soient d'ailleurs les facultés et les connaissances du général, la partie économique de la guerre serait toujours mal placée entre ses mains; il est évident qu'elle serait sacrifiée au succès des opérations militaires. D'un autre côté, les administrateurs civils ordinaires (les préfets, sous-préfets et maires) ne pourraient, même sur le territoire national, suffire à cette tâche; de là l'institution d'un corps spécial d'administrateurs pour l'armée : ce corps, dont l'organisation et la dénomination ont varié plusieurs fois même depuis 1800, porte aujourd'hui le nom d'intendance militaire; il est placé sous l'autorité du ministre de la guerre. Subordonnés au chef militaire, en ce sens que, sur son ordre, ils doivent procurer aux troupes telles fournitures par lui désignées, dans le lieu et au moment déterminés, les fonctionnaires de l'intendance sont indépendants de ce chef, quant au mode d'exécution du service qui leur est demandé, et surtout quant à la comptabilité.

Les intérêts maritimes de la France sont trop étendus pour qu'on put en remettre la direction aux fonctionnaires de l'administration civile. De là la création de cinq préfectures maritimes, dont le cheflieu est dans chacun de nos cinq grands ports. Le préfet maritime est le chef de tout le service de la marine dans l'arrondissement de sa préfecture. Cette institution remonte à l'an vIII. Sous la restauration, de 1816 à 1827, on essaya de séparer la gestion économique des autres parties du service; la première était confiée à un intendant, et les autres à un commandant; mais, depuis 1827, on est revenu au système des préfectures maritimes, c'est-à-dire d'un chef unique pour diriger l'ensemble du service de chaque arrondissement.

§ 8. Des agences collectives. Nous avons parcouru la hiérarchie des organes de l'administration active, constituée sous la forme unitaire, et nous espérons que nos indications, toutes sommaires qu'elles soient, ont pu convaincre les lecteurs que cette organisation est destinée à suffire à tous les développements de l'action administrative. Cependant, pour quelques services spéciaux, qui exigent un concours de lumières ou d'efforts, et où le partage de la responsabilité offre des avantages plutôt que des inconvénients, des agences collectives ont été instituées telles sont, par exemple, la commission des monnaies à Paris, les commissions administratives des hospices, et les bureaux de charité ou de bienfaisance, les conseils de fabriques des paroisses, les intendances et les commissions sanitaires.

$9. Des agences auxiliaires. On comprend aisément que l'action administrative n'a pu être confiée, dans sa plénitude, à tous ceux qui devaient concourir à son exercice; le pouvoir d'appliquer les obligations légales aux citoyens quant à leurs personnes et quant à leurs biens, ne doit étre remis qu'à un certain nombre de fonctionnaires capables de

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